Les secrets pour bien choisir un ceo

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Un mauvais CEO n’apporte jamais rien de bon. Et pourtant, les exemples sont légion. Citons la rotation des postes chez HP avant l’arrivée de Meg Whitman, chez Apple avant le second mandat de Steve Jobs et chez Yahoo au cours des 10 dernières années. A l’inverse, certaines affectations des plus étonnantes produisent d’excellents résultats. Tel a été le cas de Lou Gerstner chez IBM, d’Alan Mulally chez Ford et de Steve Jobs lors de son retour chez Apple.

D’après mon expérience, les membres d’un conseil d’administration capables de choisir un bon CEO passent par quatre étapes qui leur sont propres : ils travaillent d’arrache-pied pour définir les qualités essentielles pour réussir à ce poste ; ils font preuve d’ouverture quant aux antécédents du meilleur candidat ; ils envisagent toutes les possibilités pour savoir quel candidat est le plus opportun ; enfin, ils tolèrent certaines imperfections.

Trouver le pivot

Première étape pour dénicher la perle rare : analyser les exigences actuelles et futures du poste, et se concentrer sur les compétences stratégiques qui contribueront à l’essor ou à la chute de l’entreprise. Il ne s’agit pas de dresser une liste interminable de caractéristiques indispensables pour exercer la fonction de CEO, ni de privilégier une seule qualité. Il s’agit plutôt de deux ou trois compétences étroitement liées qui se révèlent nécessaires à la réussite du nouveau dirigeant. C’est précisément cela qui fera pencher la balance en faveur d’un candidat plutôt que d’un autre. C’est ce que j’appelle ” le pivot “.

Chaque situation est différente, et il en va de même pour le pivot de chaque poste de CEO. Il est important d’identifier le pivot de manière très précise, et de ne pas commettre d’erreur. Prenons le secteur de la distribution. Aujourd’hui, les distributeurs traditionnels ont besoin de dirigeants capables de monter au créneau de façon crédible pour rivaliser avec Jeff Bezos et Amazon. Leur pivot doit inclure la capacité à se concentrer sur l’expérience du consommateur, mais également une profonde connaissance des innovations numériques et l’aptitude à façonner l’environnement de distribution des fournisseurs et des services de livraison. A l’inverse, une entreprise de divertissement traditionnelle pourrait avoir besoin d’un CEO à même de s’orienter vers des services numériques, de mettre en place une équipe capable d’exploiter la diffusion en direct et les algorithmes au profit du succès de l’entreprise, tout en opérant les changements nécessaires au regard du personnel et des ressources.

Les membres du conseil d’administration qui parviennent à sélectionner le bon CEO abattent une immense charge de travail avant d’atteindre le pivot. Ils prennent le temps de bien comprendre les défis actuels de l’entreprise et l’évolution du contexte extérieur. Ils lisent les rapports d’analyse, s’entretiennent avec les spécialistes et consultent des experts externes afin d’élargir leurs connaissances. Ils élargissent et approfondissent leur analyse bien plus que ne le font d’ordinaire leurs homologues. Ils ne reculent pas devant les difficultés ou les contradictions. Ils les scrutent et en font ressortir les compétences et les capacités qui se révèlent essentielles, répétant l’opération autant de fois que nécessaire jusqu’à trouver la combinaison adéquate.

