Au Liban, la foule dit Non mais cherche ce qu’elle veut

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Rassemblés depuis une semaine dans les rues du pays, les Libanais sont unis dans une opposition farouche à l’ensemble de la classe politique, mais il est difficile de trouver des solutions qui les mettraient tous d’accord.

Parmi les manifestants rencontrés par l’AFP à Beyrouth au fil des rassemblements, les envies et les rêves diffèrent dès qu’ils sont interrogés au-delà du slogan-phare “Tous, cela veut dire tous”, qui traduit la volonté commune de renouveler en bloc un monde politique accusé d’incompétence et de corruption.

Peter Sayegh, un lycéen de 16 ans, souhaiterait d’abord que “ceux qui gouvernent nous assurent nos droits et qu’il y ait du travail” parce qu’il aime son pays et ne veut “pas être obligé d’émigrer”. Son ami Andrew Baydoun est nettement plus radical. Selon lui, la priorité est de “faire partir tout le gouvernement et de mettre l’armée au pouvoir” pour cesser de tergiverser. Et il ne verrait pas d’inconvénient à ce que le président Michel Aoun, un ancien général de 84 ans, prenne la direction des opérations.

La “révolution” manque à ce stade de figures fédératrices, à l’instar du mouvement de protestation de 2015 surnommé “la crise des déchets”, où certains membres de la société civile avaient occupé la scène.

Mona Fawaz, du groupe Beyrouth Madinati (Beyrouth est ma ville), en faisait partie. Mais elle s’est fait huer lundi lorsqu’elle a pris le micro sur l’estrade montée place des Martyrs, au coeur de la capitale. “Va parler à ABC”, une chaîne de centres commerciaux de luxe, lui a crié un manifestant, en l’accusant de vouloir tirer la couverture à elle.

– “Conscients des limites” –

Pour Nizar Hassan, un militant de gauche de 26 ans, le problème est que “beaucoup de gens parlent de choses impossibles à accomplir”. Il suggère pour sa part la formation d’un gouvernement temporaire composé de technocrates reconnus pour leurs compétences. Ils seraient chargés de stabiliser l’économie en crise depuis des années avant de nouvelles élections générales.

Mais, instruit par l’expérience, Nizar Hassan se veut prudent sur les chances de mettre rapidement fin au système politique traditionnel marqué par le confessionnalisme et le clientélisme. “Nous sommes conscients des limites du militantisme anti-establishment pour changer la politique au Liban.”

Professeur-assistante à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Carmen Geha voit un espoir nouveau dans la généralisation du mouvement actuel, qui concerne toutes les régions, tous les âges et toutes les confessions. Elle insiste aussi sur le soutien, nouveau selon elle, des milieux économiques aux demandes de changement.

Mais elle insiste sur l’importance d’organiser la révolte: “des mouvements sans leader peuvent disparaître”, met-elle en garde.

Le scénario profiterait évidemment au pouvoir actuel. Carmen Geha estime pourtant que de nouvelles alliances, incluant notamment des étudiants et des avocats, sont en train d’apparaître au delà des lignes politiques traditionnelles.

“Il y a un besoin, dit-elle, de cadrer les demandes. Mais tout de suite il faut être dans la rue, on parlera revendications plus tard”.

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