Trois questions à Sybille Mertens, professeur d’économie sociale à HEC-ULg

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SYBILLE MERTENS. Pour autant qu’il n’y ait pas d’énormes frais de structure et que la relation avec les producteurs soit gérée en direct, 20 % de marge sur tous les produits, c’est tenable quand on n’a ni actionnaires à rémunérer ni coûts salariaux. A New York, la Park Slope Food Coop dégage même des bénéfices. Mais plus de 70 salariés y travaillent. Miser uniquement sur le bénévolat, ce n’est pas tenable à terme car certaines catégories de bénévoles devront d’office être plus impliquées que d’autres. En ce qui concerne le financement de ces projets, les parts sociales de coopérateurs ne suffisent évidemment pas. Ces structures ont donc recours à des subsides, des soutiens divers, de l’impact investing, un prêt classique, etc. Car il faut pouvoir supporter des frais fixes importants.

Quel est le défi principal de ces coopératives alimentaires ?

La conversion des coopérateurs en clients. Il est facile de mobiliser des citoyens et de leur demander d’amener un petit capital (à partir de 25 euros chez Bees Coop, Ndlr), mais combien d’entre eux iront-ils régulièrement acheter sur place ? Et puis combien seront-ils à venir réellement prester leur travail bénévole ? J’ai vu des projets se casser la figure pour cette raison. La fidélisation ne fonctionne que si les clients y trouvent leur compte en termes de consommation. Les citoyens qui participent à ces initiatives le font par idéal, mais ils restent des consommateurs qui ont besoin d’acheter toute une série de produits. Cela ne peut pas tenir uniquement sur de l’idéologie. Il y a donc un fameux défi en termes de gamme et de fluidité des stocks. Or aujourd’hui, ces projets répondent surtout au citoyen, pas encore au consommateur.

Les petits producteurs sont-ils prêts à faire confiance à ces nouvelles structures au fonctionnement particulier ?

L’approvisionnement est effectivement un enjeu important. J’ai personnellement moins de tracas quant à l’existence de la demande que de l’offre. Dans la grande distribution, les petits producteurs locaux connaissent une forte pression sur leurs prix, mais ils ont l’assurance d’écouler leur marchandise. Ici, les porteurs de ce type de projet doivent passer énormément de temps à convaincre les agriculteurs afin de nouer une relation de confiance. Ces supermarchés passent aussi par des grossistes pour toute une série de produits. Mais qui dit grossiste dit intermédiaire, et donc coûts supplémentaires.

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