À quoi ressemble le réseau de Sophie Wilmès, Première ministre ?

© Laurie Dieffembacq (BelgaImage)

Sans faire beaucoup de bruit, elle a gravi très rapidement les échelons de la politique belge pour devenir, à 44 ans, la première femme à diriger le ” 16, rue de la Loi “.

Devant nous, dans ce bureau du 16, rue de la Loi, l’une des femmes les plus puissantes du monde. La Première ministre Sophie Wilmès occupe très précisément la 68e place de ce classement annuel édicté par le magazine américain Forbes. ” Je n’essaie pas de comprendre les tenants et les aboutissants de ce classement, sourit l’intéressée. Sincèrement, cela ne rajoute pas un qualificatif pour définir la personne que je suis. Maintenant, si cela permet de faire avancer une cause, tant mieux… ” Cette cause, c’est bien entendu celle de l’égalité des genres et du plafond de verre qui bloque encore trop de carrières féminines. ” J’avais sous-estimé le retentissement qu’aurait la désignation de la première Première ministre de Belgique, confie Sophie Wilmès. Si on en parle beaucoup, tant mieux. Pas pour ma personne mais pour la thématique que cela englobe. Il y a désormais une réalité factuelle : une femme peut occuper le poste de Premier ministre dans notre pays. ” Elle note avec satisfaction que cette situation est perçue plutôt positivement, qu’elle n’entend plus ces doutes qui fleuraient en 2015, quand la même femme est devenue ministre du Budget… ” L’idéal serait qu’on ne se pose plus la question de cette ‘singularité’ “, précise-t-elle.

Tout part d’un comité de quartier

Sophie Wilmès assure ne jamais avoir eu de plan de carrière. La politique, elle y est venue à travers un comité de quartier lancé par des habitants d’Uccle, inquiets de certains développements urbanistiques. ” Cet engagement local, très pratique, m’a beaucoup plu “, raconte-t-elle. Elle côtoie alors Eric André, candidat bourgmestre. ” J’appréciais beaucoup sa personnalité, son approche très pragmatique des choses. ” Et c’est ainsi qu’elle s’est retrouvée embarquée dans la campagne et fut élue conseillère communale à 25 ans. De cette époque, elle conserve des liens étroits avec Boris Dilliès, actuel bourgmestre d’Uccle, et Joëlle Maison, députée DéFI.

Elle ne restera toutefois pas longtemps à Uccle, la vie familiale l’envoyant dans la commune voisine de Rhode-Saint-Genèse. Quelques kilomètres mais un monde de différence. ” J’y découvre les difficultés des communes à facilités, qui ne sont connues que de leurs habitants, explique Sophie Wilmès. Le politique est là pour faciliter la vie, pour soutenir le développement des uns et des autres. Tout ce qui rend la vie plus compliquée rentre en conflit avec ma manière de voir les choses. ” Autant dire qu’elle est alors servie en cette période de ” pré- splitsing ” de BHV, plutôt chahutée sur le plan communautaire.

Et peut-être d’autant plus chahutée que Sophie Wilmès devient à cette période cheffe de groupe de l’Union francophone au conseil provincial du Brabant flamand. Quand on la voit aujourd’hui à un sommet européen, on se demande bien comment elle a pu trouver du plaisir à participer aux séances du conseil provincial. ” Je suis quelqu’un d’enthousiaste, quand j’ai un job à faire, je le fais à fond, répond-elle. Avec moi, c’est off ou on, il n’y a pas de mode intermédiaire. Beaucoup de matières gérées par les provinces touchent le quotidien des gens, des subsides à la jeunesse à la gestion des inondations. Cela vaut la peine de s’y intéresser. ” A Rhode, comme dans toutes les communes à facilités, les échevins sont élus directement. Cette spécificité sourit à Sophie Wilmès qui, en 2006, devient première échevine, avec la cdH Myriam Delacroix comme bourgmestre. ” J’ai eu la chance d’avoir mon bureau en face de la crèche et de l’école, cela m’a aidée à concilier les casquettes d’échevine et de maman “, se souvient-elle.

À quoi ressemble le réseau de Sophie Wilmès, Première ministre ?
© Laurie Dieffembacq (BelgaImage)

La pub et le hockey

A l’hôtel de ville, elle s’occupe plus particulièrement du Budget et des Finances. Déjà les matières financières, direz-vous ? Ce n’était pourtant pas inscrit dans les astres. Sophie Wilmès s’est en effet d’abord tournée vers la communication et la publicité, qu’elle a étudiées à l’Ihecs. ” Une formation boîte à outils, ouverte et pluridisciplinaire, précise-t-elle. Cela m’avait bien servi pour ma première campagne à Uccle. ” Elle a évidemment conservé pas mal de contacts avec ses collègues de promo et apprécie toujours de croiser les nombreux ihecsiens qui gravitent dans la politique belge, comme le responsable administratif du MR Jean-Philippe Rousseau ou l’ancien porte-parole de Charles Michel, Frédéric Cauderlier. ” C’est à cette époque que j’ai appris à aimer la photographie, se souvient Sophie Wilmès. J’en faisais alors beaucoup et… plus jamais aujourd’hui, si ce n’est des photos de mes enfants, comme beaucoup de mamans. Mais j’apprécie toujours cet art. Si j’en avais le temps, j’irais souvent voir des expos de photos. ”

