Métiers du futur: quels seront les jobs de nos enfants demain?

Il ne s'agit pas de faire de chacun un spécialiste de l'IA, mais plutôt de faire en sorte que les travailleurs sachent comment utiliser les outils de l'IA pour devenir plus efficaces dans leur travail. © Getty images

Alors que l’automatisation, la robotique et l’intelligence artificielle sont déjà à l’oeuvre, l’heure est toujours au questionnement sur le futur de nos métiers. Entre disparition, mutation des professions actuelles et création de nouvelles, quel avenir dessine-t-on pour nos enfants? Quels types de métiers pourront-ils exercer dans 20 ans?

“- Quel métier voudrais-tu faire quand tu seras grand ?” – Dompteur de robots… ou hacker éthique !”

Cette réponse fictive imaginée dans la bouche d’un enfant de 2035 pourrait bien ne pas être si farfelue que cela. A l’heure où les technologies chamboulent les codes de tous les secteurs, et donc l’ensemble du marché du travail, on peine souvent à affirmer qu’ils auront encore tous un métier dans un avenir pas si lointain.

On peut même dire que c’est le flou le plus total : les experts s’opposent toujours – à coup d’arguments et d’études contradictoires – sur la création ou la destruction nette d’emplois, une fois que l’automatisation aura atteint son rythme de croisière. D’un côté, il y a les observateurs et spécialistes pessimistes qui dressent la liste des métiers en voie de disparition : comptables, radiologues, traders, chauffeurs de taxi, etc. Au gré des nouvelles technologies imaginées par Google, Facebook, Apple et autres Alibaba en matière d’intelligence artificielle et d’automatisation, certaines professions se voient en effet crucifiées par les futurologues anxiogènes. Ces derniers prédisent que la machine pourra remplacer l’ensemble des activités humaines, ne laissant à notre espèce qu’une place secondaire, ou presque, dans les activités sur Terre. Nous pourrions, selon eux, être relégués au rang de ” petits chiens des robots beaucoup plus intelligents que nous “, comme s’en inquiétait Elon Musk, l’emblématique patron de Tesla, SpaceX et Neuralink, dans un entretien donné en 2016 au site spécialisé ReCode.

Les coachs d'aujourd'hui deviendront les
Les coachs d’aujourd’hui deviendront les “amplificateurs de talents” de demain.© getty images

85% des jobs de nos enfants n’existent pas encore

Une vision noire qui dérange souvent les professionnels concernés ou les représentants de secteurs. Leurs arguments ? ” Jamais une machine ne fera aussi bien que nous “. Ou encore : ” La machine ne présente aucune empathie, une dimension fondamentale de notre profession “.

Un déni ? Les experts plus optimistes voient effectivement dans l’arrivée de l’automatisation une opportunité énorme de déléguer aux robots les tâches les plus rébarbatives ou les plus lourdes pour ne laisser à l’homme que celles à valeur ajoutée, les échanges ou le relationnel. ” Les nouvelles technologies peuvent apporter beaucoup d’avantages sous formes d’innovations et de gain de productivité, nous précisait Jacques Bughin, directeur du McKinsey Global Institute au moment de la sortie d’une étude sur le sujet l’an passé. Et l’histoire économique est claire : ces gains de productivité se traduisent toujours à terme par de nouvelles créations d’emplois “. Son verdict est sans appel : des tas de nouveaux métiers naîtront au fur et à mesure des développements technologiques.

85% des métiers que les enfants d’aujourd’hui exerceront en 2030 n’existent pas encore.

Une étude publiée en été 2017 par le think thank Institute For The Futur (IFTF) et Dell prévoyait que 85% des métiers que les enfants d’aujourd’hui exerceront en 2030… n’existent pas encore ! De tout temps, bien sûr, il s’est révélé difficile d’imaginer les nouveaux métiers à venir. En 1970, aucun Français n’aurait pensé pouvoir travailler pour une société fournissant du contenu pour le Minitel. Dans les années 1990, nous n’imaginions pas que des jeunes passeraient leurs journées à coder un réseau social comme Facebook, et encore moins, que des contenus sponsorisés y seraient partagés. En 2000, personne ne voyait non plus arriver la gigantesque économie des applis mobiles, celle de l’Internet des objets… et l’ensemble des professions qui vont avec.

