Premium : un nom, plusieurs visages

Porsche Panamera 4 E -Hybrid

La Belgique est un pays riche. Au cours des deux derniers mois, BMW occupe la première palce en matière d’immatriculation des voitures particulières neuves. Une marque haut de gamme qui précède les marques généralistes, cela soulève des questions. Au cumul des neuf premiers mois de l’année, la marque bavaroise occupe la quatrième place sur le marché belge, suivie par Mercedes en cinquième position et par Audi à la septième place. Il convient cependant de signaler que, pour la première fois, les marques allemandes haut de gamme susmentionnées font moins bien que l’année précédente, alors que Jaguar, Land Rover et Volvo réalisent des progrès notables.

S oyons honnêtes : qui n’apprécie pas conduire une voiture luxueuse, à la fois dotée de tous les équipements modernes et respectueuse de l’environnement ? Les modèles répondant à cette définition appartiennent principalement aux marques les plus chères, lesquelles se définissent soit comme marques de luxe, soit comme marques premium. Il n’existe pas de définition précise de ce concept premium ni de ligne de démarcation claire pour savoir qui peut s’en réclamer ou non. Le premium présente de nombreux visages pour lesquels disposer d’un intérieur de haute qualité en cuir et en bois précieux ne suffit plus. L’épithète premium se mesure de plus en plus à l’aune des technologies innovantes embarquées et de l’expérience globale proposée pour laquelle la connectivité, la propulsion alternative et la conduite autonome deviennent les nouveaux prérequis. Le client attend de sa marque premium une offre de mobilité sur mesure tenant compte des évolutions sociétales, professionnelles et urbaines.

Premium : un nom, plusieurs visages

Qui, quoi, pourquoi ?

Quels critères une voiture premium devrait-elle respecter ? Pour commencer, elle doit être à la pointe de la technologie, offrir une finition de haute qualité et proposer les derniers systèmes d’assistance et d’infodivertissement. Elle doit également faire référence en matière de confort et de sécurité, disposer de suffisamment d’espace pour les passagers et leurs bagages et avoir de la prestance. Une voiture reste un symbole statutaire chargé d’émotion, bien plus visible qu’une villa privée et plus convaincante que le smartphone le plus sophistiqué ou la montre la plus chère.

Les valeurs établies du marché bénéficient d’une image de marque forte et de la reconnaissance du nom auprès du grand public. Mercedes en est le meilleur exemple. L’étoile possède une grande valeur symbolique, directement connectée à son passé glorieux. En règle générale, les nouveaux arrivants ont beaucoup de mal à acquérir ce statut de marque premium. Mais, avec l’aide des médias sociaux, rien n’est impossible. La transition du statut de marque de niche à celui de marque premium peut bénéficier d’un coup d’accélérateur. Tesla en est le meilleur exemple. La marque phare d’Elon Musk existe depuis moins de 15 ans et, l’année dernière, sa valeur boursière avait de quoi faire pâlir de jalousie les marques haut de gamme traditionnelles. Mais depuis, l’engouement s’est estompé et le constructeur américain a perdu pas mal de son crédit auprès de sa clientèle-cible. Avec des résultats exceptionnels au troisième trimestre, l’action de Tesla a progressé de manière inattendue de 38,5% en octobre. De quoi faire passer la capitalisation boursière de Tesla à 52,8 milliards d’euros, soit un milliard de plus que les 51,8 milliards d’euros de BMW.

BMW X5
BMW X5

Jaguar, Land Rover et Volvo ont opté pour une approche plus systématique reposant sur une réputation déjà établie et mettant plus l’accent sur des éléments novateurs tels que la propulsion alternative et le design. La question est maintenant de savoir si la marque française DS parviendra à puiser suffisamment de force et d’inspiration dans l’histoire de ces deux lettres mythiques pour réussir, elle aussi, une percée dans l’univers du premium. L’avenir le dira mais la relance avec la DS7 Crossback est déjà très prometteuse.

Le premium voit large

Pour consolider leur position et rester rentables, les marques haut de gamme traditionnelles ont élargi leur panel de modèles et même créé des marchés de niche. Cela n’a pas vraiment plu aux grandes marques généralistes qui, à leur tour, ont attaqué le bastion des marques haut de gamme en augmentant considérablement la qualité de leurs modèles, à l’instar de Volkswagen, ou en créant des startups dédiées au premium, comme Toyota l’a fait avec Lexus ou Nissan avec Infiniti. En Europe, cette stratégie n’a pas donné les résultats escomptés, mais elle a porté ses fruits aux États-Unis. Hyundai affirme avoir appris des erreurs de ses concurrents pour lancer, voici deux ans, sa nouvelle marque haut de gamme dénommée Genesis. Avec notre compatriote Luc Donckerwolke à la tête du design, la nouvelle venue mise sur le côté émotionnel pour séduire les salariés sud-coréens.