Prenons Tom Murphy, ancien CEO de Capital Cities/ABC, et feu Jim Burke, ex-CEO de Johnson & Johnson, qui ont désigné Lou Gerstner à la tête d’IBM en 1993. A cette époque, IBM était en chute libre, et le CEO sortant avait d’ores et déjà annoncé son démantèlement imminent. Durant un mois, Tom Murphy et Jim Burke ont rendu visite aux clients et ont consulté des spécialistes du secteur aux quatre coins du monde, afin d’appréhender leurs problèmes et de mieux comprendre ce qu’il se passait à l’extérieur de l’entreprise. Ce qu’ils ont appris les a convaincus que les problèmes de l’entreprise relevaient davantage de l’aspect commercial que de l’aspect technologique en lui-même. Ils n’ont pas pour autant écarté les candidats CEO issus du secteur de la technologie, mais ils ont réalisé que l’expérience dans ce domaine n’était pas ce qui importait le plus. Alors que la presse économique supputait le nom du technologue qui serait prochainement nommé, un article du New York Times titrait même : ” Help Wanted : Computer Skills a Must “. Pourtant, les dirigeants d’IBM sont allés voir ailleurs. Ils étaient en quête d’un pivot alliant un sens profond des affaires, le souci du client et la capacité de motiver et responsabiliser une grande entreprise.

Après moult tergiversations, ils se sont adressés à Lou Gerstner. Ce génie du marketing avait offert à American Express 10 années de croissance. Quelques semaines après avoir accepté le poste, Lou Gerstner a dressé la liste des problèmes chez IBM. L’activité principale n’était pas morte. La structure de coûts était saturée et les prix inadaptés, car l’entreprise ne disposait pas du personnel compétent pour les fixer. Toutefois, IBM ne devait pas être démantelée. Au contraire, l’entreprise avait même un avantage sur ses concurrents puisqu’elle était capable d’offrir à ses clients un ensemble complet de produits. Lou Gerstner a également compris qu’IBM devait se détourner de l’équipement informatique et davantage se concentrer sur les logiciels et les services, assurer la compatibilité avec les produits concurrents et réduire la bureaucratie de l’entreprise afin de permettre une meilleure exécution.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Au troisième trimestre de l’année 1993, l’entreprise est redevenue solvable. En 1994, le déficit de 8 milliards de dollars est passé à un bénéfice de 3 milliards. Son cours boursier a doublé en moins de trois ans. Les résultats de l’entreprise ont continué de s’améliorer au fil des ans. IBM a ainsi pris la tête du marché aux Etats-Unis et a redoré son blason dans le secteur technologique mondial.

La lucidité à l’égard du pivot a également aidé Apple à revenir dans la course après les quelques difficultés rencontrées durant les années 1990. Tout au long des 12 années qui ont suivi le départ de Steve Jobs, toute une série de produits commercialisés par l’entreprise ont connu un lancement catastrophique, ses parts de marché se réduisaient comme peau de chagrin et la faillite se profilait de plus en plus distinctement – tout ceci était la triste conséquence de trois mauvais choix de CEO. Ed Woolard, l’ancien CEO de DuPont qui avait pris les rênes d’Apple, a compris que le choix d’un nouveau CEO constituait la seule solution possible pour Apple. Il a donc commencé à réfléchir aux atouts indispensables pour la réussite à ce poste. L’entreprise avait une âme, et pouvait compter sur une marque exceptionnelle et sur de nombreux inconditionnels, malgré son déclin. Apple proposait des produits haut de gamme et assez chers. Les clients, quant à eux, adoraient leur facilité d’utilisation et leur design.

Ed Woolard avait trouvé le pivot : Apple avait besoin d’un CEO créatif, capable d’offrir le service unique que les clients attendaient. Il devait donc se montrer innovant et changer la donne. C’est alors qu’il pensa à Steve Jobs. L’homme était imprévisible, tout le monde le savait, et NeXt, l’autre société qu’il avait créée, battait de l’aile. Néanmoins, son troisième projet, Pixar, le pionnier du film d’animation, avait fait une entrée en Bourse remarquée.

Tout au long de la procédure, Ed Woolard est resté très proche de ses collègues du conseil d’administration. Il leur a communiqué les informations qu’il avait rassemblées sur la vitesse à laquelle l’entreprise périclitait. Pour finir, ils ont ensuite décidé de le soutenir et de remplacer le CEO de l’époque par Steve Jobs. Pour garantir une transition fluide, Ed Woolard est devenu le mentor de Jobs, à tel point que lorsque ce dernier téléphonait chez lui et que sa femme répondait, elle l’appelait en disant : ” Ed, c’est ton fils au téléphone ! ”

La suite, tout le monde la connaît. L’iPhone et l’iPad figurent désormais parmi les plus grandes innovations qui ont suivi, et Apple compte parmi les plus grandes entreprises au monde, notamment parce que son dirigeant avait compris le pivot.

