BCE : ce qu’il faut retenir de ses annonces
La BCE a certainement déçu les marchés ce jeudi, qui accusaient un net repli suite à des annonces jugées trop faibles. Taux de dépôt en baisse mais taux central inchangé, rachats massifs de dette prolongés… voici ce qu’il faut en retenir.
1) La BCE abaisse son taux de dépôt de -0,2% à -0,3%, les autres restent stables
La Banque centrale européenne a abaissé jeudi à -0,3% son taux de dépôt au jour le jour (contre -0,2% auparavant), dans le cadre de ses efforts pour stimuler l’activité économique et relancer la faible inflation en zone euro. Avec cette pénalité infligée aux banques qui stockent de l’argent – il leur en coûtera 30 centimes pour 100 euros déposés – la BCE espère inciter les établissements de crédit à prêter davantage aux ménages et aux particuliers, afin de dynamiser la consommation et l’investissement en Europe.
Le taux central, baromètre du crédit en zone euro, reste inchangé à 0,05%, et le taux de prêt marginal, auquel les banques empruntent pour 24 heures aux guichets de la BCE, stationne à 0,3%.
2) La BCE prolonge ses rachats massifs de dette jusqu’à mars 2017
La BCE a également dévoilé un renforcement de son programme de rachats massifs de dette, sous la forme d’une extension de sa durée et d’un élargissement de la palette de titres qu’elle peut acheter. Ce programme dit “QE” (pour “Quantitative Easing”, ou “assouplissement quantitatif”), lancé en mars dernier, sera prolongé jusqu’à la fin de mars 2017 au moins, a déclaré à Francfort Mario Draghi, président de la BCE. La BCE injectera ainsi a minima 1.500 milliards d’euros dans l’économie.
“Nous en faisons plus parce que ça marche, pas parce que c’est un échec”, a assené Mario Draghi, précisant également qu’une “large majorité” des membres du conseil des gouverneurs de la BCE s’était prononcée en faveur de cette rallonge, sans toutefois parvenir à l’unanimité.
Jusqu’à présent, les achats, de 60 milliards d’euros par mois, devaient durer jusqu’à septembre 2016, pour un volume minimum cumulé de 1.140 milliards d’euros. Pour être sûre de trouver des actifs à acheter sans pour autant assécher complètement le marché, la BCE a annoncé qu’elle étendait la palette des titres de dette qu’elle peut acheter. Outre les obligations souveraines, c’est-à-dire émises par les 19 États-membres de la zone euro et certaines institutions européennes, et certaines obligations privées, l’institution pourra jeter son dévolu sur de la dette émise par “les collectivités régionales et locales de la zone euro”, par exemple les communes.
Les banquiers centraux ont beau assurer qu’il marche très bien, le “QE”, au titre duquel 540 milliards d’euros ont déjà été déboursés, n’a pour le moment pas eu les effets escomptés, notamment sur l’inflation qui se languit à 0,1% en zone euro, bien loin de l’objectif d’une hausse des prix juste en dessous de 2%. Prenant acte de cette stagnation, la BCE a légèrement abaissé jeudi ses prévisions d’inflation pour la zone euro en 2016 et 2017.
3) La BCE plus optimiste pour la croissance en zone euro, mais inquiète pour l’inflation
La BCE a par ailleurs fait montre d’un diagnostic mitigé pour le futur de la zone euro, en relevant légèrement ses prévisions de croissance pour 2015 et 2017, mais en s’inquiétant pour l’inflation, avec des prévisions 2016 et 2017 abaissées.
Les économistes de l’institution monétaire tablent désormais sur une inflation de 1% pour 2016 et de 1,6% pour 2017, contre 1,1%, % et 1,7% auparavant, a annoncé son président Mario Draghi lors d’une conférence de presse. Le pronostic d’inflation 2015 reste inchangé à 0,1%.
Les équipes de la BCE misent par ailleurs sur une croissance du PIB de 1,5% en 2015 et 1,9% en 2017, contre 1,4% et 1,8% jusqu’à présent. Le pronostic de croissance 2016 reste inchangé à 1,7%.
4) La BCE déçoit : les marchés européens accusent le coup
Les marchés européens accusaient le coup jeudi après-midi, avec une forte baisse des indices boursiers et une hausse de l’euro, déçus par le manque d’ampleur des nouvelles mesures de soutien de la Banque centrale européenne qui avaient suscité beaucoup d’espoirs.
Vers 15 h 20, la Bourse de Francfort perdait ainsi 2,14%, Paris 1,55%, Londres 0,64%, Madrid 1,42% et Milan 1,16%. A Bruxelles, l’indice reculait d’un peu plus de 1%. Les marchés boursiers limitaient néanmoins un peu la casse après avoir perdu beaucoup de terrain un peu plus tôt. De son côté, l’euro progressait nettement face au billet vert, à 1,0798 dollar. Le marché de la dette était également affecté, les taux d’emprunt progressant fortement, à l’image de celui de l’Allemagne, qui montait à 0,576% contre 0,470% la veille à la clôture.
“La BCE ne parvient pas à concrétiser les espoirs qu’elle a suscités”, a souligné Jonathan Loynes, économiste en chef pour l’Europe de Capital Economics. Les marchés avaient spéculé ces dernières semaines sur des annonces fortes de la BCE à l’issue de sa réunion, mais les mesures dévoilées par Mario Draghi ne semblaient pas à la hauteur des attentes, très élevées, des investisseurs.
“Bien sûr, il est possible que les données économiques un peu meilleures que prévu aient persuadé le conseil des gouverneurs qu’une action plus poussée n’était pas nécessaire”, a ajouté Jonathan Loynes. “Et Mario Draghi a laissé la porte ouverte à d’autres assouplissements dans le futur.” Il n’empêche que ces annonces sont “clairement perçues comme décevantes après les signaux très accommodants envoyés par le président et ses collègues”.
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