Volvo XC90
Volvo XC90

Les marques exclusives dans le rouge en Belgique

Si dans le cas des Audi, BMW, Jaguar, Land Rover, Mercedes ou Volvo, on parle de marques premium, pour Aston Martin, Bentley, Ferrari, McLaren, Lamborghini ou Rolls-Royce, on utilise plus volontiers l’adjectif exclusif, en raison d’un prix d’entrée particulièrement élevé. Inutile de chercher sous 175.000 euros (sans options) ! Et cela peut facilement atteindre le demi-million en fonction des desideratas du client. En principe, ces modèles répondent déjà aux moindres souhaits de leur conducteur. En pratique, chaque Bentley ou Rolls-Royce est unique. La voiture la plus chère du marché belge est la Bugatti Chiron, dont le prix dépasse 2 millions d’euros. Avec une facture pour la maintenance à l’avenant : comptez 25.000 euros pour un train de pneus et 20.000 euros pour une vidange. Pour la nouvelle Mercedes AMG Project One, vous devrez débourser quelque 2,3 millions d’euros. Les 275 exemplaires ayant été vendus avant même le début de la production, ils s’échangent déjà à des prix usuraires de 4 à 5 millions d’euros. On peut donc parler de réel investissement, mais cela ne s’applique certainement pas à tous les modèles d’une marque exclusive. Une Bentley ou une Rolls-Royce perd jusqu’à 50% de sa valeur catalogue après 5 ans, à moins qu’il ne s’agisse d’un exemplaire spécial ou d’une série limitée dûment identifiée.

Range Rover Velar First Edition
Range Rover Velar First Edition

Au cours des 25 dernières années, presque toutes les marques exclusives de voitures de luxe et de voitures de sport ont disparu du marché ou ont été rachetées par une marque de luxe ou une marque premium. Cela s’explique par les coûts d’investissement extrêmement élevés pour le développement de nouveaux modèles et de technologies innovantes. Il est impossible de les amortir sur un nombre limité d’exemplaires. Un grand groupe automobile peut recourir à des plates-formes, des technologies et des moteurs communs développés pour plusieurs marques. Ce partage génère une économie de temps et d’investissement. On retrouve par exemple le même V8 biturbo sous le capot de différents modèles Audi, Bentley, Lamborghini et Porsche. A la différence que le moteur de la Bentley Bentayga a une puissance de 550 ch contre 650 ch dans la Lamborghini Urus. Un peu de différence tout de même !

Mercedes-Benz GLC F-CELL
Mercedes-Benz GLC F-CELL© Daimler AG

Répartition des ventes par énergie
Répartition des ventes par énergie

Du diesel à l’essence

Les particuliers qui conduisent souvent en ville et parcourent moins de 15.000 km par an passent actuellement du diesel à l’essence. A juste titre. Avec les marques premium, traditionnellement caractérisées par une forte proportion de diesel, cette transition est moins spectaculaire. Cela tient au profil de leur clientèle : la grande majorité de ces conducteurs sont des chefs d’entreprise, des managers, des représentants de commerce ou de professions libérales qui effectuent souvent de longs trajets et, par conséquent, parcourent plus de 15.000 kilomètres par an. Les gestionnaires de flotte et les travailleurs indépendants sont moins enclins aux choix idéologiques. Ils continuent de regarder les chiffres et ceux-ci montrent toujours clairement que le diesel demeure économique. Avec la dernière génération de moteurs dotés de catalyseurs sophistiqués qui réduisent considérablement les émissions de NOx, le diesel est désormais plus respectueux de l’environnement. Pour illustrer cette stabilité du mix diesel-essence au sein des marques premium, vous trouverez ci-dessus un graphique qui montre l’évolution de la répartition par carburant dans les ventes de Mercedes sur les 5 dernières années.

Cette année, Mercedes a lancé trois nouveaux modèles respectueux de l’environnement : les S560e, E300e et E300de. La C300de suivra durant le premier semestre 2019. A partir de 2022, les clients Mercedes pourront choisir une motorisation alternative dans chaque segment. La porte-parole de Mercedes, Helen Van Nuffelen, estime qu’en 2025, 15 à 25% des véhicules vendus seront entièrement électriques. Cette proportion variera principalement en fonction de deux paramètres : le développement de l’infrastructure de recharge et les préférences du client. Mais dans le meilleur des cas, 75% des véhicules seront donc toujours alimentés par un moteur à combustion.

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Classement des marques automobiles en fonction de leur valeur boursière

En septembre, les ventes de voitures en Chine ont chuté de 12%. Si cette baisse se poursuit, cela peut avoir des conséquences dramatiques pour les marques premium européennes. Elles réalisent un quart de leurs ventes et de leurs bénéfices sur le marché chinois qui, avec 27 millions de voitures, est le plus grand marché du monde. Selon les analystes, la chute des ventes est liée à une nouvelle législation rendant plus difficile l’achat d’une voiture à crédit et aux résultats décevants des bourses de Shanghai et de Shenzen. De plus, il existe une grande incertitude quant à l’issue de la guerre commerciale avec les États-Unis.

Sans croissance en Chine, il n’y a pratiquement aucune croissance dans le monde pour les grands constructeurs. C’est pourquoi les analystes boursiers sont pessimistes quant à l’évolution des bénéfices des marques automobiles. Seuls Geely (+ 37%) et PSA (+ 23%) devraient bien tirer leur épingle du jeu cette année. Les mêmes analystes s’attendent à ce que le gouvernement chinois prenne des mesures fiscales pour stimuler les ventes de voitures. Cette perspective est une très bonne nouvelle pour Volkswagen, qui réalise 35% de son chiffre d’affaires en Chine et détient une part de marché de 17%.

Morgan Stanley a établi un classement des marques automobiles basé sur leur valeur boursière au 31 octobre 2018, en y joignant l’évolution des bénéfices attendue pour 2018.

Tesla ne figure pas dans ce classement pour la simple et bonne raison que son action fluctue dans toutes les directions, de manière aussi imprévisible que le comportement du principal actionnaire Elon Musk. Entretemps, les ventes vont dans la mauvaise direction. En Belgique, les ventes de Tesla ont chuté de 21,15% au cours des neuf premiers mois de l’année et même de 44,44% sur le seul mois d’octobre.

Jaguar I-PACE
Jaguar I-PACE
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