Que se passe-t-il si l’on choisit le mauvais pivot ? Prenons l’expérience vécue par une grande agence immobilière chinoise. Son président était audacieux et nourrissait l’ambition de développer son agence rapidement. Il a acheté un grand nombre de terrains, au prix d’emprunts considérables, et y a construit des bureaux et des appartements à un rythme soutenu – tellement soutenu que le marché n’a pas suivi. La qualité n’était plus au rendez-vous, les stocks s’amoncelaient et la trésorerie ne cessait de diminuer. Entre-temps, des tensions naissaient entre la direction et les équipes sur le terrain.

Tout en cherchant à embaucher un CEO, le président campait sur ses positions et voulait à tout prix favoriser le développement de l’entreprise. Il a ainsi emprunté de grosses sommes à Hong Kong et a préparé la société à une entrée en Bourse dans les deux ans. Il a engagé un dirigeant expérimenté jouissant de contacts stratégiques à Hong Kong, qui a promis de lever les fonds nécessaires.

Quatre mois plus tard, bien évidemment, le CEO ne pouvait pas obtenir les fonds nécessaires. Par la même occasion, les problèmes internes n’avaient fait que s’aggraver. Le président a donc licencié le CEO et reconsidéré le pivot : l’entreprise avait besoin de quelqu’un capable d’écouler les stocks, de réduire les coûts et d’encourager les chefs de projet à même de collaborer avec la direction pour générer des liquidités. L’entrée en Bourse pouvait attendre. Peu de temps après, il a recruté un nouveau CEO qui, en quelques mois, a considérablement amélioré les opérations et a inversé la tendance en termes de trésorerie.

Garder un esprit ouvert

Lorsqu’il s’agit de préparer la liste finale des candidats susceptibles de correspondre au pivot, les membres compétents d’un conseil d’administration repartent à zéro. Ils savent que dans un monde où les entreprises évoluent à un rythme effréné, les besoins de l’entreprise peuvent évoluer rapidement, et que tous les candidats repris dans leur projet de succession pourraient d’un jour à l’autre ne plus convenir. Par conséquent, ils mettent de côté les favoris et font preuve d’ouverture. Ils combattent leurs hypothèses et préjugés intimes au fil de la sélection de deux ou trois candidats pour, à terme, parvenir à un choix final.

Evidemment, dans les entreprises qui prennent la planification successorale très au sérieux, les membres du conseil d’administration mettent un point d’honneur à connaître les grands dirigeants d’entreprise au fil du temps. Ils les observent lors des présentations devant le conseil, discutent avec eux lors des réceptions et des dîners, et participent parfois à des déplacements afin de voir la façon dont ces leaders travaillent avec leurs équipes. Au fur et à mesure, les membres du conseil ont leurs favoris, surtout s’ils ont formé l’un ou l’autre candidat à la succession. Ces liens psychologiques sont parfois difficiles à rompre.

J’ai vu des membres de conseils se forger une opinion (positive ou négative) sur une personne dès leur première rencontre et ne plus en changer, même lorsque de nombreuses preuves auraient pu les y pousser. J’en ai vu un autre défendre bec et ongles un individu à qui une compétence pourtant essentielle faisait clairement défaut, car il avait été impressionné par la précision des présentations de cette personne devant le conseil un peu plus tôt.

Les meilleurs sélectionneurs privilégient l’objectivité lorsqu’ils passent les candidats en revue. Ils ne considèrent pas les favoris ou les recommandations du CEO comme des évidences. En outre, ils ne présupposent pas de la supériorité d’une recrue interne ou externe par rapport à une autre. Nombre de conseils d’administration font appel à des chasseurs de têtes pour ajouter quelques candidats extérieurs à la liste finale, ne fût-ce que par souci de diligence. Lorsqu’ils envisagent les recrues externes, les sélectionneurs les plus astucieux ne se laissent pas influencer outre mesure par la popularité d’un candidat ou par l’aura d’une société prestigieuse pour laquelle il aurait travaillé.

