Les espoirs de Thalys

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Malgré les zones orange où il est déconseillé de voyager, les trains vers la France, les Pays-Bas et l’Allemagne remontent en fréquence. Thalys a entrepris un plan d’économie et ne renonce pas à sa fusion avec Eurostar. Celle-ci pourrait même contribuer à plus d’efficacité. En attendant, le train profite de la disgrâce des vols courts intra-européens.

Auparavant, Thalys avait habituellement une idée claire du remplissage des trains plus d’un mois avant leur départ. Tout cela s’est envolé avec les incertitudes liées au Covid-19. A la mi-juillet, le transporteur n’avait aucune idée de la fréquentation de ses trains pour août. “Depuis la crise du Covid, les passagers réservent surtout dans les 15 derniers jours avant le voyage”, se désole Bertrand Gosselin, directeur général de Thalys.

La tendance aux réservations tardives, qui s’observe aussi chez Brussels Airlines, tient aux circonstances changeantes crées par la crise du coronavirus. Le statut de zone orange attribué depuis le 28 juillet par le SPF Affaires étrangères pour l’Ile-de-France (y compris Paris), puis pour certaines provinces des Pays-Bas, n’arrange rien. De quoi semer l’incertitude pour des marchés et des destinations clefs pour Thalys.

Les voyageurs venant de zones orange sont invités à se faire tester et à se mettre en quatorzaine pour deux semaines. Sauf si la zone vire entretemps au rouge, ce qui entraîne l’interdiction d’y voyager, hors déplacements essentiels. Thalys s’efforce malgré tout de conserver son plan de transport afin de ne pas trop perturber sa clientèle ( voir le tableau intitulé “Un retour progressif à la normale”).

Une perte de 86 millions d’euros

Le service Thalys, qui comptait plus de 20 trains entre Bruxelles et Paris en temps normal, plus un à deux trains low cost quotidiens “Izy” Bruxelles-Paris, s’était réduit à un seul aller-retour pendant le confinement. “Depuis le 12 juillet, notre offre représente 50% de l’offre habituelle et devrait atteindre 60% jusqu’à la fin de l’année”, précise Bertrand Gosselin.

L’objectif est de limiter au maximum les dégâts au second semestre. Dans ses résultats du premier semestre 2020, la SNCF a annoncé un recul du chiffre d’affaires de 152 millions d’euros pour Thalys et de 340 millions d’euros pour Eurostar, avec des pertes respectives de 86 et 207 millions d’euros à l’Ebitda (résultat avant amortissements, impôts et taxes).

Thalys, qui relie la France, la Belgique, les Pays-Bas et quelques villes allemandes (Cologne, Dortmund), est organisé par une société de droit belge, THI Factory, qui appartient à 60% à la SNCF et à 40% à la SNCB. En 2019, THI Factory avait annoncé des ventes pour 551,6 millions d’euros et un bénéfice net de 36,4 millions.

Le service a repris progressivement : cinq allers-retours Paris-Bruxelles à partir du 9 juin, sept à partir du 12 juillet et il passera à 11 à la date du 30 août. Le train low cost Izy a été remis en service le week-end dernier. En revanche, les trains d’été, les Thalys Soleil vers Bordeaux et le sud de la France, n’ont pas été remis en service, ni ceux vers Marne-la-Vallée ou Roissy Charles de Gaulle.

7,85 millions de voyageurs en 2019, mais…

Les chances de récupérer rapidement la fréquentation de 2019 (7,85 millions de passagers) sont maigres, même si le taux de fréquentation revient. Les rames Thalys et Izy sont remplies à 50-60%, bien moins que le taux habituel.

Thalys met systématiquement en service des double rames alors qu’en temps normal, l’offre est modulée selon la demande, tantôt avec des rames simples, tantôt avec des rames doubles. Cela signifie qu’il y a toujours plus de 700 sièges disponibles. La rame Izy, qui est une ancienne rame Eurostar, compte 750 places. Compte tenu du niveau d’occupation moyen, cela permet de mieux distancier les passagers, même si le port du masque obligatoire n’oblige pas Thalys à garantir la distance sociale de 1,5 m. Thalys a effectivement suivi la même approche que ses actionnaires, la SNCF et la SNCB. Les rames sont aussi désinfectées avant chaque trajet.

Le transporteur, qui connaissait une croissance de 6% l’an, va traverser une longue période de récupération. “Nous espérons revenir au niveau de 2019 en 2022, estime Bertrand Gosselin. Avec un reprise assez lente cette année, voire très lente, et plus rapide en 2021.” Toutes les rames du parc, qui en compte 28, ne sont pas mobilisées.

Un plan d’économie de 100 millions d’euros

“Nous avons mis en place un plan d’économie. On a revu nos investissements, nos dépenses de fonctionnement, pris des mesures sociales, en faisant tout pour éviter des licenciements collectifs et maintenir un maximum de personnel dans l’entreprise. On va chercher 100 millions d’euros dans les 18 mois qui viennent”, continue le directeur général de Thalys.

L’entreprise a bien sûr utilisé le mécanisme du chômage temporaire, en France comme en Belgique, et va réduire son effectif de 50 postes, sur un total de 650. “Cette réduction se fait par non remplacement des départs et par gel des recrutements. Nous n’avons pas forcément à licencier.” Les actionnaires n’ont pas réinjecté de fonds, mais les dividendes de 34 millions d’euros qui devaient être versés à la SNCF et la SNCB resteront chez THI Factory.

Les espoirs de Thalys
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La crise a retardé la rénovation des rames Thalys. Auparavant, le transporteur avait déjà renoncé à renouveler son parc comme l’avait fait Eurostar, mais avait lancé une révision en profondeur des rames et un réaménagement intérieur pour leur donner une nouvelle vie. Ce plan est maintenu malgré le Covid-19. Les rames ont été mises en service entre 1995 et 1997 mais peuvent, comme les avions, servir au moins 30 ans. La première rame rénovée, dont l’intérieur est conçu par Axel Enthoven (Yellow Window, Anvers), devait arriver au printemps. Ce moment a été reporté à la mi-novembre. La rénovation de la totalité des rames prendra quatre à cinq ans.

Le Covid-19 n’a pas non plus remis en cause la fusion entre Eurostar et Thalys, annoncée en septembre 2019, toujours prévue en 2021. “Le projet a été confirmé par nos actionnaires”, avance Bertrand Gosselin, même si les discussions entre les deux opérateurs sont restées en stand-by durant le confinement. La SNCF avait donné un nom très environnemental à ce rapprochement : “Green Speed”.

Anticiper sur la fusion avec Eurostar

La crise a même redonné de la vigueur au projet, car les interventions des pouvoirs publics nationaux dans certaines compagnies aériennes sont parfois subordonnées à l’arrêt des liaisons courtes au profit du train, surtout chez Air France. “Nous pensons que la tendance au transfert modal, notamment des vols court-courriers vers le train, pourrait nous profiter”, espère le directeur général de Thalys.

Un rapprochement devrait produire des économies bienvenues. Le document sur le résultats du premier semestre de la SNCF parle même d’une “restructuration des filiales Eurostar et Thalys, en anticipation de Green Speed, ainsi que des entités d’offre internationales, afin de renforcer la résilience des business models de l’activité en Europe”. Le projet Green Speed reste toutefois subordonné à un accord de la Commission européenne. Le dossier n’a pas encore été déposé auprès de l’institution.

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