Quelle marge de manoeuvre pour Ursula von der Leyen ?

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Le départ du Royaume-Uni de l’Union et la mise en place du nouveau cadre financier pluriannuel pourraient donner du fil à retordre à la nouvelle présidente de la Commission européenne.

Amateur de déjeuners arrosés, souvent raillé pour ses pitreries, Jean-Claude Juncker n’avait guère à rougir de son bilan de président de la Commission européenne à la veille de la succession. Les retombées des crises de 2008-2009 et de 2011-2012 ne se faisaient presque plus sentir, et l’effondrement souvent annoncé de l’euro avait été évité – du moins jusqu’à la prochaine crise. La Grèce et l’Italie, dotées de nouveaux gouvernements pragmatiques, sont rentrées dans le droit chemin. Le Portugal, l’Espagne et l’Irlande se sont redressés de manière spectaculaire. L’Allemagne est peut-être passée pas loin d’une récession en 2019 mais, dans l’ensemble, l’Union européenne (UE) devrait afficher une croissance positive en 2020, comme ce fut le cas en 2019.

2020, c’est l’année où un seul problème particulièrement délicat va mobiliser tous les efforts de l’UE : son budget sur sept ans.

Débuts difficiles

De même, le plus fort de la crise migratoire est derrière nous. En 2015, les arrivées de migrants en situation irrégulière dépassaient largement le million ; en 2019, elles auront sans doute été bien en dessous de 100.000. La montée du populisme, autre grand danger tant redouté, semble conjurée. En mai, les populistes ont fait une piètre prestation aux élections au Parlement européen et, depuis lors, ils ont perdu du terrain. La Ligue de Matteo Salvini et le Parti libéral autrichien ne sont plus au gouvernement. En Hongrie, le Fidesz de Viktor Orban a perdu la capitale aux élections municipales. A priori, dans l’année qui vient, pas d’élections stressantes en Europe.

Même le Brexit s’achemine vers une solution viable – du moins pour les 27 membres restants de l’UE, qui se sont même préparés au choc d’un Royaume-Uni qui plongerait dans le chaos d’une sortie sans accord, si rien de mieux ne peut être négocié. L’Irlande est le seul pays qui risque d’être vraiment pénalisé, or elle est assez petite pour qu’on lui vienne en aide. D’autres Etats, en particulier la France, trouvent quelques avantages au Brexit, car certaines de leurs entreprises vont être rapatriées, avec ou sans accord.

Tout cela devrait créer un peu d’espace politique pour que la nouvelle présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, puisse aborder les grands chantiers de 2020. Ce n’est pas l’envie de s’y attaquer qui lui manque, mais elle a connu des débuts difficiles : elle a dû repousser la passation des pouvoirs au-delà de la date prévue du 31 octobre, le Parlement européen ayant rejeté certains de ses commissaires. Elle a repensé le fonctionnement de la Commission afin de mieux se recentrer sur ce qu’elle considère comme ses trois principaux objectifs : relever le défi du changement climatique, accoucher d’une Europe inclusive et équiper l’UE pour l’ère numérique.

En outre, l’Union ne devra plus se contenter de jouer les seconds rôles dans le système des échanges mondiaux. Alors même que son PIB est plus élevé que celui de la Chine et comparable à celui des Etats-Unis, elle a pour l’essentiel été la victime impuissante des dommages collatéraux tandis que les deux superpuissances économiques échangeaient des coups. Et le désengagement géopolitique de Donald Trump oblige l’Europe à muscler sa coopération en matière de politique internationale et de sécurité. Ursula von der Leyen, en tant qu’ancienne ministre de la Défense allemande, y est tout à fait favorable.

Ces grandes ambitions ne vont guère se réaliser, du moins en 2020. Car c’est l’année où un seul problème particulièrement délicat va mobiliser tous les efforts de l’UE. Son budget sur sept ans, son ” cadre financier pluriannuel ” (CFP) dans le jargon de Bruxelles, s’achève fin 2020, après quoi un nouveau cadre doit être mis en place qui couvrira la période 2021-2027.

Budget minuscule

C’est plus facile à dire qu’à faire. Pour une instance si souvent qualifiée de dépensière, l’UE dispose d’un budget minuscule, actuellement fixé par la loi à 1,02 % du PIB collectif (à comparer, par exemple, avec les 56 % du PIB que la France s’octroie à elle-même). Les récentes séries de négociations sur le CFP ont été marquées par d’intenses discussions portant sur des augmentations minimes. Or, ce budget est sur le point d’en prendre un coup. Quand le Royaume-Uni aura quitté l’UE, ses contributions vont cesser ; et comme il est l’un des Etats qui contribuent le plus au budget communautaire, versant chaque année environ 10 milliards d’euros de plus qu’il n’en perçoit, le CFP va se retrouver avec moins d’argent à redistribuer.

La première chose que devront faire les dirigeants de l’UE l’année prochaine (à supposer, comme le prédisent la plupart des observateurs, qu’ils ne soient pas parvenus à un accord lors du sommet prévu pour la mi-décembre) sera donc de répartir le fardeau autrement. A en juger par l’expérience passée, cette querelle pourrait traîner pendant une bonne partie de 2020. La question ne sera peut-être pas réglée d’ici à la fin de l’année, ce qui obligerait à prolonger pendant un certain temps le CFP dans son état actuel.

Accrochages à prévoir

La nécessité de compenser le manque à gagner lié au départ des Britanniques devrait dissuader les dirigeants d’accroître les dépenses générales. Les différends porteront par conséquent sur la réaffectation des dépenses à d’autres objectifs. Il faut s’attendre à des accrochages virulents à ce sujet. A l’heure actuelle, des Etats comme la Pologne, la Hongrie et l’Espagne reçoivent de l’UE plus qu’ils ne devraient, compte tenu de leurs niveaux de prospérité. Mais ces pays vont se démener comme de beaux diables pour empêcher que le soutien à leur agriculture et à la construction de leurs routes ne soit réaffecté aux priorités chères à Ursula von der Leyen.

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