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Avons-nous besoin de “politisaints”?

Ces derniers jours, certains journaux ont cru utile de présenter comme une ” nouvelle ” le fait qu’un parlementaire fasse l’objet de poursui-tes pour le ” crime ” d’avoir commis un excès de vitesse sur l’avenue Louise à Bruxelles et d’avoir payé avec deux jours de retard la transaction proposée par le parquet.

Il est logique que son immunité soit levée – d’ailleurs, il ne s’y oppose pas – et qu’il subisse les mêmes conséquences que tous les autres contrevenants qui commettent un excès de vitesse, infraction constatée plusieurs millions de fois par an. Mais il est difficile de comprendre que l’homme se voit jeter l’opprobre pour une vétille.

Aujourd’hui, il y a tant d’actes interdits par la loi qu’à moins d’être particulièrement immobile et inactif, il est devenu quasiment impossible de ne pas enfreindre l’un ou l’autre texte. Est-il vraiment nécessaire que le critère essentiel dans le choix de nos politi-ciens est qu’ils aient toujours respecté la moindre disposition légale ? Allons-nous, comme on le fait aux Etats-Unis lorsque le Sénat confirme des nominations à des postes importants, rechercher dans la vie de chacun s’il n’a pas fumé un joint à l’âge de 14 ans ?

Plus grave est le sort de cet échevin socialiste d’une petite commune wallonne. Victime d’un vol, il a commis l’erreur, sur un réseau social, de s’en prendre à toute la communauté des ” gens du voyage ” dont le voleur fait peut-être partie. C’est regrettable et ce n’est pas une preuve de grande intelligence, mais qui peut garantir qu’il ne commettrait pas la même erreur dans les mêmes circonstances ? Sous le coup d’un acte injuste, chacun peut avoir un mot de trop et ne pas juger la situation avec l’objectivité requise… Cet homme n’est pas poursuivi au pénal à ce jour, mais il a été exclu de son parti, privé de son mandat d’échevin, et même suspendu pour six mois de sa fonction de professeur dans une école. N’est-ce pas un peu sévère ?

Tout se passe comme si l’on exigeait aujourd’hui des politiciens qu’ils soient des ” politisaints “, c’est- à-dire de saints hommes qui font de la politique. Pourtant, même les religieux, lorsqu’ils ne sont pas extrémistes, reconnaissent en général que nul n’est à l’abri du péché et qu’on n’attend de personne qu’il ait un comportement parfait, mais qu’il fasse des efforts pour respecter au mieux les règles de sa morale ou de sa religion.

Pourquoi donc les hommes et femmes politiques devraient-ils être ” exemplaires ” ? Il n’y a pas de raison, a priori, qu’ils soient meilleurs que les personnes qu’ils représentent. Et ils ne sont d’ailleurs pas élus pour être des modèles, mais seulement pour exercer une fonction bien précise pour laquelle les citoyens les mandatent. Au même titre que toutes les autres personnes qui exercent une profession, cela implique que, comme leurs électeurs, ce sont des êtres humains qui peuvent avoir leur part d’imperfection.

Il est devenu très rare qu’un homme politique soit chassé de sa fonction parce que sa politique est mauvaise ou parce qu’il est incompétent. Il peut lui arriver de perdre les élections suivantes, mais son parti, entre les élections, ne le lâchera probablement jamais parce qu’il a ” simplement ” gaspillé les deniers publics ou mal exécuté la tâche pour laquelle il est élu et rémunéré. Aucun élu n’est tombé suite au scandale de l’absence d’entretien des tunnels bruxellois, ni pour les opérations très déficitaires pour l’Etat concernant la tour des Finances. Les citoyens, d’ailleurs, ne s’y trompent pas, eux qui ont réélu à diverses reprises des hommes politiques condamnés pour des actes beaucoup plus graves que des excès de vitesse.

Peut-être aurions-nous plus de chance de voir les politiciens exercer leur mandat avec compétence si l’on ne commençait pas par privilégier les choix en fonction des petites erreurs, étrangères à leur fonction, de la vie quotidienne. Winston Churchill, qui fumait en public et était un grand amateur de whisky, aurait-il fait gagner la guerre à l’Angleterre si l’on s’était passé de ses services parce qu’il n’était pas politiquement correct suivant les très rigoristes critères actuels des médias et d’une partie de l’opinion publique ? Le bon sens serait de juger ces personnes sur leurs actes dans l’exercice de leur fonction, plutôt que sur les petites erreurs auxquelles personne n’échappe. Reprocher aux prétendues élites les fautes que tout le monde commet, c’est aussi du populisme.

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