La richissime famille Wildenstein, la fraude fiscale en héritage ?

Guy Wildenstein, en janvier 2016. © Reuters

Après une relaxe générale spectaculaire en 2017, les Wildenstein, héritiers du marchand d’art franco-américain Guy Wildenstein, seront vendredi de nouveau face à la justice française, pour répondre d’une fraude fiscale se chiffrant en centaines de millions d’euros.

En rendant sa décision, le tribunal avait prédit qu’elle serait “incomprise du peuple français au nom de qui la justice est rendue”, alors que l’accusation avait requis de lourdes peines contre trois héritiers, leurs conseils et deux sociétés anglo-saxonnes de gestion d’actifs.

En toute logique, le Parquet national financier (PNF) avait fait appel de cette relaxe, comptant bien obtenir de nouveaux juges la sanction de la fraude fiscale “la plus longue et la plus sophistiquée” de l’histoire récente en France.

Après quatre semaines de procès, il avait en particulier demandé de condamner le chef de famille, le Franco-Américain Guy Wildenstein, 72 ans, à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et 250 millions d’euros d’amende.

550 millions d’euros

Le fisc français réclame toujours, dans un contentieux distinct, 550 millions d’euros aux Wildenstein, accusés d’avoir dissimulé à l’occasion de deux héritages en 2001 et 2008 des pans entiers de leur fortune.

Un montant énorme, à la hauteur de la fraude, parfois assortie de blanchiment, reprochée au patriarche et principal prévenu Guy Wildenstein, à son neveu Alec, à sa belle-soeur Liouba Stoupakova, à un notaire, deux avocats et deux sociétés financières.

Un hôtel particulier à Paris, le ranch où fut tourné le célèbre film “Out of Africa” au Kenya, une luxueuse propriété aux Iles Vierges britanniques, et surtout la légendaire collection de tableaux de la famille, rassemblant Bonnard, Fragonard et Caravage: la propriété de ces biens se perd dans un entrelacs de sociétés-écran, enregistrées à Guernesey ou aux Bahamas.

Guy et Alec n’avaient déclaré que 40,9 millions d’euros d’héritage en 2002 et payé – en bas-reliefs sculptés pour la reine Marie-Antoinette – des droits de succession de 17,7 millions d’euros.

Evasion moyenâgeuse

Dans son jugement, le tribunal souligne que “depuis au moins trois générations, des membres de la famille Wildenstein ont pris soin de dissimuler derrière des constructions juridiques inconnues du droit français un patrimoine considérable qui échappait ainsi en grande partie à l’impôt”.

En cause les fameux “trusts”, ces sociétés de droit anglo-saxon, qui abritent depuis le Moyen-âge des actifs confiés par leur propriétaire à un homme de confiance, le “trustee”. Ce n’est qu’en 2011 qu’une loi, d’ailleurs dite “Wildenstein”, règle précisément en France la fiscalité de ces sociétés-écran.

Toute la question est de savoir si les Wildenstein sont toujours propriétaires des avoirs confiés aux trusts. Et si le vide juridique avant 2011 doit profiter aux Wildenstein, dont les héritages attaqués remontent à 2001 et 2008.

Tout en relevant une “claire intention d’évasion patrimoniale et fiscale”, le tribunal avait estimé qu’il manquait d'”éléments légaux” pour condamner les prévenus. Il avait regretté “qu’aucune investigation n’ait été menée” pour entendre les gestionnaires des “trusts”, tout en ayant “parfaitement conscience des difficultés” à enquêter dans des pays rechignant à collaborer au plan fiscal.

Pour le parquet, ces éléments intentionnels sont en eux-mêmes “de nature à caractériser le délit de fraude fiscale”. Même lecture des avocats du fisc, pour lesquels il y a fraude dès lors que “celui qui se soustrait à la loi fiscale le fait en connaissance de cause”.

L’enjeu est important pour le PNF, jeune institution créée en 2013 après le scandale de l’ex-ministre français du Budget Jérôme Cahuzac. Sa condamnation à trois ans de prison ferme pour ses comptes cachés à l’étranger avait été une victoire symbolique forte pour ce parquet, l’ex-ministre saura d’ailleurs le 15 mai si sa peine est adoucie à l’issue de son procès en appel.

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