Jean-Pierre Van Dijk, la nouvelle voix du pétrole

Jean-Pierre Van Dijk, le nouveau secrétaire général de la Fédération pétrolière de Belgique espère donner plus de voix au secteur. © PG

Jean-Pierre Van Dijk, un ingénieur venu de Total, devient secrétaire général de la Fédération pétrolière belge. Il souhaite qu’elle soit plus impliquée dans les débats environnementaux où les pétroliers restent ” invisibles “.

C’est en avril que l’Anversois Jean-Pierre Van Dijk, 60 ans, succédera à l’Ardennais Jean-Louis Nizet au poste de secrétaire général de la Fédération pétrolière belge. Cette organisation, logée avenue des Arts à Bruxelles (au-dessus de la librairie Filigranes), présente une taille modeste, avec un effectif de six personnes. Mais elle pèse lourd car elle représente les compagnies pétrolières, comme Texaco ou Total, qui raffinent, stockent et distribuent des produits pétroliers, représentant plus de 6.400 emplois en Belgique et 10 millions de tonnes de carburants vendues tous les ans (1).

La Fédération pétrolière a l’habitude de recruter des ingénieurs chez ses membres pour occuper la fonction de secrétaire général. Il n’y a pas de ” fonctionnaire ” de fédération comme il en existe dans d’autres fédérations d’entreprises plus importantes (en effectifs). ” Les dossiers à traiter sont plutôt techniques, il vaut donc mieux avoir une connaissance profonde du monde industriel “, estime Jean-Louis Nizet, le secrétaire général sortant. L’inconvénient est qu’il faut développer une capacité à communiquer à l’extérieur, défendre le secteur dans nombre d’instances. Cela explique pourquoi le futur secrétaire général passe une période d’apprentissage comme adjoint de son futur prédécesseur. Ainsi, Jean-Pierre Van Dijk est entré à la Fédération en 2013. Le ” vivier ” des futurs secrétaires généraux n’est pas bien grand puisque la fédération ne compte que 12 membres. Jean-Louis Nizet venait d’ExxonMobil, Jean-Pierre Van Dijk, de Total.

Repousser la fin des carburants

Le nouveau représentant du monde pétrolier espère donner plus de voix au secteur. ” Nous cherchons à être davantage présents dans les débats sociétaux et allons nous organiser pour cela, déclare Jean-Pierre Van Dijk. Nous allons parler à plus de monde qu’auparavant. ” Le secteur est concerné par les politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui se traduisent généralement par des politiques défavorables à la consommation de produits pétroliers. D’ici 2050, l’UE vise en effet une réduction de 85 % à 90 % des gaz à effet de serre (en comparaison avec 1990), et chaque pays, chaque région, élabore des stratégies pour y parvenir.

Or, dans les nombreux débats qui s’ouvrent, ” nous sommes un peu invisibles “, reconnaît Jean-Pierre Van Dijk. Le secteur du pétrole a une image difficile et a plutôt maintenu jusqu’ici un profil bas. D’ailleurs, hormis Total, les pétroliers eux-mêmes communiquent peu en Belgique. Ces derniers temps, leurs oreilles sifflent, notamment avec l’adoption d’une motion par le Parlement de la Région flamande, visant l’interdiction des voitures diesel et essence en 2050.

De Total à l’avenue des Arts

La carrière de Jean-Pierre Van Dijk s’est déroulée entièrement, ” Totalement ” dirait-on, dans l’industrie pétrolière. Après quelques mois chez Seca (Lukoil aujourd’hui), il entre en 1983 chez le pétrolier belge Petrofina, racheté par Total en 1999. Ses études d’ingénieur électro-mécanicien à la VUB se sont achevées avec un mémoire ” sur le comportement vibratoire des structures mécaniques “. Il a été ingénieur de projet pour une nouvelle usine de lubrifiants de Petrofina à Ertvelde. Lors du rachat de Petrofina par Total, il ira à Paris prendre la responsabilité de la supply chain pour les lubrifiants à l’échelle du groupe. ” Cela concernait 12 usines en Europe”, explique-t-il.

