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À qui va vraiment profiter un tax shift ?

Les grandes idées de réforme fiscale, très vaguement annoncées par le gouvernement dans son programme, semblent actuellement se limiter à un prétendu “glissement fiscal”, dont la portée maximale annoncée devrait être de 5 milliards d’euros, soit environ 1,5 % seulement du PIB.

Le gouvernement semble n’avoir aucune ambition de réduire l’impôt. Son ministre du Budget déclare à qui veut l’entendre que les recettes devraient rester stables, sauf dans le budget, où elles augmentent de 5,8 milliards en 2015 par rapport à 2014.

Les discussions en cours pour procéder à un glissement de charges, effectivement très excessives, sur le travail, vers des taxes environnementales, des impôts supplémentaires sur le patrimoine, et sur la consommation ne seraient donc, si l’opération est présentée comme neutre, qu’une manière de répartir autrement les impôts supplémentaires dont ce gouvernement assume la responsabilité.

On sait d’ailleurs qu’à ce jour les partis membres de la coalition sont en profond désaccord à ce sujet et que leurs divergences portent essentiellement sur les taxations supplémentaires qui devraient compenser une réduction de charges sur les revenus du travail. En particulier, la question est de savoir s’il faut ou non frapper le patrimoine.

À qui va vraiment profiter un tax shift ?

On entend moins de commentaires sur une question pourtant tout aussi cruciale : qui doit bénéficier de réductions de charges ? La question est loin d’être aussi neutre qu’elle pourrait paraître, et ne se ramène pas nécessairement à l’idée, présente en permanence dans la communication gouvernementale, que les travailleurs en seront les bénéficiaires.

Il en serait ainsi si le gouvernement décidait de réduire le taux d’imposition applicable aux revenus professionnels, mais il paraît certain qu’il ne le fera pas. S’il agissait ainsi, comme ces revenus sont globalisés, il devrait réduire l’ensemble du barème, ce qui bénéficierait aussi à d’autres catégories de revenus.

Il pourrait aussi atteindre cet objectif en accordant un abattement proportionnel sur tous les revenus professionnels. Ce serait sans doute la seule manière, parmi celles qui sont actuellement étudiées, de réduire les charges fiscales, dans une même proportion pour tout le monde, tant pour les travailleurs salariés que pour les travailleurs indépendants.

On rappellera que ceux-ci n’ont guère été gâtés lorsque le gouvernement a, dès son arrivée au pouvoir, accordé une minime réduction d’impôts sur certains revenus professionnels en augmentant les frais forfaitaires. Cet avantage assez dérisoire et “compensé” par des augmentations d’autres taxes n’a en rien bénéficié aux commerçants, industriels et agriculteurs, qui n’ont pas le droit de déduire des frais forfaitaires, ni à la quasi-totalité des membres de professions libérales, qui en ont théoriquement le droit, mais pour qui ces frais sont quasiment toujours inférieurs aux frais réels. Seule la partie des salariés qui déduit des frais forfaitaires, et des frais non réels, a bénéficié de cette aumône fiscale.

Aujourd’hui, l’on pourrait arriver au même résultat, si, comme le proposent certains partis, la baisse des charges annoncées prend la forme d’une réduction des cotisations sociales, et notamment des cotisations sociales patronales. Si on ne l’accompagne pas d’une réduction des cotisations des travailleurs indépendants, on se trouvera à nouveau devant une décision qui n’accorde un avantage qu’aux employeurs (s’il s’agit d’une réduction des charges patronales) ou aux travailleurs salariés (si l’on réduit les charges des cotisations sociales des salariés). Ce gouvernement, dont plusieurs partis partenaires se présentent volontiers comme les défenseurs habituels des indépendants, réussiraient ainsi pour la seconde fois, à faire comme si ceux-ci n’étaient pas des “travailleurs” et à n’accorder une réduction de charges qu’aux patrons ou aux salariés, tout en majorant d’autres impôts.

C’est là un autre enjeu, et sans doute une nouvelle possibilité de divergences entre partis, qui peinent visiblement à s’accorder sur tous les aspects du fameux tax shift : son éventuelle neutralité budgétaire, le choix de ses bénéficiaires et celui de ses victimes.

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