BCE: première bougie sous le signe de la pandémie pour Christine Lagarde

Christine Lagarde © AFP

Rien ne s’est passé comme prévu pour la première année de Christine Lagarde à la tête de la BCE: pandémie oblige, la nouvelle cheffe de l’institution a dû endosser les habits de pompier de la zone euro pour une épreuve du feu exigeante.

Entrée en fonction le 1er novembre dernier, la Française, ancienne directrice du Fonds monétaire international (FMI), a vécu douze mois “forts en intensité” et en “responsabilité”, qui lui ont laissé “peu de sommeil”, a-t-elle récemment confié à la chaîne de télévision LCI.

Mme Lagarde présidera jeudi sa huitième réunion de politique monétaire à la Banque centrale européenne au moment où le rebond de l’épidémie de Covid-19 en Europe, accompagnée d’une nouvelle salve de restrictions, “ajoutent à l’incertitude et pèsent sur la reprise”, a-t-elle souligné dans la presse.

Les spécialistes voient néanmoins l’institution attendre décembre, et un nouveau jeu de prévisions économiques, pour l’annonce de mesures de soutien supplémentaires à l’économie.

L’ambition de départ de la nouvelle gardienne de l’euro était de ressouder le conseil des gouverneurs de l’institution, divisé comme jamais à la fin du mandat de l’Italien Mario Draghi, avant de lancer un audit sur la stratégie de la BCE, le premier depuis 2003.

Dans la bataille entre banquiers centraux “faucons”, partisans de resserrer les vannes du crédit, et les “colombes”, exhortant à poursuivre une politique accommodante, elle s’était présentée en “chouette”, symbole de “sagesse”.

Choix des mots

Mais ces dissensions sont passées au second plan face au séisme économique accompagnant la première vague du nouveau coronavirus : sous la houlette de Mme Lagarde, la BCE a décidé en mars d’une intervention exceptionnelle, encore renforcée en juin.

Cet arsenal consiste à racheter des centaines de milliards d’euros de dette sur le marché pour soulager les banques et les inciter à maintenir ou relancer leurs prêts aux ménages et aux entreprises.

“Les temps extraordinaires nécessitent une action extraordinaire”, avait déclaré Christine Lagarde pour marquer la détermination de l’institution.

Des mots soigneusement pesés alors que la patronne de la BCE a constaté à ses dépens que la communication était un aspect clé de ses nouvelles fonctions.

Sans expérience à la tête d’une banque centrale, elle a d’abord eu du mal à réaliser que le “moindre mot” “peut agiter les marchés”, observe Carsten Brzeski, économiste chez ING.

En mars, elle avait eu une formule malheureuse devant la presse, affirmant que l’institution de Francfort n’était pas là pour contenir les primes de risque (“spreads”) entre les Etat de la zone euro. Les taux d’emprunt italiens avaient aussitôt flambé.

Mme Lagarde lit depuis très attentivement ses notes lors des conférences de presse et reste vague dans les sessions de questions-réponses.

La BCE a même initié un “blog” explicitant les décisions de politique monétaire, une façon de “réparer tout dommage de communication” face à la presse, ironise M. Brzeski.

Poids du réseau

L’ancienne ministre française de l’Economie a également laissé s’installer une communication “plus collégiale”, note Gilles Moec, chef économiste chez Axa.

A part la présidente, les membres du directoire et les banquiers centraux de la zone euro “s’expriment davantage”, explique-t-il.

Grâce à son arsenal de mesures et une forte présence médiatique, la BCE aura “réussi à éviter une crise de la dette souveraine” comme celle de 2011-2012, juge Andrew Kenningham, économiste chez Capital Economics.

Autre point à l’actif de Mme Lagarde, son “talent diplomatique” et son “réseau au plus haut niveau politique” ont aidé dans une situation où “une bonne coordination entre politique monétaire et budgétaire est plus importante que jamais”, assure Fritzi Köher-Geib, cheffe économiste à la banque publique KfW.

En pleine crise, elle a aussi donné des “impulsions” visant à rendre la politique monétaire “plus compréhensible”, appelant notamment à prendre en compte le “changement climatique”, ajoute-t-elle.

Mais le plus délicat pour Mme Lagarde est à venir, prévient M. Moec: gérer, le moment venu, “la sortie de crise face à des +faucons+ prompts a vouloir resserrer la vis”.

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