Les 7 ingrédients étonnants des vaccins

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Huile de foie de requin, extrait d’écorce d’arbre plurimillénaire, sang de limule… Autant d’ingrédients aux origines méconnues du grand public qui servent à fabriquer des vaccins, dont certains contre le Covid. Alors que les campagnes de vaccination vont désormais bon train, les besoins sont tels que certaines ONG s’inquiètent pour la pérennité des espèces utilisées.

1. Les sels d’aluminium

En usage depuis: 1926

Terminologie scientifique: hydroxyde d’aluminium, phosphate d’aluminium et sulfate d’aluminium

En 1922, le vétérinaire et immunologiste français Gaston Ramon découvre un peu par hasard le pouvoir dopant du tapioca sur l’efficacité du vaccin antidiphtérique. C’est le début de l’essor des adjuvants, considérés actuellement comme un élément déterminant de la qualité de l’immunisation. En 1926, c’est au tour de l’immunologiste britannique Alexander Thomas Glenny, du laboratoire Wellcome de recherches en physiologie, de constater l’effet booster d’un sel d’aluminium sur la vaccination de cochons d’Inde, toujours contre la diphtérie, sans en comprendre les rouages. Mais en un siècle, cette famille de produits issus de la chimie s’est imposée comme la principale source d’adjuvants, malgré la controverse sur d’éventuelles conséquences neurologiques du vaccin contre la coqueluche au Royaume-Uni dans les années 1970. Parmi les vaccins anti-Covid, celui du chinois Sinovac comporte de l’hydroxyde d’aluminium.

Avec les progrès de la génétique, la découverte de nouveaux adjuvants devient plus scientifique et moins accidentelle.

2. Le sang de limule

En usage depuis: 1977

Terminologie scientifique: lysat d’amébocyte de limule

Le sang de la limule est précieux. Il permet à cet arthropode aux 10 yeux de combattre toute infection bactérienne. On en extrait le lysat d’amébocyte de limule, qui a été largement adopté depuis 1977 dans la production de vaccins et autres injectables pour vérifier leur innocuité. Afin de prévenir la disparition de ces animaux marins également appelés ” crabes fer à cheval “, les biologistes ont développé une méthode de prélèvement partiel. Le suisse Lonza assure en utiliser des quantités ” minimes ” pour le vaccin anti-Covid de Moderna. A court terme, la limule devrait être épargnée par la généralisation de l’usage d’un facteur C recombinant de synthèse déjà validé en 2018 par la Food And Drug Administration pour un médicament de l’américain Lilly. En charge de la définition de standards de qualité dans la santé et l’alimentaire, l’association scientifique à but non lucratif USP travaille depuis mai sur l’adoption de cette alternative pour les vaccins anti- Covid. En Europe, elle est recommandée depuis le 1er janvier 2021.

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3. L’huile de foie de requin

En usage depuis: 1997

Terminologie scientifique: squalène

L’huile de foie de requin est particulièrement riche en squalène, l’un des composants des adjuvants des vaccins anti-Covid de GSK, de Seqirus et Clover Biopharmaceuticals. Soupçonné d’être à l’origine de handicaps chez les vétérans de la guerre du Golfe vaccinés contre l’anthrax, le squalène a depuis été innocenté, ces vaccins n’en contenant pas une goutte. Utilisée depuis 1997 dans les injections contre la grippe du laboratoire Chiron (propriété aujourd’hui de GSK), cette matière est également présente à l’état naturel chez l’humain et chez plusieurs espèces animales et végétales comme l’olive ou la canne à sucre, mais à des concentrations beaucoup plus faibles. L’appétit décuplé de l’industrie pour le squalène inquiète l’organisation de défense des requins Shark Allies. Et ce d’autant qu'” aucune alternative synthétique n’est actuellement disponible “, observe Jon Cuccui, professeur associé de microbiologie moléculaire à la London School of Hygiene and Tropical Medicine.

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4. L’écorce de quillaja

En usage depuis: 2017

Terminologie scientifique: saponine

Extraite de l’écorce du quillaja, utilisé de longue date par les Mapuches des Andes pour fabriquer du savon, la saponine agit comme un stimulant de l’immunité, et permet du coup de réduire la quantité d’antigène utilisée dans un vaccin. Observée dès 1925, cette activité n’a toutefois fait l’objet d’études sérieuses qu’à partir de 1964. En 2017, cette substance a participé au succès de Shingrix, le vaccin de GSK contre le zona. L’américain Novavax l’a adoptée pour son vaccin contre le Covid bientôt en demande d’homologation. Résultat, la demande de saponine explose, alors que cet arbre à feuilles persistantes, qui pousse essentiellement dans la partie centrale du Chili, subit déjà depuis plusieurs années les conséquences de son exploitation (pharmacie, produits détergents, cosmétiques, ébénisterie etc.) comme du dérèglement climatique. Le Chili a prévu d’en planter en masse, mais ces promesses suffiront-elles à préserver à long terme une espèce vieille de 20 millions d’années?

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5. Les nanoparticules de graisses

En usage depuis: 2018

Terminologie scientifique: LNP

Appliquée pour la première fois dans le traitement génétique d’une maladie rare en 2018 (avec l’Onpattro), la solution de nanoparticules de lipides (LNP) s’impose pour protéger des enzymes les instructions génétiques du vaccin anti-Covid de Pfizer-BioNTech comme de Moderna et les acheminer à bon port au sein des cellules du système immunitaire. Une belle récompense pour les pionniers qui étudient ces corps gras depuis une trentaine d’années, tels Pieter Cullis de l’université de Colombie britannique. ” Le LNP est la norme pour l’ARN messager “, explique Stefan Randl d’Evonik, le groupe chimique allemand impliqué dans l’élaboration d’un de ces complexes pour le Covid avec l’expertise de son antenne de Vancouver.

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6. Les queues de salmonelle

Usage: en développement

Terminologie scientifique: flagelline

Avec les progrès de la génétique, la découverte de nouveaux adjuvants devient plus scientifique et moins accidentelle que dans les années 1920 à 1950. Des études sont menées actuellement sur la flagelline, une pro- téine présente dans la queue – ou flagelle – de certaines bactéries comme les salmonelles (qu’on trouve notamment dans les oeufs), utile à la propulsion de ces micro-organismes. On peut la produire en détachant la queue des bactéries ou en la cultivant dans des cellules génétiquement modifiées. Si l’ajout de cette protéine n’est pas encore autorisé pour la vaccination humaine, les essais sont prometteurs. Cette nouvelle génération d’adjuvants serait susceptible de faciliter l’administration par voie muqueuse des vaccins – et non par voie intraveineuse ou musculaire.

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7. Les fantômes bactériens

Usage: en développement

Terminologie scientifique: Escherichia coli

Les fantômes bactériens constituent une autre piste de stimulation de la réponse immunitaire. En fait de fantômes, il s’agit d’enveloppes de bactéries vidées de leur contenu par des méthodes biologiques ou chimiques pour n’en conserver que la membrane cellulaire. Très commun dans l’intestin humain, l’Escherichia coli ou E. coli est l’un des micro-organismes les plus employés dans les recherches menées depuis les années 1990 sur des applications non seulement vaccinales mais également médicamenteuses type antibiothérapie ou oncologie. Ces techniques sont susceptibles d’améliorer à la fois l’efficacité et la sécurité des vaccins inactivés en transférant directement les antigènes des vaccins dans les cellules du système immunitaire. Aucune des indications possibles n’est encore commercialisée.

20 millions d’années

La présence sur Terre du quillaja, dont l’écorce produit de la saponine.

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