Ivan Seidenberg, l’ancien CEO de Verizon et qui a été membre de plus d’une demi-douzaine de conseils d’administration, dont BlackRock, Boston Properties, Honeywell et Wyeth, est passé maître dans la sélection de CEO. La tendance actuelle, constate-t-il, consiste à penser que seul un candidat extérieur est capable d’assurer le travail d’un CEO. D’après mon expérience, certains membres de conseils vont à contre-courant et préfèrent les recrues internes. Ivan Seidenberg évite quant à lui de formuler de telles conclusions hâtives. Proche de la retraite, il a fait en sorte de fournir au conseil d’administration toutes les informations utiles sur les quelques leaders qu’il considérait comme les meilleurs candidats. ” Je voulais avant tout offrir au conseil plusieurs options, m’a-t-il dit dernièrement, afin qu’il puisse décider en toute sérénité s’il fallait ou non aller voir ailleurs. ”

D’aucuns considèrent que les leaders doivent être directement subordonnés au CEO pour être dans la course. Pourtant, les meilleurs sélectionneurs veulent voir plus loin et considérer les managers occupant un poste inférieur. Particulièrement à l’ère numérique, les années d’expérience importent moins qu’auparavant. Elles peuvent même se révéler être un frein au changement. Nombreux sont les exemples de dirigeants de moins de 35 ans qui ont développé leurs compétences de leadership au même rythme que leur entreprise : de Michael Dell à Bill Gates en passant par Mark Zuckerberg et Larry Page. Frank D’Souza, l’homme qui a propulsé Cognizant, avait 38 ans lorsqu’il a hérité du poste de CEO.

Trouver la perle

Au terme de la sélection, chacun des candidats aura été passé au crible et pourra dès lors représenter un leader potentiel accompli. Les sélectionneurs avertis réfléchissent plus loin que le commun des mortels, en vue de mesurer chaque candidat à l’aune du pivot. Ils définissent ainsi un schéma aussi exhaustif que précis de chacun afin de trouver non pas le meilleur leader, mais celui qui conviendra le mieux.

Si les entretiens entre les membres du conseil et les derniers candidats sont semblables dans la plupart des entreprises, j’ai pu constater une grande diversité dans la profondeur des discussions. C’est la méthode adoptée par le comité de sélection d’une grande compagnie d’assurances du Midwest qui se révèle la plus précise d’après mon expérience. Une fois le pivot défini, deux candidats internes et trois candidats externes ont été choisis pour la phase finale. Les six membres du comité ont alors aménagé un week-end complet pour effectuer les entretiens. Ils ont formé deux équipes et chacune d’entre elles a interrogé tour à tour le candidat pendant une heure et demie.

Les membres de l’équipe en discutaient à l’issue de chaque entretien, et vers la fin du week-end, les avis ont été mis en commun. Chaque équipe avait privilégié une thématique distincte mais, étonnamment, elles sont parvenues aux mêmes conclusions. Les membres du conseil trouvaient qu’un candidat extérieur faisait preuve d’imagination dans ses idées pour ouvrir l’entreprise à de nouveaux horizons, mais émettaient des doutes quant à sa capacité à les réaliser. Un autre était globalement rompu à la croissance par le rachat, quoiqu’il n’ait aucune expérience en termes de croissance organique.

