Succession de DSK au FMI : les clés pour tout comprendre

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La liste des prétendants au poste de directeur général du Fonds monétaire international s’allonge mais les modalités de la sélection restent opaques. Un Européen ou quelqu’un venu du Sud ? Une femme ou un homme ? Les clés pour bien appréhender le dossier.

Comment le directeur est-il désigné ?

Maintenant que DSK a officiellement démissionné pour se consacrer intégralement à sa défense, le FMI a indiqué qu’il allait faire connaître “rapidement” les modalités de l’élection d’un nouveau directeur général. Jusqu’à présent, la sélection s’est faite dans la plus grande opacité. “Concrètement, les ministres de l’Economie européens se réunissent dans une salle et discutent des différents candidats européens avant d’en choisir un, explique Peter Chowla, chercheur au Bretton Woods Project. Ensuite, ils présentent leur candidat aux Etats-Unis pour validation. Enfin, le nom est soumis au vote des membres du Fonds mais ce n’est qu’une formalité. D’autant plus que les résultats du vote ne sont même pas publiés”. En 2009, le FMI s’était engagé à introduire plus de transparence dans le processus, “mais malheureusement, il semblerait qu’il soit en train de revenir sur sa promesse”, déplore Peter Chowla. Les critères restent flous. Voici les dilemmes qui se posent au FMI

Un Européen ou quelqu’un venu du Sud ?

Depuis sa création en 1944, le Fonds a toujours été dirigé par un Européen, la présidence de la Banque mondiale revenant à un Américain. Mais cette répartition est de plus en plus contestée dans les pays émergents, dont l’importance pour l’économie mondiale n’a cessé de croître.

L’ouverture officielle de la succession de DSK est l’occasion pour eux de manifester leurs ambitions. Ainsi, le ministre brésilien des Finances Guido Mantega affirme-t-il mercredi que “le temps est fini où ce poste important était réservé à un citoyen européen”. Il ajoute “qu’aucune nationalité ne doit être exclue, et qu’aucune préférence régionale ne peut restreindre le choix du meilleur candidat possible”. “En principe, nous pensons que les nouveaux marchés émergents et les pays en développement doivent être représentés à la direction du FMI”, a également déclaré jeudi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Jiang Yu.

En théorie, tout le monde est d’accord. Quand Dominique Strauss-Kahn avait été présenté comme candidat en 2007, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, l’avait d’ailleurs présenté comme le dernier directeur général qu’imposerait l’Europe avant de passer la main. Et DSK a lui-même poussé une réforme de l’institution permettant une plus grande représentativité des pays émergents.

Sauf qu’entre temps la donne a changé. Face à la crise de la dette qui frappe les plus fragiles d’entre eux, les Européens ont plus que jamais besoin de pouvoir compter sur l’appui du FMI dont le rôle s’est avéré crucial depuis un an et demi. Les responsables politiques européens ont multiplié les déclarations ces derniers jours en ce sens. “Nous sommes d’avis que nous pouvons trouver des candidats solides en Europe pour succéder à Dominique Strauss-Kahn”, a indiqué jeudi la porte-parole de la Commission Européenne. “Je défends l’opinion qu’il faut que nous présentions un candidat européen”, a redit le même jour la chancelière allemande Angela Merkel.

Les Européens ont d’autant plus de chance de conserver la direction du fonds que la division semble régner entre les différents pays asiatiques qui visent le poste, l’Inde et la Chine en tête. Aucun candidat asiatique n’apparaît en effet avoir reçu le soutien d’un pays asiatique autre que le sien.

Enfin, le système de vote au FMI a beau avoir été réformé pour accorder plus de voix aux émergents, il suffit que les Etats-Unis et les Européens forment une alliance pour constituer une majorité bloquante et imposer leur choix. Or les Etats-Unis ont tout intérêt à être solidaires avec les Européens, s’ils ne veulent pas que ces derniers se retournent contre eux au moment de nommer le président de la Banque Mondiale, explique Stephanie Flanders de BBC News.

Une femme ou un homme ?

Aucune femme n’a jamais pris la tête du FMI ou de la Banque mondiale. Or “après ce qui s’est passé avec Strauss Kahn, ce serait super d’avoir une femme à ce poste”, estime dans le New York Times Kenneth S. Rogoff, ancien chef économiste au FMI. “Les femmes représentent la moitié de la population mondiale et on peut bien imaginer que la compétence et l’influence des femmes puisse avoir un rôle dans ce contexte”, a plaidé jeudi le ministre suédois des Finances Anders Borg. Or un nom circule de plus en plus : celui de Christine Lagarde. La ministre de l’économie avait d’ailleurs remarqué l’année dernière lors d’une interview sur ABC que les femmes “injectent moins de libido, moins de testostérone” que les hommes dans leur lieu de travail. Elle est en tout cas très appréciée de ses confrères du G20 et de la zone euro et elle est reconnue comme habile et compétente. “Elle est très impressionnante, politiquement fine et elle a une forte personnalité, renchérit Kenneth Rogoff. Elle est traitée comme une rock star dans les réunions financières du monde entier”. Anders Borg a loué lui aussi jeudi “l’influence et l’expérience” de son homologue française. L’économiste américain Nouriel Roubini présentait dès lundi Christine Lagarde comme le meilleur compromis possible si les Etats membres souhaitent maintenir le poste dans le giron de l’Europe. Il semblerait même qu’elle ait le soutien de plusieurs ministres des Finances asiatiques, selon Julius Caesar Parennas, de l’Institut pour les Affaires monétaires à Tokyo. Ce n’est pas gagné pour autant. La France a déjà fourni 4 des 11 directeurs du FMI depuis 1946 et surtout Christine Lagarde est au coeur d’une controverse en France pour sa gestion de l’indemnisation de l’ancien homme d’affaires Bernard Tapie, dans l’affaire de la vente d’Adidas par le Crédit Lyonnais en 1993.

Un technocrate ou un politique ?

Certains actionnaires voyaient d’un mauvais oeil le fait que les ambitions politiques françaises de DSK puissent avoir une influence sur sa gestion du FMI. Pour Rob Cox de Reuters, c’est parce qu’il comptait se présenter comme candidat socialiste aux élections présidentielles de 2012 que DSK s’est montré trop “doux” et indulgent avec les pays européens que le FMI a secourus. Pour Harold James, professeur d’histoire et de relations internationales à l’Université de Princeton, l’expérience montre que “les directeurs du FMI les plus puissants et influents n’étaient pas des hommes politiques ni des ministres”. Il cite Per Jacobsson, l’économiste suédois et ancien employé de la BRI qui avait “sorti le Fonds de l’obscurité dans les années 50”. Mais aussi Jacques de Larosière et Michel Camdessus, deux haut fonctionnaires français. Ainsi, un technocrate comme Agustin Carstens, directeur de la banque centrale mexicaine et ancien dirigeant du FMI aurait sa chance. Ou encore le Turc Kemal Dervis, qui a passé 20 ans à la Banque Mondiale.

Laura Raim, L’Expansion.com

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