Voilà un roman qui a du chien, et même plusieurs. La boutade est facile mais elle trouve son sens dans l’écriture de Véronique Bergen qui ne manque pas de caractère. La romancière et poète belge a recensé tous ces canidés qui ont été des témoins de grands moments de l’histoire. Il y a bien sûr Laïka, première chienne dans l’espace, Blondi, compagnon d’Hitler, Husdent, du Roland de la Chanson médiévale, ou encore le fidèle Argos qui reconnut Ulysse en guenilles lors de son retour à Ithaque. Ce ne sont là que quelques-uns de la meute qui peuple ce livre. Réunis autour de Loukanikos, le ” riot dog ” des insurrections grecques entre 2008 et 2012, ces quadrupèdes des grandes heures vont assister aux pires déchéances de l’humanité : catastrophes écologiques, massacres génocidaires, séismes économiques. L’espèce dominante a mauvaise mine et mérite qu’on se pose la question de sa survie, y compris de la nécessité de sa survie. Faut-il sauver les hommes ou aboyer haut et fort l’hallali apocalyptique ? Pour exprimer ces réflexions canines aussi brûlantes que racées, Véronique Bergen invente une langue, où les mots se construisent sur l’indicible des idioties humaines, la philosophe faisant de son roman une lecture aussi ludique qu’interpellante. La fable se perd parfois dans un lyrisme appuyé, mais cohérent avec ce livre d’anticipation à la saveur révolutionnaire.
Véronique Bergen, “Tous doivent être sauvés”, éditions Onlit, 276 pages, 18 euros.