“Nous voulons être les champions de la transition écologique”
Actif à la fois dans la gestion de l’eau, de l’énergie et des déchets, le groupe Veolia se montre à la pointe dans le développement d’une économie circulaire en Belgique.
Au départ, le métier de Veolia, fondée en 1853 sous l’appellation de Compagnie générale des eaux, c’est la gestion de l’eau. Au fil des évolutions technologiques et écologiques, l’entreprise en est toutefois venue à s’occuper aussi d’énergie et de traitement des déchets. Pour expliquer les liens entre ces trois composantes, prenons l’exemple de la station d’épuration de Bruxelles-Nord, Aquiris, gérée par Veolia. Quelque 110 millions de m3 d’eaux usées y transitent chaque jour. Elles sont nettoyées en plusieurs étapes, avant d’être reversées dans la Senne.
Mais pourquoi rester cantonné dans le traitement de l’eau quand cette même eau peut aussi produire de l’énergie? L’opérateur s’est évidemment posé la question et a décidé d’installer une turbine afin de capter l’énergie des rejets d’eau et de la transformer en électricité pour les besoins de la station. Et ce n’est pas tout car, quand vous traitez les eaux usées, vous récupérez des boues d’épuration. Ce déchet est également valorisé en énergie: le méthane généré par leur fermentation alimente une unité de cogénération qui produit de l’électricité pour Aquiris et de la chaleur pour accélérer le séchage de ces boues. “Nous sommes en plein dans l’économie circulaire, se réjouit Nicolas Germond, administrateur délégué de Veolia BeLux. Nous sommes le seul acteur de niveau mondial à être actif à la fois dans la gestion de l’eau, de l’énergie et des déchets. Notre défi, c’est que ces trois composantes s’imbriquent au mieux les unes dans les autres pour faire de Veolia le champion de la transition écologique.”
Cela n’aurait pas beaucoup de sens de construire une énorme biomasse et d’aller chercher bien loin les déchets pour l’alimenter.
Veolia Belux réalise un chiffre d’affaires de 326 millions d’euros (chiffre 2019) dont seulement une trentaine proviennent de son premier métier, celui de la gestion de l’eau. Cela s’explique par le fait que dans notre pays, ce domaine ressort quasi exclusivement du secteur public. “Nous n’allons pas nous occuper de la distribution de l’eau, poursuit Nicolas Germond. Néanmoins, je pense que notre expertise pourrait être utile aux sociétés publiques, par exemple dans la détection des fuites de réseau. Les pertes avant compteur (après, le client s’en rend compte assez vite) sont trop souvent oubliées.” Le vrai potentiel de croissance pour Veolia, notre interlocuteur le voit plutôt du côté des entreprises privées. “La Belgique souffre d’un vrai stress hydrique, notamment dans le nord du pays, analyse-t-il. La capacité de développement de nombreuses sociétés industrielles est limitée par le volume d’eau qu’elles sont autorisées à tirer. Elles recherchent alors des solutions de réutilisation des eaux usées et cela offre des opportunités à un groupe comme le nôtre.”
Gérer des communautés d’énergie…
Les deux tiers du chiffre d’affaires de Veolia Belux proviennent du secteur de l’énergie. Le groupe n’est pas un fournisseur d’énergie mais un gestionnaire qui aide ses clients (hôpitaux, institutions européennes, grandes entreprises) à entretenir et, surtout, à optimiser leurs installations. Il peut suivre à distance, grâce à la solution digitale Hubgrade, la consommation de quelque 250 clients en Belgique et détecter rapidement toute anomalie. “Quand on parle de diminuer les émissions de CO2 liées aux bâtiments, on songe immédiatement à l’isolation, dit Nicolas Germond. Or, l’efficacité énergétique, c’est bien plus que cela. Les outils de contrôle à distance des installations ou le développement de communautés locales d’énergie peuvent y contribuer.” A retenir alors que les différents plans de relance prévoient des milliards d’investissements pour rendre le bâti plus “durable”…
L’idée est de mutualiser des installations afin de réduire la consommation globale. Veolia a ainsi mis en place plusieurs réseaux de chaleur, comme celui qui alimente les 250 logements du quartier résidentiel Bella Vita à Waterloo et qui fonctionne à partir de la combustion de pellets. “J’aimerais parvenir à convaincre les autorités locales de développer des communautés d’énergie dans les centres urbains, confie Nicolas Germond. Des bureaux, des hôtels, des logements, des commerces n’ont pas tous besoin de chauffage en même temps. En mutualisant les systèmes de chauffage et en les gérant de manière efficace, nous pourrions réduire considérablement l’empreinte carbone. Dans le sous-sol de Bruxelles, ce ne serait pas trop compliqué de faire passer les tuyaux de réseaux de chaleur ou de communautés d’énergie.”