Plus les membres du comité de sélection passaient en revue les candidats, moins ils étaient certains d’en trouver un capable de mener l’entreprise vers les sommets. Ils cherchaient un leader à même de conquérir de nouveaux marchés, mais la méthode utilisée pour les entretiens leur a permis de comprendre qu’il était possible de grandir au sein même de leur secteur d’activité. A la fin du week-end, le comité avait rejeté tous les candidats, même les postulants internes que certains membres du comité avaient soutenus au départ. Ils avaient également redéfini le pivot. Le chasseur de têtes de l’entreprise s’est alors remis au travail et a recommandé deux nouveaux candidats extérieurs. Le comité a réitéré l’expérience et un nouveau postulant est sorti du lot. Une fois le choix approuvé par le conseil d’administration, le nouveau CEO a obtenu d’excellents résultats.

Le contrôle des références revêt également une importance particulière, et les meilleurs sélectionneurs s’adonnent à cet exercice. Jack Krol, l’ex-CEO de DuPont, qui a participé au recrutement de plus d’une douzaine de CEO, aime particulièrement rencontrer les gens qui ont dirigé les candidats pour leur demander quels résultats ils ont obtenus et dans quelle mesure ils ont contribué au développement de leurs collègues. Les membres de conseils trop superficiels et trop vite impressionnés par des éléments tels que les facultés de communication, la vivacité et la ” présence ” ne tireront pratiquement aucun profit de ces conversations. En revanche, les membres de conseils perspicaces poseront des questions qui vont au-delà des banalités pour se concentrer sur ce que le candidat a véritablement réalisé et dans quelles conditions.

Prévoir l’imperfection

Chaque CEO a son talon d’Achille. Le processus de sélection révélera forcément les faiblesses et les lacunes des candidats. Les sélectionneurs les plus clairvoyants toléreront les imperfections d’un candidat au moment de prendre leur décision. En effet, le compromis est inévitable. Ainsi, nombre de CEO ayant travaillé dans les domaines de la stratégie, de la planification ou de la finance présentent quelques faiblesses en matière de compétences humaines ou opérationnelles. En revanche, les leaders spécialisés dans la technologie numérique peuvent présenter quelques lacunes dans le domaine financier.

Lorsque les membres du conseil de l’une des plus grandes entreprises technologiques au monde se sont mis en quête d’un nouveau CEO, ils ont passé au crible 20 candidats pour n’en garder que deux : une recrue interne qui maîtrisait la technologie et avait dirigé avec succès un service responsable des pertes et profits, et un CEO pouvant se targuer d’un palmarès exceptionnel au sein de deux entreprises non technologiques. Cependant, deux questions subsistaient : s’ils choisissaient le CEO, ce dernier aurait-il l’expertise et l’intuition nécessaires pour prendre des décisions technologiques radicales ? S’ils optaient pour la recrue interne, qui n’avait aucune expérience en tant que directeur général, serait-il capable d’assumer cette fonction plus vaste ? Les membres du conseil ont fait le pari que ce dernier candidat apprendrait sur le tas. Et à ce jour, leur choix s’est avéré payant.

Un autre conseil d’administration était convaincu d’avoir déniché son prochain CEO, mais ses membres savaient également qu’il risquait de surpayer les acquisitions. Toutefois, ils ont considéré qu’ils pouvaient le tolérer. Ensuite, lorsqu’en sa qualité de CEO, il proposa un rachat important, l’un des membres du conseil le persuada d’abandonner cette perspective, à moins qu’il ne réduise considérablement son prix. Dans une autre entreprise encore, le choix s’est porté sur un CEO sans doute trop laxiste. Les membres du conseil d’administration allaient donc devoir le pousser de temps à autre. Ces conseils ont privilégié le pivot avant tout, et leur choix a été le bon.

Parfois, les lacunes peuvent être facilement comblées. J’ai connu certains membres de conseils qui proposaient de confier le CEO à un coach, ou d’engager un directeur d’exploitation, voire un expert en relations gouvernementales. Les sociétés de capital-risque telles qu’Andreessen Horowitz sont réputées pour accroître les compétences de leur CEO en les mettant en relation avec des personnes susceptibles de leur apporter une aide précieuse au regard du modèle organisationnel ou commercial. Les sociétés de capital-risque font tout ce qui est en leur pouvoir pour la réussite de leur CEO.

