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28 mesures en matière d’emploi: “Cela implique d’abaisser le coût du travail, par un abaissement des charges sociales”

Cet été, le monde politique a voté plusieurs mesures en vue de créer de l’emploi. Un bon point, selon Philippe Ledent, qui estime cependant que “l’amélioration durable du marché du travail nécessite davantage d’ambition”.

C’était le point principal de l’accord budgétaire de l’été : 28 mesures ont été décidées par le gouvernement fédéral en vue de créer des emplois, avec une attention particulière aux métiers en pénurie. En parcourant ces 28 mesures, il faut avouer que certaines sont cosmétiques (même si elles ne sont pas inutiles). D’autres trouvent une justification économique : une plus forte dégressivité des allocations de chômage peut augmenter l’effort de recherche d’emploi de certains. De même, rendre fiscalement intéressant le fait de financer une formation avec ses indemnités de licenciement peut améliorer l’employabilité des personnes qui perdent leur emploi.Les efforts visant à combler la pénuriede main-d’oeuvre dans certains secteurs sont également les bienvenus. Rappelons en effet que le nombre d’emplois vacants a augmenté de près de 12 % sur un an et dépasse actuellement les 100.000 unités.

Les 28 mesures gouvernementales ont le mérite d’exister. Mais l’amélioration durable du marché du travail nécessite davantage d’ambition.

Grâce à ces mesures, le gouvernement fédéral espère créer 12.500 emplois supplémentaires dès 2019, permettant une économie de pas moins de 500 millions d’euros. C’est probablement une estimation très optimiste. Mais au-delà de la question des effets à court terme, et même si ce sont des pas dans la bonne direction, ces mesures me laissent sur ma faim : améliorer durablement le marché du travail belge mérite des mesures plus ambitieuses, centrées sur deux thèmes.

D’une part, si la Belgique compte quelques 500.000 demandeurs d’emplois inoccupés, la moitié d’entre eux ( ! ) n’ont pas atteint la fin de l’enseignement secondaire. Par ailleurs, le taux de chômage des moins qualifiés (14,5 % en 2016 selon l’OCDE) est largement supérieur à la moyenne de l’OCDE (11,7%) alors que celui des moyennement qualifiés (diplômés du secondaire) est similaire à la moyenne et que le taux de chômage des plus qualifiés est inférieur à celle-ci. Autrement dit, le marché du travail belge a bien du mal à absorber les moins qualifiés.

Renforcer l’offre de formations dans les métiers en pénurie pour les demandeurs d’emplois peut-il remédier au problème ? Ces métiers demandent souvent des connaissances de base, ne fût-ce que pour entamer une formation. Dès lors, celles-ci s’adresseront davantage aux personnes moyennementou hautement qualifiées, excluant le groupe le plus important composant le chômage. Une autre solution serait de mettre en place les conditions propices à la création d’emplois peu qualifiés. Ceci impliquerait d’abord d’abaisser drastiquement le coût du travail, par un abaissement des charges sociales notamment. Mais une baisse du salaire minimum serait aussi nécessaire. A-t-on vraiment envie de s’engager dans cette voie ? Cela me semble difficile à imaginer dans le contexte social actuel. Il ne reste donc comme solution que l’amélioration du niveau d’éducation de base. Cela passe, en urgence, par un accompagnement des chômeurs concernés et par un travail de longue haleine visant une amélioration générale du niveau d’éducation, ce qui d’ailleurs ne relève pas du fédéral.

D’autre part, le taux d’emploi des personnes de plus de 50 ans est en Belgique à peine supérieur à 60 %. C’est notamment la conséquences des régimes passés et actuels de prépension, et probablement du lien étroit entre l’âge du travailleur et son salaire. Alors que les prépensions sont de plus en plus retardées, un chantier devrait être prochainement ouvert pour briser le lien entre l’âge et le salaire.

On comprend donc l’objectif de ces mesures. Mais je doute encore une fois qu’elles soient suffisantes. Seule une révolution culturelle des autorités, des travailleurs et des entreprises permettrait de changer la donne. On rappellera ici que selon différentes enquêtes, le Belge moyen trouve que l’âge optimal pour la pension est de… 60 ans. Par ailleurs, l’âge effectif moyen de départ à la retraite dépasse à peine ce chiffre. Changer les mentalités et organiser de manière innovante les fins de carrière demande un processus long et difficile, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais pourquoi ne pas au moins l’entamer ?

Les 28 mesures gouvernementales ont le mérite d’exister. Mais l’amélioration durable du marché du travail nécessite davantage d’ambition. C’est probablement un voeu naïf que d’espérer une révolution en la matière dans une période où la lutte des classes, le corporatisme et la défense des privilèges me semblent prendre de plus en plus le pas sur l’objectif commun.

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