Du coup, la question que se posent les jeunes parents aujourd’hui est forcément celle du futur métier de leur enfant. Alors qu’ils lisent ici et là que les millenials ne veulent plus travailler dans des grosses boîtes… Que le médecin va disparaître… Que l’avocat est en voie de disparition et que la profession de comptable sera presque intégralement remplacée par des algorithmes intelligents…

A l’heure du tout numérique qui sous-tend le perfectionnement de l’automatisation de toujours plus de tâches, que peuvent-ils encore conseiller à leur progéniture comme filière ou comme future profession ? Pas simple, d’autant que le rythme technologique s’accélère. Le grand public adopte en effet toujours de plus en plus vite les nouveautés numériques et technologiques. D’après une étude du Boston Consulting Group, il a fallu 75 ans pour que 100 millions de personnes utilisent le téléphone, mais à peine 16 ans pour le téléphone mobile et… 15 mois pour le jeu à succès Candy Crush…

L'avenir semble promis aux
L’avenir semble promis aux “slasheurs” qui cumulent plusieurs jobs.© MONTAGE ISTOCK

“Plus de métiers mais… des rôles”

Avant de se risquer à dresser une liste des métiers du futur et de répondre aux interrogations des jeunes parents, il faut évidemment avoir en tête les quelques grandes tendances à l’oeuvre sur le marché de l’emploi.

Deux grandes évolutions se développent et s’entremêlent : la fin du salariat et la combinaison de plusieurs jobs par une seule et même personne. On parle de plus en plus des ” slasheurs ” (personnes qui passent d’un job à l’autre) qui peuvent être à la fois banquier et gestionnaire de maison d’hôte, par exemple. Les deux tendances émergent depuis quelques temps déjà et se complètent l’une et l’autre. Que ce soit par choix ou par nécessité, les indépendants sont de plus en plus nombreux en Belgique. Une tendance que l’on observe un peu partout en Europe. Et nombreux sont également ceux qui exercent d’autres métiers en parallèle.

Pour Jeroen Franssen, head expert chez Agoria, cela devrait encore s’accentuer puisque, selon lui, à l’avenir on ne parlera plus de métiers. ” Les gens exerceront différents rôles dans une série de projets, avance-t-il. Aujourd’hui, le monde du travail est organisé autour d’un contrat et des fonctions. A l’avenir, le métier sera remplacé par un rôle et des compétences. D’ici quelques années, plus personne n’exercera que des tâches exclusives : on aura un rôle pour 70% de son temps, des tâches différentes mais liées à ce rôle pour 20%, et les 10% du temps restant seront consacrés à des tâches totalement différentes. ” Les plus de 200.000 Belges que l’on considère aujourd’hui comme des ” slasheurs ” semblent déjà avoir adopté les codes du monde du travail des années à venir.

Aujourd’hui, le travail est organisé autour d’un contrat et des fonctions. A l’avenir, le métier sera remplacé par un rôle et des compétences.

Bien sûr, l’évolution technologique permet d’imaginer de nombreux nouveaux métiers dans des domaines qui ont le vent en poupe et sont indubitablement amenés à se développer : la robotique et l’automatisation, la sécurité, l’analyse de datas, l’ entertainement, la blockchain, la conquête de l’espace, etc. Reste que, selon Jeroen Franssen, ” le digital n’est pas le seul big bang susceptible de définir les emplois de demain. J’identifie plusieurs facteurs de changement qui interviennent également, parmi lesquels la mobilité, l’économie circulaire, le climat, la proximité ou la sécurité… ”

Le développement de la robotique s'accompagne de nouveaux métiers.
Le développement de la robotique s’accompagne de nouveaux métiers.© getty images

