“La fraude, c’est une addiction !”

© Belga

Pol Hauspie tire les conclusions de la chute de L&H dans un ouvrage qui vient de paraître. En marge de ce livre, il a accordé une interview à nos confrères de Knack pour expliquer qu’il mérite la peine de prison infligée par la cour d’appel de Gand.

Le tandem formé par Pol Hauspie et Jo Lernout n’aura pas survécu au procès. Le premier a reconnu sa culpabilité, le second continue à la contester et va en appel. Les associés ont été condamnés en septembre à cinq ans de prison, dont trois fermes. Pol Hauspie a jusqu’ici toujours gardé le silence et n’a jamais parlé aux journalistes.

Ce silence, il vient de le rompre via un livre, Priester, muzikant, piloot (“Prêtre, musicien, pilote”), et une interview accordée au magazine Knack. “J’avais dit d’avance que j’acceptais le verdict, explique Pol Hauspie à notre confrère. Curieusement, après la lecture de l’arrêt, c’est moi qui ai dû réconforter mon avocat et ma famille, non le contraire.”

“La Bourse est un système démoniaque”

Pol Hauspie salue même le verdict : “Un signal clair devait être envoyé aux entreprises cotées, pour leur signifier qu’elles ne peuvent pas faire ce qu’elles veulent avec l’argent des investisseurs. Aux entrepreneurs, je dirais simplement : n’entrez pas dans les systèmes de fraude, c’est une addiction”, a-t-il déclaré à Knack. Lui a mis petit à petit les doigts dans l’engrenage. En 1995, L&H est cotée au Nasdaq. “En Belgique, nous étions considérés comme des héros, se souvient-il. J’avais l’impression d’être arrivé au paradis. Quand j’ai expliqué ça à notre avocat américain, il s’est exclamé Quoi ? Au paradis ? Mais vous êtes en enfer ! Nous avons compris plus tard ce qu’il voulait dire. La Bourse est vraiment un système démoniaque.”

Le démon ne s’appelle donc pas Pol Hauspie. D’ailleurs, ce dernier se défausse quelque peu sur ses camarades et les circonstances. Les arrangements comptables étaient, selon lui, dictés par Gaston Bastiaens, CEO de L&H, recruté par les deux fondateurs. “En septembre 1998, il nous a demandé avec insistance de pouvoir gonfler le chiffre d’affaires car il nous manquait 2 millions de dollars pour atteindre les prévisions annoncées aux analystes. Nous avons marqué notre accord. Pour une seule petite fois. Pensions-nous…”

De même, si le pot aux roses a été vite dévoilé, c’est, laisse-t-il entendre, grâce à l’action de quelques services secrets. Deux ou trois articles dans le Wall Street Journal ont suffi à tuer l’action en Bourse en 2000. Un des reportages, mené en Corée, montrait que les ventes y étaient bidon. Ce qui était exact. “Je suis convaincu que ces faits n’auraient pas pu être dévoilés sans l’aide de certaines organisations”, continue-t-il dans Knack.

La CIA chez Microsoft

Cette thèse du complot a déjà abondamment été défendue par Jo Lernout. Les services secrets américains auraient mal supporté qu’une entreprise étrangère développe des applications de reconnaissance vocale d’intérêt “stratégico-militaire”, dans des langues pratiquées en Iran ou en Indonésie. Un ancien agent du renseignement travaillant chez L&H avait prévenu Pol Hauspie : son entreprise était infiltrée. Il a des indices. “Microsoft ne m’avait jamais dit, par exemple, qu’ils avaient dans leurs locaux un bureau de liaison de la CIA”, ajoute Pol Hauspie. Microsoft était alors actionnaire et partenaire de L&H.

Bref, Pol Hauspie ne serait que la victime de sa propre “cupidité” (“hebzucht“), laquelle l’aurait poussé à accepter des dérives dont il assume la responsabilité. Il se fait philosophe sur la cellule qu’il devrait retrouver. “La véritable prison n’est pas construite avec des murs gris, des barreaux et de lourdes portes, mais par mon propre ego.”

Enfin, pour éviter aux entrepreneurs de succomber à la tentation, il propose une solution radicale : “Je plaide pour que la comptabilité des entreprises cotées soit intégralement diffusée sur Internet. Elles n’ont rien à y perdre.”

Robert van Apeldoorn

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content