Ah, le temps… C’est devenu une denrée très rare dans un agenda ministériel. Les moments libres, Sophie Wilmès les consacre prioritairement à sa famille, notamment pour venir encourager son mari et leurs quatre enfants sur les terrains de hockey. ” Un sport magnifique, où la notion de fair-play est très présente et dans lequel les filles ont la même place que les garçons “, résume-t-elle.

Le déclic de la commission des Finances

Mais tout cela ne nous explique pas comment la future Première ministre est passée de la publicité à la finance. En fait, c’est via sa bonne connaissance des langues, qui lui a permis de décrocher un boulot dans une unité financière de la Commission européenne, en charge du contrôle. ” J’ai compris que, si je voulais évoluer dans ce monde des chiffres, je devais retourner à l’université “, confie notre interlocutrice. D’où une licence spéciale en gestion financière à Saint-Louis. Avec ce sésame, tout devient alors cohérent, de l’échevinat des Finances au ministère du Budget, en passant par la commission des Finances de la Chambre, qu’elle rejoint en 2014. ” J’y ai vécu des discussions animées, avec des gens de tous les bords politiques et qui possédaient une assez bonne expertise “, raconte-t-elle. Cela lui a permis de tisser des liens avec des figures de l’opposition comme Ahmed Laaouej (PS), Kristof Calvo (Groen) ou Georges Gilkinet (Ecolo), avec lesquels elle cosignera une proposition de loi visant à lutter contre les fonds vautours. ” Je peux rentrer dans des débats serrés et exprimer fermement mon point de vue. Mais je ne recherche pas le conflit. Etre de l’autre côté de la table, ce n’est pas être ‘contre’. Il existe des zones de rencontre pour l’intérêt général, j’en suis convaincue. ”

Cette manière d’agir ne lui a manifestement pas porté préjudice, à voir la rapidité de son ascension politique. Elle assure que rien n’était prémédité, planifié. Et c’est peut-être cela qui, paradoxalement, a facilité son chemin. ” Il y a un certain confort à ne pas avoir d’objectif de fonction, assure-t-elle. Mon objectif est, humblement, de contribuer positivement à l’amélioration de la vie de chacun d’entre nous. J’ai besoin de participer à un projet collectif, sociétal. On peut accomplir des choses formidables dans le secteur privé mais je ne pense pas que j’y travaillerai un jour. Cet engagement pour l’action publique et collective est fondamental pour moi. ”

Savoir lâcher les codes

” J’ai dû donner mes codes. Moi qui suis pourtant si attentive aux libertés, j’ai dû m’y résoudre “. A mesure que sa carrière politique a pris de l’ampleur, Sophie Wilmès a délégué la gestion de ses réseaux sociaux, un peu à contrecoeur. Et sa page Facebook a évolué d’une utilisation personnelle à un usage professionnel, surtout à partir du moment où elle est devenue députée puis ministre. ” Les réseaux sociaux sont des outils de communication de mon engagement politique “, explique-t-elle. De temps à autre, la Première ministre poste certes encore une photo de la mer du Nord où elle adore se ressourcer, mais c’est à peu près tout. ” Parfois, j’ai envie de partager des choses un peu plus intimes, confie-t-elle. Mais je veux protéger ma famille, mes enfants. Ils n’ont pas à être sous l’oeil du public. ”

L’heure de l’apéro

Vous lui demandez son resto ou bistrot préféré, Sophie Wilmès vous répond … ” Les Aper(h)ode “. Vous attendiez un étoilé réputé, elle vous parle des animations de plein air à Rhode-Saint-Genèse, autour d’un verre et d’une pizza durant les soirées d’été. ” Convivial et sympa- i-ssime, résume la Première ministre. On retrouve tous les amis, c’est une grande respiration. ” En dehors des apéros, elle concède une inclination particulière pour les sushis et la cuisine japonaise, ainsi que pour les pâtes à toutes les sauces.

Valentine Delwart, secrétaire générale du MR et échevine à Uccle .