Les métiers actuels fortement transformés

Isabelle Rouhan détaille, dans son ouvrage Les métiers du futur, l’évolution qu’elle entrevoit pour plusieurs professions d’aujourd’hui. L’auteure imagine, par exemple, les missions de l’enseignant du futur : inspirer les élèves, les aider à apprendre à apprendre, les amener à l’employabilité. Autre exemple, ” l’amplificateur de talents “, un métier dont Isabelle Rouhan définit les contours : cette nouvelle forme de coach devra ” accompagner des personnes ou des équipes dans l’atteinte d’un objectif portant sur l’amélioration des capacités et défini en concertation ” et se basera sur des plateformes type LinkedIn ou YouTube pour avoir un impact à grande échelle. L’auteure analyse aussi le profil et les compétences nécessaires de l’avocat ” augmenté ” qui ” s’appuiera sur les nouvelles technologies pour faire son travail plus efficacement et plus intelligemment (quantification des risques juridiques, justice prédictive, etc.) “. Autre métier en forte évolution : celui de manager. Pour l’auteur de l’ouvrage, celui-ci évoluera fortement puisqu’il devra s’appuyer sur les neurosciences pour ” adapter son style de management à chaque collaborateur ” et donc guider plus efficacement l’ensemble de l’équipe. Il devra connaître le fonctionnement du cerveau humain, une compétence totalement inédite à l’heure actuelle.

Des tas de métiers actuels devraient évoluer, soit façonnés par la technologie, soit pour s’adapter aux évolutions globales induites par le numérique. Car si tous les métiers d’aujourd’hui ne disparaîtront pas, tous subiront une profonde mutation.

3 questions à Isabelle Rouhan

Isabelle Rouhan
Isabelle Rouhan© pg

Isabelle Rouhan a fondé le cabinet de recrutement Colibri Talent et a écrit un livre, Les métiers du Futur, dans lequel elle a imaginé, de manière pragmatique et documentée, quelques-uns des métiers du futur.

1. Vous vous êtes lancée dans un exercice difficile puisque, par définition, on ignore tout des métiers qui n’existent pas encore…

Bien sûr, et je peux me tromper. Quand j’ai commencé dans le monde du travail, je n’aurais jamais pensé me faire engager un jour par Facebook, un réseau social qui n’existait même pas encore au début de ma carrière. C’est LA question : comment se préparer et se former à des métiers qui n’existent pas et à des technologies même pas encore imaginées. C’est là que l’on fait la distinction entre des soft et des hard skills. Les premiers relèvent du savoir-être et sont pérennes et permanents : on parle d’agilité, de capacité à apprendre à apprendre, etc. Il faut les développer car les seconds (les connaissances techniques) sont de plus en plus rapidement obsolètes. Aujourd’hui, ces hard skills sont parfois dépassés après 12 ou 18 mois…

2. Dans votre livre, vous insistez fortement sur les ” métiers avec des débouchés réels “. Qu’entendez-vous par-là ?

” Les métiers du Futur “, Isabelle Rouhan, éd. First, 2019, 266 p., 17 euros.© pg

J’ai fait attention de ne pas ” fumer ” de nouveaux métiers, je veux dire par là en inventer des farfelus. Parfois, certains imaginent des métiers qui ne mèneront en réalité pas à des emplois. Prenez les ” pilotes de drones ” : 7.500 pilotes diplômés sont enregistrés en France. Mais la majorité ne l’exerce pas en activité professionnelle et 60% d’entre eux volent même très peu. Ce n’est pas un métier du futur mais une compétence. Dans le livre, j’ai identifié trois types de transformation des métiers : l’évolution, la révolution et l’innovation radicale.

3. Imaginez-vous que certains métiers actuels pourraient connaître un regain ?

Oui. Par exemple, l’artisanat, que certains pensent dépassé, fera son grand retour. En réalité, c’est un secteur qui sera impacté positivement par l’évolution technologique. Il est non automatisable et le numérique lui ouvre de nouveaux marchés. L’artisanat a, aujourd’hui et dans le futur aussi, des débouchés plus grands. Les métiers de l’artisanat reviennent en grâce aussi au moment où ils se distinguent des biens de grande consommation.

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