Il passe ensuite au commercial en assurant la vente des lubrifiants et produits bitumeux aux Pays-Bas. En 2006, changement de cap : il est nommé responsable du risque industriel pour le stockage de carburant. Ce poste a été créé après un incendie survenu dans un dépôt de carburant en Grande-Bretagne qui a obligé les pétroliers à améliorer les mesures de sécurité sur leurs sites. ” J’ai été amené à négocier avec des responsables de l’administration française, c’était très intéressant .” Le patron de Total Belgique le contacte alors pour lui proposer de revenir en Belgique, à la Fédération pétrolière belge, ” et regarder le secteur sous un autre angle, dans ses relations vers l’extérieur “, précise Jean-Pierre Van Dijk.

La fonction de secrétaire général inclut toutes les activités des fédérations professionnelles : relations avec les partenaires sociaux, les pouvoirs publics, représentation dans les organisations (Voka, etc.) et les conseils (Conseil central de l’économie, etc.). Sans oublier toujours davantage d’interventions dans le dossier de la transition énergétique, laquelle revient généralement à se passer de plus en plus des carburants.

Eviter des objectifs impossibles

Jean-Louis Nizet, le secrétaire général sortant.
Jean-Louis Nizet, le secrétaire général sortant.© PG

La Fédération ne va pas prétendre, contre l’évidence, que les carburants ne produisent aucune émission. Mais titiller. ” Il faut fixer des objectifs réalistes “, ajoute Jean-Louis Nizet, secrétaire général jusqu’à la fin mars. Cela ne sert à rien de transposer dans la loi des objectifs que le marché ne peut fournir. ” Par exemple, la Région de Bruxelle-Capitale avait prévu d’interdire l’achat de bus diesel à partir de 2015 dans le Cobrace (Code bruxellois de l’air et du climat). Mais encore faut-il que l’offre soit disponible. La Stib n’a pas pu trouver du matériel électrique sur le marché et a donc opté pour des bus hybrides diesel-électrique. Il a donc fallu renoncer à cet objectif. ”

Le même souci se pose pour les automobiles électriques ou les véhicules au gaz naturel, qui produisent moins d’émissions que les voitures à carburant. ” Les calculs visant à démontrer la rentabilité de la voiture au gaz naturel part du principe qu’il n’y aura jamais d’accises, souligne Jean-Louis Nizet. Même chose pour la voiture électrique, actuellement poussée par des avantages fiscaux “. ” Notre grande bataille sera de montrer l’implication des choix pour la fiscalité “, ajoute Jean-Pierre Van Dijk.

Pour l’heure, les deux types de motorisation restent très marginaux (5.194 électriques et 4.161 au gaz naturel en 2016 sur un parc total de plus de 5,6 millions de voitures), mais si elles prennent leur essor comme attendu, l’équation économique sera différente pour l’Etat fédéral. Il a engrangé 5,1 milliards d’euros de recettes pour les accises sur les carburants en 2016 (contre 4,71 milliards en 2015) grâce aux mesures du tax shift, qui ont augmenté les accises sur le diesel, avec l’objectif de rejoindre le niveau de taxation de l’essence en 2018.

Jean-Louis Van Dijk va aussi pousser le dossier du gasoil de chauffage, ” que l’on oppose souvent au chauffage au gaz naturel, mais le mazout est à présent produit quasiment sans soufre “, avance-t-il.

“Le but n’est pas d’être aimé…”

Comme d’autres fédérations, celle du pétrole a l’argument de l’emploi et des investissements. Qui sont surtout concentrés en Flandre, les raffineries du pays étant situées à Anvers. ” Avec celles de Rotterdam, ce sont quasi les seules qui attirent de gros investissements. Ailleurs, il y a plutôt des fermetures, surtout loin des ports “, commente Jean-Louis Nizet. Les élus sont ambivalents sur le sujet car d’un côté ces investissements semblent contradictoires avec les objectifs de réduction des émissions de CO2. Et de l’autre, il y a l’emploi et l’impact économique à prendre en considération, en particulier en Flandre.

La Fédération parvient à se faire un peu entendre des élus du Nord, beaucoup moins à Bruxelles ou en Wallonie, faute d’implantations importantes. Même si à Feluy une plateforme pétrochimique importante reste active, surnommée par le secteur ” Antwerp South “. ” Au niveau politique, s’exposer avec un pétrolier, c’est mal vu “, conclut Jean-Louis Nizet, qui laisse à son successeur une devise : ” le but n’est pas d’être aimé, mais un peu mieux compris”.

(1) La Fédération pétrolière de Belgique représente les pétroliers, mais pas les stations ou les distributeurs locaux, réunis au sein de la Brafco (commerce et distribution de combustibles et de carburants).

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