Philippe Ledent

Mesures de soutien: l’heure des choix

Philippe Ledent Senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

Concentrons-nous à présent sur la difficile transition qu’il va falloir assurer entre les mesures de soutien et les mesures de relance.

En 2020, face à la pandémie, de nombreuses mesures ont dû être prises dans l’urgence, d’abord sur le plan sanitaire, ensuite sur le plan économique. Dans ce dernier cas, il s’agissait d’empêcher tant que faire se peut que des entreprises ne tombent en raison de la crise sanitaire. Ceci appelait des mesures généralisées.

Arrêtons de polémiquer sur ce qui aurait pu être amélioré et concentrons-nous à présent sur la difficile transition qu’il va falloir assurer entre les mesures de soutien (qui devront probablement encore perdurer quelques mois) et les mesures de relance. Ce n’est pas toujours facile à accepter, mais cette dernière passe aussi par une évolution de notre économie, et donc du tissu économique. Rappelons à ce sujet que durant une année normale, la Belgique est frappée par quelque 10.000 faillites, mais aussi par au moins autant de créations d’entreprises. C’est ainsi qu’une économie trouve son chemin et évolue. En temps de crise, ce phénomène tend même à s’accélérer. Or, malgré les multiples contraintes et les nouvelles habitudes de consommation, le tissu économique s’est moins renouvelé cette année. Alors que six mois après le début de la crise financière, le nombre de faillites avait déjà augmenté de près de 10%, il s’est écrasé de plus de 25% en 2020. Encore une fois, le propos n’est pas ici de remettre en cause les mesures qui ont été prises, et en particulier le moratoire sur les faillites. Bien au contraire, ces mesures étaient justifiées dans l’urgence de la crise.

Concentrons-nous à présent sur la difficile transition qu’il va falloir assurer entre les mesures de soutien et les mesures de relance.

Ceci étant, il faudra bien reconnaître qu’il ne sera pas possible de figer le tissu économique encore longtemps, alors même que le choc subi incite à une accélération de la transformation de celui-ci. Dès lors, il faudra inévitablement cibler les mesures de soutien, concentrer les aides sur les secteurs empêchés d’exercer (et non pas en manque d’activité) et, à l’intérieur de chaque secteur, sur les entreprises qui en ont réellement besoin mais dont la viabilité a été mise à mal par les restrictions d’activité. Bien sûr, il n’est pas toujours facile de définir des critères objectifs pour un tel ciblage. Mais le moment est venu d’y réfléchir. C’est également important pour remettre les finances publiques sur une trajectoire soutenable. Les mesures générales coûtent énormément, dans un pays qui ne peut plus se permettre de gaspillage.

S’agissant de l’impact budgétaire des mesures de soutien, deux écoles s’affrontent néanmoins: d’un côté, on peut chercher à cibler les aides, pour utiliser au mieux les moyens disponibles. Mais il faut alors viser juste. D’un autre côté, on pourrait imaginer le maintien de mesures généralisées et très généreuses, tout en prévoyant de récupérer les aides inutilement perçues par des mesures de taxation temporaires et exceptionnelles, ciblant les éventuels bénéfices réalisés par les entreprises aidées. Comment en effet imaginer qu’une entreprise ayant sollicité des aides ou ayant eu recours massivement au chômage temporaire parvienne à dégager des bénéfices durant une année telle que 2020?

C’est plus facile à dire qu’à faire encore une fois. Il y aurait des cas particuliers, d’autres effets d’aubaine (réduction artificielle des bénéfices) ou des effets non désirés. Tout est une question d’équilibre encore une fois. Mais une chose est certaine, il faut engager cette transition et avoir un plan (cette fois-ci…).

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