Trump, les musulmans et l’hypocrisie de la silicon valley

Amid Faljaoui

Les premières semaines de l’administration Trump virent au cafouillage. Le ” décret anti-musulman ” de la Maison-Blanche en est l’un des exemples les plus frappants. Sous l’injonction d’un juge fédéral de Seattle, l’administration Trump a dû rouvrir les frontières aux sept pays à majorité musulmane qu’elle avait pris en grippe.

La nouvelle a soulagé les patrons des grandes firmes technologiques de la Silicon Valley dont la plupart sont contre ce décret pour des raisons éthiques. Les CEO de Google, Microsoft, Amazon, Airbnb, Facebook ont rappelé que le père biologique de Steve Jobs était syrien. Le magazine The Economist a rappelé que le nouveau patron de Microsoft est indien, que l’actuel CEO de Google est d’origine tamoule et que le cofondateur de Google, Sergei Brin, avait quitté sa Russie natale à l’âge de cinq ans. Sans compter que la moitié des ” licornes ” (sociétés technologiques valant plus d’un milliard de dollars) ont été fondées par des émigrés.

Mais en réalité, ce qui fait surtout peur à ces CEO, c’est moins le décret anti-musulman qu’une autre proposition de Donald Trump, visant à mettre des freins à l’octroi d’un visa H1B ! Le visa en question est destiné aux travailleurs étrangers très qualifiés dans les domaines de la santé ou des nouvelles technologies. Fidèle à sa logique America First, Donald Trump souhaite que ces emplois qualifiés aillent d’abord aux Américains. En conséquence de quoi, le nouveau président veut non seulement compliquer l’attribution de ces visas H1B, mais aussi doubler le salaire minimum lié à l’octroi de ce visa. C’est une manière radicale de forcer les sociétés américaines à engager localement. En Inde, c’est l’affolement, car environ 300.000 informaticiens indiens travaillent aux Etats-Unis grâce à ce sésame H1B. Mais le vent de panique souffle aussi du côté de la Silicon Valley. Motif ? Sans ces Indiens et – d’une manière générale – sans tous ces Asiatiques très qualifiés, des postes resteront inoccupés faute de compétences locales. Voilà donc pourquoi les CEO de la Silicon Valley sont vent debout contre le ” décret anti-musulman ” de Donald Trump. Ils craignent que ce décret soit une première étape vers d’autres décisions plus dévastatrices pour leur business.

En bons communicateurs, les CEO de la Silicon Valley drapent leur résistance à Donald Trump du drapeau de la vertu. Pourtant, si la classe moyenne américaine souffre autant, si les inégalités aux Etats-Unis sont aussi criantes, si les seniors américains sont exclus du monde du travail par le jeunisme ambiant, c’est en partie à cause de la Silicon Valley. Le numérique, les applications et l’intelligence artificielle détruisent des emplois en masse. Quant aux profits monstrueux de ces mastodontes, ils sont logés dans des paradis fiscaux pour éviter l’impôt américain jugé confiscatoire. Et lorsque ces profits reviennent aux Etats-Unis, c’est moins sous forme d’investissements que sous forme de rachats d’actions et d’octrois de dividendes destinés aux plus riches.

Les esprits chagrins diront que ces firmes de la Silicon Valley créent aussi des emplois. C’est vrai, mais elles en créent nettement moins qu’elles n’en détruisent. Et pour ce qui est de la vertu, il faudra repasser… Apple refuse de payer les 13 milliards d’arriérés d’impôts réclamés par la Commission européenne. La firme à la pomme a aussi accepté d’interdire une application du New York Times pour ne pas se fâcher avec le gouvernement chinois (20 % de son chiffre d’affaires). Quant au patron de Facebook, il a déclaré qu’il donnerait 99 % de sa fortune à une fondation et qu’il croit en la liberté d’expression. Magnifique, mais en attendant sa firme n’a payé que 6 % d’impôts au cours des cinq dernières années et elle s’est également couchée devant la censure chinoise.

En résumé, les patrons de la Silicon Valley défendent la vertu et la liberté de circulation des citoyens du monde lorsqu’elles collent à leurs intérêts. A l’inverse, on a beau ne pas aimer Donald Trump, il faut bien lui reconnaître une qualité : il est cohérent dans ses idées. En fait, le nouveau locataire de la Maison-Blanche inspire la peur car il fait ce qu’il dit. Les politiques nous ont habitués à l’inverse. D’où sans doute une partie de notre désarroi.

AMID FALJAOUI

Le nouveau locataire de la Maison- Blanche inspire la peur car il fait ce qu’il dit. Les politiques nous ont habitués à l’inverse.

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