Malades de longue durée: un scandale d’Etat, des réponses timorées

Olivier Mouton Journaliste

C’est, potentiellement, un scandale d’Etat. Et le révélateur d’un malaise profond au sein de notre économie. Quelque 500.000 travailleurs sont recensés dans la catégorie “malades de longue durée” en Belgique et aidés en tant que tels par la sécurité sociale. Un nombre désormais bien plus important que celui des chômeurs. En 2019, quand ils n’étaient alors “que” 439.572, le coût pour le budget de l’Etat s’élevait à plus de 21 milliards d’euros. Le sujet est d’autant plus préoccupant que ce nombre est en pleine explosion: en 10 ans, il a pratiquement doublé!

Les raisons de ce mal-être profond sont diverses. Il y a, d’une part, le report de réformes menées ailleurs: en oeuvrant à la réinsertion des chômeurs ou en limitant les possibilités de partir anticipativement à la retraite, on “aiguille” ces personnes vers une autre “voie de garage”. Il y a, d’autre part, un univers professionnel en mutation, marqué par les défis vertigineux de la digitalisation et de la transition énergétique. Cela met sous pression les travailleurs à qui l’on impose des adaptations profondes sans toujours donner les formations nécessaires. La pandémie a, qui plus est, amplifié la réflexion sur le sens du travail, surtout chez les jeunes. Un malaise s’installe durablement.

Ce projet est un compromis minimal conclu entre des socialistes et des libéraux qui peinent de plus en plus à s’entendre au sein de la Vivaldi.

Enfin, la fraude, en Belgique, est un sport national, y compris au niveau social. Des “effets d’aubaine” ont bel et bien lieu: des mises à l’écart rapides par des médecins “complaisants” au profit de travailleurs qui veulent lever le pied ou d’entreprises soucieuses de changer de casting face aux défis des temps nouveaux.

Le gouvernement fédéral d’Alexander De Croo veut tenter de stopper l’hémorragie. C’est, il est vrai, une sacrée épine budgétaire dans son pied et un écueil majeur sur le chemin d’un taux d’emploi à 80% en 2030 (il est aujourd’hui de 71%). Sa réforme prévoit un parcours de réintégration et des sanctions, tant pour les travailleurs concernés que pour les employeurs dans des entreprises où le nombre de malades de longue durée est trop important. Un millier de sociétés seraient concernées.

Trop peu, trop tard. S’il s’agit d’un pas bienvenu dans la bonne direction, le risque est réel de voir ces réponses inopérantes car trop timorées. Les sanctions (2,5% de perte d’indemnité pour le travailleur et 2,5% de majoration des cotisations patronales pour les employeurs) sont critiquées mais insuffisantes pour être efficaces. Le parcours de réintégration part d’une bonne intention mais pèche par trop de bureaucratie et manque de moyens. Ce projet est un compromis minimal conclu entre des socialistes et des libéraux qui peinent de plus en plus à s’entendre au sein de la Vivaldi.

Difficile de concilier les points de vue. “Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour mieux exploiter et découvrir les talents de chacun, souligne Monica De Jonghe, responsable du Centre de compétences emploi de la FEB. D’autant plus que les entreprises se trouvent dans une guerre des talents due aux pénuries actuelles sur le marché du travail.” Le patronat veut une “vaste réforme” qui stimule et responsabilise “effectivement”. On n’y est pas encore. “Les réformes positives proposées ne sont pas suffisantes pour faire face à ce défi énorme”, estime de son côté la CSC qui fustige les sanctions, qualifiées de “mesures de harcèlement .

Il faut pourtant oser agir vite et fort face à ce scandale national, à tous les niveaux. En redonnant du sens au mot “travail”. C’est une révolution culturelle qui est nécessaire.

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