Comment parler de pop culture sans tomber dans le travers du fan ou de la glose universitaire? Il y a quelques années, dans un ouvrage fascinant sur la figure de Fantômas signé avec son collègue Matthieu Letourneux, l’historien de la culture Loïc Artiaga avait proposé une réponse originale: il faut traiter les objets de la pop culture comme des faits et non des illusions. Il revient aujourd’hui avec un livre solo consacré à la figure de Rocky Balboa, le boxeur de fiction incarné par Sylvester Stallone. Il y raconte une vie: celle d’un personnage qui n’a jamais existé mais dont l’inexistence cristallise pourtant les enjeux, les ambiguïtés, les beautés et les horreurs du siècle qu’il traverse. Grâce à Rocky, on assiste non seulement au parcours d’un héros cabossé mais aux soubresauts d’une époque dont il est à la fois le symptôme et la critique, le produit et le contrepoison. Car il ne faut pas s’y tromper: les victoires de Rocky n’étaient peut-être rien d’autre qu’une manière de rassurer les petits Blancs qui l’applaudissaient dans les salles obscures, face à la montée irrésistible des athlètes noirs ou la menace soviétique. K.O. implacable.
Loïc Artiaga, “Rocky: la revanche rêvée des Blancs”, éditions Les Prairies Ordinaires, 260 pages, 178 euros.