Régis Dandoy, politologue (ULB): “On a un peu de mal à identifier où se situe la loyauté de certains élus”

© PG/ M. ELLIS

Voir les partis s’adapter à une démographie changeante, c’est une bonne chose, estime le politologue. Mais ce n’est pas sans impact politique.

L’exclusion d’Emir Kir du PS met en lumière la place des élus d’origine étrangère dans les partis politiques. Sont-ils recrutés pour leurs convictions idéologiques ou pour leurs origines ?

A la fin des années 1990, les partis ont commencé à montrer clairement cette volonté d’intégrer sur leurs listes électorales des candidats représentant des communautés de personnes issues de l’immigration. Et c’est une très bonne chose de voir les partis s’adapter à une démographie changeante, singulièrement à Bruxelles. La vérification du background idéologique des candidats est toutefois passée au second plan par rapport à leurs origines. L’objectif est électoraliste, comme quand les partis accueillent des journalistes connus, des sportifs ou autres personnalités. Il y a toujours cette recherche d’un équilibre entre les personnes qui représentent l’idéologie et les valeurs du parti et celles qui peuvent potentiellement rapporter beaucoup de voix.

Il y a aussi ce que j’appellerais des candidats alibis. La présence de la ministre régionale Zuhal Demir ou de l’eurodéputée Assita Kanko n’infléchit pas la position de la N-VA mais elle sert clairement son image. Elle permet au parti de se profiler comme n’étant pas raciste, pas opposé à une plus grande prise de responsabilité par les femmes et même comme n’étant pas anti-francophone.

Les partis sont donc convaincus qu’une partie du vote sera communautaire. N’est-ce pas un aveu d’échec de l’intégration ?

Que des personnes issues de l’immigration soient élues et occupent des postes importants, c’est très sain pour la démocratie. Mais, effectivement, cette recherche de candidats représentant telle ou telle communauté atteste d’un problème d’intégration : ces personnes veulent voter pour des candidats qui leur ressemblent parce qu’elles ne se sentent pas bien représentées par les autres élus.

Quel impact a eu la présence d’élus issus de l’immigration sur la politique belge ?

L’impact est assez net sur le positionnement des partis sur des questions de société et d’organisation interne de la Belgique. On a pu le voir avec les fluctuations du cdH envers le port du voile (ou avec l’affaire du tract diffusé par Ecolo peu avant les dernières élections, Ndlr). Mais la présence de ces élus a rarement eu des implications sur la politique étrangère. Quand un député fédéral, susceptible d’interpeller le ministre des Affaires étrangères, entretient des liens avec un parti étranger, cela peut poser problème. Surtout s’il s’agit d’un parti qui s’est radicalisé comme celui d’Erdogan. On a un peu de mal à identifier où se situe la loyauté de certains élus : envers la nation belge ou envers leur communauté ? Si Emir Kir avait reçu une délégation d’un parti d’extrême droite belge ou français, cela aurait suscité le même malaise au PS. J’espère que cette affaire fera réfléchir les partis et qu’ils vérifieront un peu plus les antécédents de leurs candidats, leurs liens éventuels avec des partis d’autres pays. Electoralement, cela reste un enjeu. Le PS ne peut pas faire fi du vote communautaire et de la présence turque à Bruxelles s’il veut rester le premier parti de la capitale.

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