… et des réseaux de chaleur
Si certaines institutions hésitent à plonger dans l’ère des communautés d’énergie, d’autres ont heureusement été pionnières. Veolia gère ainsi depuis 40 ans le réseau de chaleur de l’UCLouvain. Cet équipement va prendre une nouvelle direction avec le remplacement, annoncé pour 2023, de la chaufferie au gaz par de la biomasse. La nouvelle unité, implantée dans la sablière de Mont-Saint-Guibert, sera alimentée localement par le bois des déchets des recyparcs. Elle produira non seulement de la chaleur mais aussi de l’électricité, pour servir notamment les entreprises qui devraient s’installer sur le parc d’activités de la sablière. La même combinaison se retrouve au port d’Anvers où l’usine de biométhanisation de Veolia fournit l’électricité dont a besoin DP World, l’exploitant du terminal de conteneurs. La capacité du site sera bientôt portée de 75 à 90.000 tonnes de biodéchets. “La chaleur est utilisée pour sécher les ‘digestats’, qui pourront ensuite être utilisés comme fertilisants dans l’agriculture, précise Nicolas Germond. C’est en quelque sorte le retour à la terre des biodéchets. Nous sommes vraiment dans une optique d’économie circulaire et de réduction des émissions.”
Le souhait, aujourd’hui, est d’avancer dans la même direction à Bruxelles en construisant une usine de biométhanisation sur le site d’Aquiris. L’entreprise avance un double argument: d’une part, l’intérêt écologique de traiter sur place les déchets organiques (sac orange) plutôt que de les envoyer par camion dans des unités de traitement à Ypres ou Herstal ; d’autre part, la pertinence d’utiliser la cogénération dans une station d’épuration qui fonctionne 365 jours par an et a un besoin constant de chaleur pour sécher ses boues. Veolia discute avec les autorités bruxelloises dans l’espoir de pouvoir y construire une unité de traitement d’environ 30.000 tonnes de déchets. “Ce n’est pas une capacité énorme mais elle est suffisante pour assurer la rentabilité économique tout en restant alimentée localement, résume l’administrateur délégué. Cela n’aurait pas beaucoup de sens, du point de vue écologique, de construire une énorme biomasse et d’aller chercher bien loin les déchets pour l’alimenter.” Il serait en effet ridicule de dépenser sur les routes le CO2 économisé dans la production d’énergie…
La capacité de développement de nombreuses sociétés industrielles est limitée par le volume d’eau qu’elles sont autorisées à tirer.
L’avenir des déchets…
Faut-il le rappeler, Veolia a récemment amorcé une prise de contrôle de Suez, autre groupe français très actif dans le secteur des déchets. En Belgique, Suez est présent dans la collecte, le tri et le recyclage de déchets ( lire “Trends-Tendances” du 29 avril dernier) et présente donc a priori d’intéressantes complémentarités avec les activités de Veolia dans notre pays. “Nous sommes effectivement très peu en compétition en Belgique, c’est l’une de nos forces dans ce deal, analyse Nicolas Germont. L’ambition annoncée par notre président Antoine Frérot est que 1+1 fasse 4. Je pense qu’en Belgique, c’est parfaitement possible. Face à l’urgence écologique, nous avons besoin de tous les atouts en main.”
