Mais qu’est-ce qui gêne les piétons dans leurs déplacements?

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Après le tout à la voiture, qui tend (malheureusement) à disparaître, les différentes politiques de mobilité à Bruxelles veulent valoriser les méthodes de déplacement dites plus durables et ce, tant pour des raisons écologiques qu’environnementales. Parmi ces modes de déplacements, la marche commence à rentrer dans le débat et à se tailler une place importante dans l’espace public de la capitale.

Avec le retour des beaux jours et surtout la réouverture de l’Horeca uniquement en extérieur dans un premier temps, les terrasses ont commencé à fleurir un peu partout. Et, là où elles arrivaient à s’étendre, elles se sont étendues : croquant une place de parking par-ci ou empiétant sur un trottoir par là. Avec cet envahissement, selon les endroits de l’espace public, de nombreuses gênes sont apparues pour les piétons et les personnes malvoyantes ou à mobilité réduite. Si pour les premiers il suffit souvent de faire un détour, pour les autres le parcours du combattant n’en est qu’à son commencement.

Mais les terrasses ne sont qu’un exemple parmi d’autres car il existe bien des “obstacles” sur les trottoirs pour les piétons. Brussels Studies leur a consacré une étude afin de déterminer les gênes rencontrées en ville par les passants, ainsi que le niveau de désagrément qu’elles occasionnent.

Dans cette étude, les poubelles, les panneaux de stationnement ou de signalisation, les armoires de concessionnaires (eau, électricité, …) ou encore des obstacles “mobiles” tels les panneaux publicitaires, les vélos, les trottinettes… ont aussi été qualifiés de gênes “fixes” et leur impact sur les piétons a été mesuré. C’est en recoupant ce relevé de désagréments rencontrés par les piétons avec l’ensemble des analyses de l’étude que les auteurs ont pu déterminer le “degré de gêne” de chacun de ces éléments.

Tous les obstacles ne sont pas “égaux”

Pourtant, ces différentes gênes ne sont pas toutes égales aux yeux des usagers “faibles”. Une gêne ne sera pas perçue de la même manière si elle est “légitime” aux yeux des piétons (comme les terrasses ou des travaux) ou considérée comme illégitime (trottinettes, publicités, …).

Terrasses et portiques de vêtements font partie du folklore et sont généralement bien tolérées quand elles se trouvent sur le chemin des badauds. Par contre les vélos partagés et les trottinettes de location sont perçus comme de réelles nuisances et envahissements de l’espace publique.

Bien souvent, souligne l’étude, les usagers préfèrent un environnement où les obstacles sont plus nombreux, mais qui présente un cadre plus agréable, comme l’exprime l’une de nos participantes après son parcours commenté dans la très encombrée chaussée de Gand : “Ça m’a beaucoup plu. Ça change des quartiers qu’on voit tous les jours, qui sont disons mortels. Ça ne me déplaît pas du tout de voir toute cette animation. Au contraire, c’est très vivant. […] Ça m’a rappelé les moments de vacances en Italie, c’est très coloré. C’est vraiment très agréable”.

La nature du déplacement, selon qu’il soit professionnel ou d’agrément, influencera aussi la perception de la gêne. Selon les cas, les éléments seront alors perçus comme des obstacles ou au contraire comme faisant partie de l’ambiance du lieu et appartenant à la vie sociale de l’endroit.

De même, nous ne sommes pas égaux devant ces désagréments, et la perception de la gêne dépendra de la condition de l’individu : piéton, personne malvoyante ou se déplaçant en fauteuil roulant ou déambulateur…

Amplificateurs de gênes

Mais il n’y a pas que la légitimité de la gêne qui influence la perception qu’en ont les piétons. “ La largeur des trottoirs et la densité du flux piéton agissent en tant qu’activateurs et amplificateurs de gênes précise l’étude de Brussels Studies. “En effet, dans la grande majorité des cas, les obstacles sur le trottoir ne constituent pas réellement une gêne tant que la densité des personnes est faible. De la même façon, les déplacements sur un trottoir large sont moins affectés que sur un trottoir étroit (tant en termes de gêne ressentie que de modification de trajectoire), en particulier pour les PMR qui nécessitent un plus grand espace pour se déplacer et croiser les autres usagers. Ce sont deux paramètres qui conditionnent le “degré de gêne” occasionné par les obstacles, auxquels s’ajoute leur effet combinatoire. Parmi l’ensemble des éléments examinés dans cette étude, en effet, beaucoup ne sont pas gênants lorsqu’ils sont pris isolément, mais le deviennent en se combinant à d’autres. À ce niveau, l’emplacement des uns par rapport aux autres revêt une importance particulière.

De même que la combinaison de plusieurs facteurs de gêne. Prenons l’exemple d’un arbre. Il est a priori peu gênant mais si deux vélos y sont attachés, son potentiel de gêne devient nettement plus important. “Plusieurs objets agissent également en tant qu’attracteurs de gênes. Il s’agit en particulier de poteaux et d’arbres, mais aussi de certains panneaux publicitaires et d’éléments de mobilier urbain qui servent régulièrement de supports pour attacher des vélos, pour déposer des détritus, sacs poubelles et trottinettes, ou bien simplement de lieu d’attente. Ainsi, des éléments très peu gênants ont de fait un potentiel de “gêne” bien plus important si l’on prend en compte les éléments qui tendent à s’agglomérer autour.

De manière générale, les personnes ayant participé à cette étude ne demandent pas la suppression des obstacles tels que les étalages et les terrasses, mais souhaiteraient qu’ils soient mieux aménagés dans certains cas. De même, leur critique porte essentiellement sur le caractère “non réfléchi” de leur emplacement et/ou disposition. Il suffirait d’un peu de bon sens pour éviter ces désagréments.

Les auteurs de cette étude de Brussels Studies (www.brusselsstudies.be) sont Alexis Creten, Aniss M. Mezoued et Quentin Letesson

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