2022: les montagnes russes du marché des céréales

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La mer Noire comme boussole: l’année 2022 a vu le marché mondial des céréales entrer dans une ère d’incertitudes, bouleversé par une guerre sur le sol européen qui a mis en lumière la fragilité des systèmes alimentaires.

Une “année des extrêmes”, “hors norme”, “extraordinaire”, pour les analystes du marché, qui s’attendent pour 2023 au maintien d’une assez forte volatilité et à des prix potentiellement soutenus par le retour aux achats de la Chine, qui lève ses restrictions sanitaires. En 2022, les prix du blé – et donc du pain – ont joué les “montagnes russes”, dans le contexte déjà tendu de la reprise post-Covid qui avait déjà enflammé les prix de l’énergie et des engrais. Le scénario du pire, avec ses “ouragans de famine” redoutés par l’ONU, a été évité en 2022 mais la facture mondiale des importations alimentaires devrait bondir de 10% en 2023 selon la FAO. Les pays pauvres, au premier rang desquels l’Afrique sub-saharienne, “paieront plus pour avoir moins” selon l’agence onusienne.

“Cumul d’incertitudes”

La guerre en Ukraine, super-puissance agricole qui était en passe de retrouver son rôle historique de grenier à blé, a rebattu les cartes. Le monde, qui gardait en mémoire les crises de 2008 ou de 2010-11, d’origine essentiellement financière, a été confronté à un choc inédit. “Cette guerre a, à elle seule, mis en péril plus d’un quart du commerce mondial des céréales, incitant de nombreux pays à protéger leur approvisionnement alimentaire national en limitant les exportations”, à l’instar de l’Inde, et mis en lumière “la fragilité du système alimentaire mondial”, souligne une note d’analyse de la banque UBS. Sur le marché européen, le blé a démarré 2022 à 270 euros la tonne pour arriver autour de 315 euros fin décembre, une progression de près de 17% sur un an, qui masque une “volatilité hors norme, avec un pic à 438 euros le 16 mai” alors que le trafic marchand était presque au point mort sur la mer Noire, selon Arthur Portier, analyste au cabinet Agritel.

“Cette volatilité est liée à un cumul d’incertitudes”: sur les marchés agricoles, on est passé de risques à 99% climatiques à des incertitudes sanitaires, liées au Covid ou à la grippe aviaire, géopolitiques avec la guerre en Ukraine, mais aussi énergétiques, avec la hausse durable du prix des carburants et des engrais, et macroéconomiques, avec la crainte d’une récession mondiale, explique-t-il.

La tension est retombée en juillet après un accord pour les exportations maritimes ukrainiennes, qui a permis de sortir des silos ukrainiens 15 millions de tonnes de céréales et oléagineux. La situation en Ukraine a été le moteur unique du marché pendant des mois: le président russe Vladimir Poutine a imposé une diplomatie du grain, tentant de lier le sort du commerce en mer Noire à une levée partielle des sanctions internationale visant son pays.

2023, année volatile?

Alors que l’Europe de l’Ouest étouffait sous la canicule, la Russie a tiré son épingle du jeu, avec une récolte de blé extraordinaire – estimée à près de 100 millions de tonnes par plusieurs analystes – quand l’Ukraine perdait un quart de sa surface cultivée du fait de la guerre, avec une production céréalière en repli de 40%. Sur le papier, les stocks mondiaux de blé sont au plus haut chez les pays exportateurs, mais, souligne Arthur Portier, “35% des stocks sont aujourd’hui en Russie”, qui conforte sa position d’arbitre en cas d’incident climatique majeur chez un autre grand exportateur. En 2022, les marchés américains ont eux souffert d’un dollar fort et d’un ralentissement drastique de la demande chinoise, habituellement gourmande en soja et maïs.

Si la reprise chinoise se confirme et que la Banque centrale américaine (Fed) redevient “plus neutre” – en cessant d’augmenter ses taux directeurs -, “la bulle des matières premières va un peu se regonfler et les fonds vont acheter davantage”, estime Michaël Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting.

Pour les analystes d’UBS, “2023 devrait être une autre année volatile” car “les prix des céréales ne reflètent pas suffisamment le niveau des risques climatiques et géopolitiques”, les marchés ayant – trop vite? – digéré les risques liés au conflit ukrainien et au phénomène climatique La Niña, qui inonde l’Australie mais assèche les plaines américaines, le sud du Brésil et l’Argentine.

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