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” Sophie et moi avons mené des campagnes électorales ensemble. En 2014, par exemple, elle était première suppléante et moi cinquième effective. Et elle avait été élue à Uccle avant que je ne le sois. Nous sommes devenues des amies proches, y compris sur le plan privé. Au moment de poser des choix, on s’appelle pour avoir l’avis de l’autre, pour voir comment elle envisagerait la situation. Ce qui est chouette avec Sophie, c’est qu’elle n’a pas une pensée toute faite. C’est quelqu’un qui discute pour faire avancer les réflexions, qui appelle plusieurs personnes avant de se forger une opinion. Elle a une grande capacité d’écoute et elle est focalisée sur les résultats. Pour elle, c’est l’essentiel : elle n’aime pas perdre du temps dans des questions périphériques. Elle n’a pas de réflexe de clan ou de groupe… ”

Tanguy Rousseaux, président de Produpress (Immoweb, Moniteur de l’automobile) .

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” Nos enfants fréquentent la même école et nos deux familles sont devenues amies. Nous nous voyons régulièrement. Et, je vous le concède, j’essaie alors de lui parler d’autre chose que de politique. Il n’y a pas que cela dans la vie, et la politique lui prend déjà tant de temps ! En plus, ça ne se sait peut-être pas, mais elle adore rigoler.

Parfois, Sophie me pose des questions sur l’immobilier, l’automobile ou le développement du digital, les domaines qui m’occupent professionnellement. J’apprécie beaucoup en discuter avec elle car c’est quelqu’un qui n’a pas de position définitive avant d’aborder un sujet : elle aime débattre, confronter les points de vue. Je n’oserais pas dire que je lui donne des conseils mais nous débattons de ces sujets. Un élément remarquable : Sophie fera toujours primer les intérêts de la société avant les siens. C’est le cas, par exemple, quand elle plaide pour la constitution rapide d’un gouvernement de plein exercice… même si elle perdrait alors vraisemblablement son job de Première ministre. ”

Marc Raisière, CEO de Belfius.

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” Comme Belfius verse chaque année des dividendes à son actionnaire, j’ai logiquement appris à connaître la ministre du Budget. Nous nous sommes rapidement retrouvés autour de valeurs communes. Sophie est quelqu’un de très empathique, vive d’esprit, smart et très à l’écoute. C’est assez rare dans le monde actuel, et je ne parle pas spécialement du monde politique, où beaucoup préfèrent s’écouter eux-mêmes. Elle est plutôt dans la posture inverse.

Et puis, Belfius sponsorise l’équipe nationale de hockey, un sport très pratiqué dans la famille de Sophie. Nous nous retrouvons donc aussi de temps à autre autour des terrains. Nous avons développé une belle relation de confiance en quelques années. Nous avons tous besoin, à certains moments, d’échanger, de nous confier en totale confiance. Je crois que nous nous apportons cela mutuellement.

Durant nos conversations, je ne l’ai jamais entendue critiquer. Et ça, je peux vous dire que ce n’est pas très fréquent ! Elle est toujours dans le positivisme. Je trouve que cela la rend encore plus intéressante. ”

Henri Bartholomeeusen,président du Centre d’action laïque.

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” Nous nous connaissons via des amis communs. Sophie est friande de débats, de discussions quasi philosophiques sur la politique ou l’engagement. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout mais elle reste toujours pondérée avec beaucoup de respect pour ses interlocuteurs, une chose qui se perd un peu dans la politique. Elle regarde les personnes au-delà des positionnements idéologiques. Dans ce monde politique très viril, elle apporte une belle place à l’intelligence et à la subtilité. Ce qui est remarquable, c’est qu’elle n’a pas eu besoin de grandes polémiques pour donner sa pleine mesure. Elle s’est imposée tranquillement par ses compétences et son autorité naturelle. ”

Catherine Rutten, CEO de Pharma.be.

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” Sophie Wilmès est devenue ministre du Budget peu de temps après ma désignation comme CEO de pharma.be. Nous avons souvent eu l’occasion de dialoguer et avons noué une belle relation fondée sur le respect mutuel, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout : nous avons de vrais débats avec des faits, des chiffres, des argumentaires.

Sophie connaît très bien ses dossiers, même quand ils sont très techniques. Elle est toujours limpide dans ses explications. Elle parvient à conserver toujours une vision transversale, qui était très utile comme ministre du Budget et, bien sûr, comme Première ministre. J’ai beaucoup d’estime pour ses convictions fermes, qui ne l’empêchent jamais de rester ouverte au dialogue et attentive aux propos de ses interlocuteurs.

Elle est plongée dans la vie belge mais elle conserve toujours une fenêtre ouverte sur le monde. J’ai été marquée par la photo officielle à un récent sommet de l’Otan. Elle était là au milieu de tous ces chefs d’Etat, au premier rang dans sa robe rouge. Elle représentait fièrement la Belgique et démontrait, si besoin, que responsabilité allait de pair avec féminité. Sophie est une femme de son temps, elle s’inscrit parfaitement dans cette nouvelle génération de dirigeants, avec Justin Trudeau, Emmanuel Macron ou Charles Michel.”

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