Après 20 ans de discussions, accord “historique” entre l’UE et le Mercosur

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L’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) ont annoncé vendredi un “accord politique” sur un vaste traité de libre-échange, touchant près de 770 millions de consommateurs, qu’ils négociaient depuis 20 ans.

“Je mesure mes paroles avec soin quand je dis que c’est un moment historique. Au milieu des tensions commerciales internationales, nous envoyons aujourd’hui un signal fort avec nos partenaires du Mercosur”, s’est réjoui le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans un communiqué.

Le Brésil a aussi salué “un tournant historique”, qui “souligne l’engagement des deux blocs, à une époque de tensions et d’incertitudes dans le commerce international, en faveur de l’ouverture économique”. Quant à l’Argentine, elle évoque un accord “sans précédent”.

Les négociateurs européens et sud-américains étaient entrés mercredi soir à Bruxelles dans la dernière ligne droite des discussions, avec l’objectif de s’entendre enfin sur ce traité, dans un contexte mondial déstabilisé par la politique commerciale offensive du président américain, Donald Trump.

L’annonce de l’accord –dont les détails ne sont pas encore connus– intervient d’ailleurs au moment où les dirigeants des plus puissantes économies du monde sont réunis à Osaka, au Japon, pour un sommet du G20.

Il doit permettre d’éliminer à terme 99% des droits de douane entre les deux parties au niveau industriel et agricole, mais concerne aussi les services, les marchés publics, les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires et la propriété intellectuelle.

“Défis”

L’accord, un des plus vastes jamais conclu par l’UE –un quart du PIB mondial soit 18.000 milliards d’euros– suscite cependant la profonde inquiétude des agriculteurs européens, qui craignent une concurrence jugée déloyale, ainsi que des ONG, préoccupées par ses conséquences pour le climat.

Le compromis négocié par la Commission devra être approuvé par les 28 Etats membres, un parcours qui, dans ce contexte, s’annonce délicat. Le texte devra ensuite être validé au Parlement européen.

Les Européens attendaient des avancées du côté du Mercosur en matière d’indications géographiques –357 seront finalement protégées– et surtout sur l’ouverture de leur secteur automobile.

A l’inverse, les Sud-Américains espéraient un plus grand accès au marché européen pour leur production agricole, en particulier leur boeuf.

Les agriculteurs européens n’ont cessé de protester ces derniers mois contre ces discussions. La semaine passée, le président français Emmanuel Macron et ses homologues irlandais, polonais et belge ont d’ailleurs exprimé à la Commission leur “profonde préoccupation” sur les conséquences de cet accord sur leur agriculture.

Quelques jours plus tard, un autre groupe de pays –Allemagne, Pays-Bas, Espagne, République tchèque, Portugal, Lettonie et Suède– a exhorté Bruxelles à le conclure.

Le compromis comporte “certains défis pour les agriculteurs européens et la Commission européenne sera à leur disposition pour les aider”, a concédé le commissaire à l’Agriculture Phil Hogan, jugeant cependant l’accord “équilibré”.

“Pour que cet accord soit gagnant-gagnant, nous ne nous ouvrirons aux produits agricoles du Mercosur qu’avec des quotas soigneusement gérés qui garantiront qu’aucun produit ne risque d’inonder le marché européen”, a-t-il insisté.

L’accord permettra aux quatre pays du Mercosur d’exporter 99.000 tonnes de viande bovine en Europe sans droit de douane chaque année, a-t-il précisé.

Déforestation

Les négociations ont aussi été attaquées dans une lettre ouverte par 340 ONG européennes et sud-américaines, dont Greenpeace et Friends of the Earth, sur deux autres fronts: l’environnement et les droits de l’Homme.

Ces organisations, déjà opposées pour certaines aux précédentes négociations commerciales de l’UE avec les Etats-Unis ou le Canada, condamnent “la détérioration des droits humains et de la situation écologique au Brésil” depuis l’investiture en janvier du président d’extrême droite, Jair Bolsonaro.

La chancelière allemande Angela Merkel avait indiqué mercredi vouloir s’entretenir avec lui de la déforestation au Brésil.

Quant à Emmanuel Macron, qui a rencontré M. Bolsonaro vendredi à Osaka, il a souligné qu’il s’opposerait à la signature du traité si le Brésil quittait l’accord de Paris sur le climat.

Bruxelles met en avant que l’accord inclut un chapitre sur le développement durable, qui couvre “la conservation des forêts, le respect des droits des travailleurs et la promotion d’un comportement responsable des entreprises”.

“Les normes de sécurité alimentaire de l’UE resteront inchangées et toutes les importations devront être conformes” à ces règles, comme c’est déjà le cas actuellement, ajoute aussi la Commission.

L’UE et le Mercosur ont échangé en 2018 pour près de 88 milliards d’euros de marchandises. Les pays d’Amérique du Sud ont essentiellement exporté leurs produits agricoles et les Européens des produits industriels et pharmaceutiques.

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