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Attentats: ‘Le grand avantage du théâtre sécuritaire’

Après une journée aussi horrible que celle de mardi, on a le sentiment que parler d’économie est quelque chose de vain, mais la science économique et la psychologie peuvent nous aider à surmonter en partie notre peur.

Parler de chiffres ou d’entreprises alors que des familles entières pleurent leurs défunts semble totalement dérisoire. Pourtant, la science économique et la psychologie peuvent nous aider à surmonter une partie de notre peur, comme le rappelle judicieusement l’économiste Alexandre Delaigue sur son blog.

D’abord, les psychologues vous le diront, avoir peur après des attentats est normal, car ce qui s’est passé mardi à Bruxelles est par définition… anormal. En effet, les psychologues savent que nous avons moins peur des choses familières, durant lesquelles nous avons l’impression d’être aux commandes. De plus, nous avons davantage peur des événements spectaculaires que des risques permanents. C’est pourquoi, insiste l’économiste Alexandre Delaigue, nous avons plus peur en avion qu’en voiture, que nous sous-estimons les risques de consommation de tabac ou de glissade dans la baignoire, et c’est pourquoi certains d’entre nous craignent beaucoup les enlèvements d’enfants par des étrangers, alors que les statistiques prouvent qu’ils sont le plus souvent perpétrés par des membres de la famille !

La peur de l’attentat peut infliger plus de dégâts que l’attentat lui-même

Voilà pourquoi le terrorisme nous fait peur. Il combine toutes les caractéristiques effrayantes: un événement spectaculaire, hors norme, qui s’accompagne d’une absence de contrôle de notre part et d’une incursion violente dans notre vie quotidienne. Autant d’éléments qui font que nous avons tous très peur. Normal donc d’avoir peur de l’anormal.

Mais ce que la science économique démontre également, c’est que cette peur de l’anormal inflige en réalité plus de dégâts économiques que l’attentat lui-même. L’exemple du 11 septembre est là pour le démontrer. Suite à ces attentats, les Américains ont préféré se déplacer en voiture plutôt qu’en avion, par peur, mais aussi pour éviter de perdre du temps suite aux mesures de sécurité mises en place dans les aéroports. Résultat des courses: on estime aujourd’hui que la surmortalité routière causée par ces trajets a causé plus de décès que les attentats eux-mêmes !

Les vraies mesures, celles qui sont efficaces, sont par définition cachées. Elles n’ont pas d’effets immédiats, car elles demandent du temps

Mais il n’y a rien à faire, la peur suscitera toujours une demande de sécurité accrue de la part de la population. Disons le simplement, les vraies mesures, celles qui sont efficaces, sont par définition cachées. Elles n’ont pas d’effets immédiats, car elles demandent hélas du temps. Le reste, c’est ce que l’économiste Alexandre Delaigue appelle la comédie sécuritaire ou le théâtre sécuritaire. Mais il reconnaît que cette comédie sécuritaire a un avantage: elle permet aux gens de ne pas modifier leur comportement suite à un attentat. Et donc, s’il faut installer une caméra devant l’entrée de l’école pour que les parents acceptent d’y emmener leurs enfants, c’est bon. S’il faut fouiller les sacs à l’entrée des salles de spectacles pour permettre à ceux-ci de continuer, c’est bon aussi. S’il faut renforcer les gardes devant les aéroports pour que les gens continuent à voyager, c’est bon également. Car après tout, le coût économique de la peur est aussi considérable.

Bien entendu, le travers de cela est que nous nous habituons tous à cette sécurité renforcée, et la retirer apparaît souvent comme quelque chose d’inquiétant. Donc, au final, les coûts peuvent s’accumuler sans jamais se réduire. Et la peur finit toujours par coûter cher. Voilà une modeste pierre à la compréhension des événements de mardi et de ses conséquences. Mais je sais que tout cela est dérisoire face à la peine des familles endeuillées. Mes pensées sont pour elles.

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