Chez Veolia, on est de toute façon convaincu que les déchets seront “les mines de demain” et que ces mines pourraient être particulièrement porteuses si des politiques intelligentes étaient développées en amont. “Les industriels devraient être incités à dessiner leurs produits de façon à faciliter le recyclage en fin de vie, estime Nicolas Germond. Faut-il vraiment colorer certains plastiques? Faut-il vraiment mêler papier et plastique dans les pots de yaourt? Des contraintes intelligentes, que ce soient des réglementations ou des taxes, peuvent conduire à ce que recycler coûte finalement moins cher que polluer. Nous devons trouver le bon équilibre car, une chose est sûre, il n’y a pas de planète B.”
… et de la qualité de l’air
Pour optimiser les consommations énergétiques, la technologie permet aujourd’hui d’aller plus loin que la mutualisation des équipements entre quelques acteurs. Il est désormais possible d’anticiper les déséquilibres de réseau entre l’offre et la demande d’électricité. Une nécessité de plus en plus cruciale à mesure que les énergies renouvelables, à la production par nature irrégulière, se développent. Pour répondre à ce défi, Veolia a intégré et développé la solution “Flexcity”, initiée par la société spécialisée Actility Energy. Cette solution permet, en cas de déséquilibre sur le réseau, soit d’injecter des capacités supplémentaires (par exemple les groupes de secours des hôpitaux), soit d’effacer temporairement – contre rémunération bien entendu – certaines consommations qui ne seraient pas absolument indispensables. “. La capacité d’agréger en temps réel des sites de plus en plus nombreux et de plus en plus petits est impérative si nous voulons avancer vers une production décarbonée, résume Nicolas Germond. C’est une activité avant tout digitale, tout est piloté à distance.”
Cette technologie de pilotage à distance pourrait bientôt être utilisée aussi pour contrôler la qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments et assurer un renouvellement suffisant. De quoi améliorer le bien-être des occupants mais aussi leur productivité. “La concentration de CO2 dans l’air ambiant réduit nos capacités cognitives, poursuit le patron de Veolia BeLux. Nous le voyons lors de réunions qui se prolongent ou dans les classes d’école, où les enfants s’assoupissent quand la pièce n’est pas suffisamment aérée. Nous travaillons donc en vue d’optimiser le renouvellement de l’air dans ces pièces. Cette tendance a été, vous en vous doutez, accélérée par le Covid-19.”
Performance plurielle
Le chiffre d’affaires, l’Ebitda ou le cash-flow demeurent évidemment des paramètres essentiels, mais ils ne sont pas les seuls sur lesquels Veolia souhaite que l’on évalue sa performance et celle de ses collaborateurs. Le groupe a en effet choisi de faire siens les 17 Objectifs de développement durable des Nations unies. Des éléments comme la réduction des émissions de CO2 ou la politique de diversité sont désormais pris en compte pour mesurer “la performance plurielle” de chacun.
“Nous sommes convaincus qu’il faut déboulonner Milton Friedman et le mythe selon lequel une entreprise n’existe que si elle dégage du profit pour ses actionnaires, estime Nicolas Germond. Une entreprise existe parce qu’elle est utile pour les différentes parties prenantes: les actionnaires bien sûr, mais aussi les salariés, les clients, la société en général et, nous le voyons bien aujourd’hui, la planète. Notre raison d’être, c’est de créer de la valeur pour toutes les parties prenantes.” Cette évolution a été largement validée par l’assemblée générale du groupe (pas de syndrome Danone) et les enquêtes internes montrent qu’elle est très largement partagée par les collaborateurs. Le taux d’adhésion des 2.300 travailleurs du groupe en Belgique serait de 85%. “Cela nous aide à attirer les talents, ajoute l’administrateur délégué de Veolia BeLux. Les jeunes diplômés n’ont pas envie de travailler pour une boîte qui pollue ou qui ne favorise pas la diversité.”
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