Chez Delphi, en 2009, cette méthode a permis de sauver le CEO, et probablement l’entreprise avec lui. Un nouveau groupe d’investisseurs s’est présenté au moment où la société commençait à sortir la tête de l’eau. Le conseil d’administration venait d’être refondé afin d’y inclure des dirigeants indépendants et des représentants de fonds spéculatifs. Jack Krol, l’ex-CEO de DuPont, se souvient qu’après son entrée en fonction à son nouveau poste de membre du conseil, les fonds spéculatifs lui ont signifié qu’il devrait licencier le CEO qui, selon eux, ne communiquait pas convenablement avec Wall Street.

Jack Krol pensait qu’il fallait d’abord tenir compte des besoins de l’entreprise pour élire un nouveau CEO. Les relations avec les investisseurs étaient certes importantes, mais la transformation interne l’était tout autant. Selon lui, le pivot était l’excellence opérationnelle, l’intérêt pour la technologie, la capacité à travailler avec les équipementiers étant donné que Delphi élargissait sa clientèle et mobilisait de plus en plus de personnel.

Les membres du conseil se sont enfin mis d’accord sur le pivot, et ont jugé que le CEO actuel disposait de toutes les compétences requises. Toutefois, qu’en était-il de ses lacunes ? Ils les ont comblées en engageant un puissant directeur financier, et la synergie s’est révélée efficace. Les résultats du CEO jusqu’à son départ en retraite en 2015 ont été tout bonnement exceptionnels. Cette entreprise qui a connu les pires difficultés représente désormais l’un des plus importants fournisseurs dans le secteur de la technologie automobile, et travaille pour les plus grands équipementiers. Par ailleurs, elle peut se targuer de produire à des coûts défiant toute concurrence et de jouir de résultats financiers exceptionnels. En tentant de combler les lacunes, le conseil d’administration a visé dans le mille.

Choisir les responsables des recherches adéquats

Si le choix d’un CEO incombe à l’ensemble du conseil d’administration, désigner la personne responsable du processus constitue une étape fondamentale. Si vous choisissez les mauvaises personnes, préparez-vous à rencontrer des difficultés. Privilégiez ceux qui ont conquis la confiance et le respect de leurs collègues. Souvent, il s’agira d’un directeur de comité ou de conseil, d’un directeur principal, voire d’un ancien CEO dont le sens aigu des affaires et les valeurs très fortes ne sont plus à démontrer. Leur gestion des recherches semble toute naturelle, et leurs collègues devraient le voir d’un bon oeil.

Les autres membres du conseil représentent un gage d’objectivité grâce à leurs questions et commentaires, et tout bon leader y sera favorable. Le CEO en fonction a également un rôle à jouer dans la mesure où il constituera un groupe de dirigeants dans lequel le conseil fera son choix, et où il aidera les dirigeants à mieux se connaître eux-mêmes ainsi que l’entreprise.

Tout processus de sélection d’un CEO comporte un risque, et les résultats tardent souvent à apparaître. Toutefois, en se concentrant sur le pivot, sans privilégier les favoris, et en tentant d’appréhender dans les moindres détails les atouts des candidats en tolérant leurs lacunes, les décideurs pourront éviter les erreurs les plus fréquentes et accroître leurs chances de prendre une décision qui marquera l’histoire de l’entreprise.

Ram Charan est conseiller d’entreprises auprès de CEO et de conseils d’administration. Il est membre de plusieurs conseils d’administration et est l’auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, dont ” Boards That Lead “.

HARVARD BUSINESS REVIEW/NEW YORK TIMES SYNDICATE

Les meilleurs sélectionneurs considèrent aussi les managers occupant un poste inférieur.

Particulièrement à l’ère numérique, les années d’expérience importent moins qu’auparavant. Elles peuvent même se révéler être un frein au changement.

L’enjeu n’est pas de trouver le meilleur leader mais celui qui conviendrait le mieux.

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