Patrick Drahi, milliardaire audacieux aux méthodes de gestion controversées

Patrick Drahi © Reuters

Le milliardaire franco-israélien Patrick Drahi, qui vient de renforcer son influence aux Etats-Unis en avalant Cablevision, construit son empire dans les télécoms et les médias à coups d’audacieux montages financiers mais aussi au prix de méthodes de gestion parfois controversées.

L’ambition du magnat de 52 ans est claire: il veut à terme faire de la première économie mondiale le principal marché de son groupe. Et il s’en donne les moyens.

Après avoir racheté en mai le septième câblo-opérateur américain, pour un peu plus de 9 milliards de dollars, la troisième fortune de France a de nouveau ouvert grand son portefeuille pour acquérir Cablevision, valorisé 17,7 milliards de dollars par l’opération.

Patrick Drahi s’inscrit dans les pas d’un de ses modèles, le fondateur du groupe de télécoms américain Liberty Global John Malone avec qui il est désormais en compétition sur son territoire.

Combinant des talents d’ingénieur et de financier habile, l’entrepreneur français multiplie les acquisitions de grande ampleur.

En Europe, il a acheté coup sur coup en 2014 SFR (13,4 milliards d’euros) et Portugal Telecom (7,4 milliards), puis a lancé en juin une offre de 10 milliards pour s’offrir Bouygues Télécoms avant d’essuyer un refus catégorique.

Aux Etats-Unis, le milliardaire a fait ses premiers pas avec Suddenlink, a hésité à s’offrir le géant Time Warner Cable avant d’y renoncer, puis a jeté son dévolu sur Cablevision.

Réputé discret mais doté d’une vraie force de caractère, l’entrepreneur a su profiter de la confiance des marchés, qui lui prêtent de l’argent à tour de bras, et de taux d’intérêt historiquement bas pour faire grandir sa société à vive allure en l’endettant via des montages financiers s’apparentant à des LBO (leverage buy-out).

Cette croissance insolente suscite l’admiration des grands patrons. Saluant un homme “qui prend des risques”, le vice-président du Medef Geoffroy Roux de Bezieux, qui lui a vendu son groupe Virgin Mobile, a ainsi assuré jeudi n’avoir aucune inquiétude sur le recours massif d’Altice à la dette.

Endettement, gestion musclée

L’endettement de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’Altice commence pourtant à soulever des inquiétudes car il n’est tenable que si les actifs acquis génèrent des flux de trésorerie importants.

Les méthodes de gestion de Patrick Drahi font en outre nettement moins l’unanimité chez les syndicats et fournisseurs des entreprises qu’il rachète. A l’instar de la Société des journalistes (SDJ) du magazine L’Express, racheté en début d’année par l’homme d’affaires, qui a récemment dénoncé sa stratégie “suicidaire”, menée à coups de suppressions d’emplois et de coupes drastiques dans les budgets.

Son statut de résident fiscal suisse, où il habite avec sa famille depuis ses 35 ans, et la cotation de son groupe à Amsterdam, sont aussi pointés du doigt par ses détracteurs, même si son groupe Numericable-SFR est lui immatriculé et coté en France.

Né à Casablanca le 20 août 1963, et arrivé en France à l’âge de 15 ans, ce fils de professeurs de mathématiques, père de quatre enfants, quasi-inconnu avant le rachat de SFR en 2014, est passé par les plus grandes écoles françaises, dont Polytechnique, avant de se spécialiser dans les télécoms.

M. Drahi commence sa carrière au sein de Philips, puis est embauché par UPC, filiale européenne de Liberty Global, le groupe de John Malone.

Puis il se met à son compte et commence à racheter un à un de petits câblo-opérateurs régionaux, alors en mauvaise posture.

En France, il bâtit discrètement Noos, qui deviendra Numericable. Mais c’est l’acquisition de SFR, une cible huit fois plus grosse, qui le propulse sur le devant de la scène en mars 2014.

M. Drahi s’empare alors de cette filiale de Vivendi au terme d’une bataille homérique contre Bouygues, dans laquelle le patron de l’opérateur, Martin Bouygues, met tout son poids.

A la suite de cette cascade d’acquisitions, M. Drahi est devenu la troisième fortune française et la 57e mondiale, selon le classement annuel du magazine américain Forbes, qui valorisait jeudi ses actifs à 16 milliards de dollars.

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