Les taux bas spolient l’épargnant, mais que fait le PTB ?

Amid Faljaoui Rédacteur en chef de Trends-Tendances

Les taux d’intérêt à court terme vont rester bas, très bas, pendant encore un bout de temps en Europe. Pareille prévision n’est pas trop difficile à avancer et, d’ailleurs, elle a été confirmée au plus haut niveau jeudi dernier (6 juin 2019). En clair, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), a annoncé que son institution gardait non seulement ses taux à un niveau historiquement bas, mais qu’elle reportait de sept mois toute hausse. Les taux à court terme resteront donc anormalement et historiquement bas jusqu’en juin 2020.

C’est en soi un motif d’inquiétude car pareil statu quo signifie que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge de la crise. Souvenez-vous, pour nous sauver de la crise des subprimes qui avait éclaté en 2008, la BCE avait fixé ses taux d’intérêt à un niveau proche de 0% voire, plus tard, à un niveau négatif. Mais le plus étonnant dans la dernière déclaration du président de la BCE, c’est que certains économistes le soupçonnent de ne pas montrer son véritable jeu, un peu comme au poker.

Normal, sa déclaration est un véritable jeu d’équilibriste. D’un côté, il joue la carte de l’assurance et annonce qu’il reste confiant dans l’avenir de la zone euro. Il fait même allusion à la bonne résistance de l’économie européenne. Mais, de l’autre, il souffle le froid et précise qu’il reporte toute hausse des taux. Pire encore, le président de la BCE ajoute que certains de ses collègues à la banque centrale estiment qu’il faudrait sans doute les diminuer. Dire cela, quand on sait que ces taux sont à 0% ou négatifs, c’est affirmer en creux que l’économie ne peut se passer des béquilles monétaires.

En résumé, Mario Draghi a dit tout et son contraire le jeudi 6 juin dernier. Quoi de plus normal, clameront les plus cyniques : le président de la BCE est là pour rassurer. Il est payé pour savoir que les gouvernements sont eux-mêmes dans le brouillard le plus complet. Comment, par exemple, se projeter dans l’avenir lorsqu’un Donald Trump change d’avis comme il change de chemise, comme encore récemment avec le Mexique ? Bien entendu, l’incertitude économique n’est jamais bonne. Ni pour les gouvernements, ni pour les chefs d’entreprise. Mais en attendant de voir plus clair – si c’est le cas un jour – la seule certitude, c’est que les taux d’intérêt à court terme vont rester bas jusqu’en juin 2020.

Tant que nos Etats resteront à ce point endettés, les taux resteront bas. Très bas. En d’autres mots, pour payer en toute tranquillité notre dette publique, les Etats n’hésitent pas à spolier l’épargnant, à l’euthanasier.

Pour les épargnants, c’est une mauvaise nouvelle. Elle va les forcer à déserter leurs livrets d’épargne pour aller en Bourse chercher du rendement. Bref, ils devront prendre des risques qu’ils ne désirent pas prendre. Du moins, s’ils ne veulent pas voir leur épargne fondre comme neige au soleil. Mais ces taux bas sont aussi une calamité pour les banquiers. La raison ? Les institutions bancaires gagnent leur vie grâce à la différence d’intérêt entre nos dépôts et les placements qu’elles réalisent ensuite avec ces mêmes dépôts. Mais que faire quand l’écart des taux entre ces derniers et les placements est faible ou nul ? Bref, les taux bas empêchent les banques de gagner correctement leur vie.

L’autre danger des taux bas, c’est qu’ils contribuent à la formation de bulles spéculatives (actions, immobilier) dont l’éclatement s’apparente à une véritable arme de destruction massive. En attendant ces possibles lendemains qui déchantent, les seuls à être contents, ce sont les Etats. Normal, la plupart d’entre eux s’endettent à court terme. Des taux bas sont donc synonymes de bouée d’oxygène pour eux. C’est la situation idéale pour rembourser une dette publique colossale sans être étranglé par un loyer de l’argent trop élevé.

D’ailleurs, faut-il s’étonner de la pérennité de cette période d’argent gratuit ? La plupart des économistes l’ont répété à satiété : tant que nos Etats resteront à ce point endettés, les taux demeureront bas. Très bas. En d’autres mots, pour payer en toute tranquillité notre dette publique, les Etats n’hésitent pas à spolier l’épargnant, à l’euthanasier, comme disait Lord Keynes. C’est une solidarité forcée qui ne dit pas son nom. Mais que fait le PTB ?

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