Le village autonome, c’est du passé

© Debby Termonia

” Non, vivre en ville n’est pas obligatoire “, selon le constructeur de logements Matexi. Pourvu que nous réussissions à renforcer les centres de nos villages. Mais les villages de Flandre-Occidentale sont-ils prêts et équipés pour ce genre de transformation ?

Dans le débat concernant les endroits où nous allons vivre à l’avenir et les zones encore bâtissables, nous accordons beaucoup trop d’importance aux deux extrêmes. C’est la métropole contre la campagne, le développement urbain contre le parcellisation. ” Wouter Coucke, directeur de l’acquisition et du développement chez Matexi, développeur de quartiers, regrette la polarisation de la couverture médiatique du plan Stop au béton et du Mobiscore (un indicateur qui détermine si le logement est bien situé en termes de mobilité). Il estime que la ville et la campagne se font trop volontiers la guerre. Parallèlement, nous avons tellement tendance à fermer les yeux que la Flandre est devenu un véritable patchwork de petites villes et de grandes communes. ” Nombre de ces petites villes disposent d’un bon niveau d’infrastructures, affirme Wouter Coucke. En Flandre-Occidentale, je pense à des villes comme Roulers, Tielt, Izegem ou Waregem. Ce sont des endroits qui n’atteignent pas toujours les Mobiscores les plus élevés, mais qui offrent néanmoins un large éventail d’infrastructures à leurs résidents. Il n’y a vraiment rien de mal à aller vivre à Waregem. ”

Les projections démographiques flamandes freinent toutefois quelque peu l’enthousiasme envers la densification.

Depuis cinq ans, Matexi utilise son propre outil pour déterminer si un site est éligible à une nouvelle construction immobilière : le baromètre de quartier. ” Nous répertorions les infrastructures et les possibilités de mobilité présentes dans chaque quartier, explique Wouter Coucke. Sur la base du score de cet emplacement, nous déterminons si le site est intéressant ou non. Mais nous utilisons également notre baromètre de quartier pour optimiser certains projets. Supposons que notre baromètre de quartier indique qu’il n’y a pas de crèche à proximité immédiate de la zone du projet. Nous envisagerons alors d’en inclure une dans le programme de développement du nouveau quartier. Sur le plan financier, ce n’est pas intéressant pour nous – un espace de vente au détail nous rapporterait plus – mais nous préférons renforcer le quartier. De plus, cela ajoute un atout à la vente des habitations et aide à créer un soutien pour le projet parmi les responsables politiques du quartier et de la région. ”

Densification et transformation des villages

Selon Matexi, les communes bien situées, en périphérie des villes, offrent encore de nombreuses possibilités de logement intéressantes. Frederik Van Damme, directeur commercial régional pour la Flandre-Orientale et la Flandre-Occidentale, donne l’exemple d’Oostkamp. Dans cette commune voisine de Bruges, Matexi est en train de construire le nouveau quartier résidentiel Fabiolalaan. La première phase assurera la construction de 125 habitations, avec un mélange d’habitations semi-ouvertes et fermées. Le centre-ville d’Oostkamp est accessible à pied. ” Cette proximité du centre du village a convaincu beaucoup de nos acquéreurs, déclare Frederik Van Damme. Le fait de pouvoir se rendre à la boulangerie ou à la bibliothèque à pied ou à vélo plaît aux gens. Tout comme la bonne accessibilité de Bruges. Une nouvelle piste cyclable sera construite afin que vous puissiez rejoindre la gare de Bruges en 15 minutes à vélo. Oostkamp est très convoité par les habitants de Flandre-Occidentale qui apprécient l’atmosphère et l’échelle réduite d’un village, mais refusent de s’installer au milieu de nulle part. ”

Wouter Coucke souligne que le quartier résidentiel de Fabiolalaan s’inscrit parfaitement dans le cadre du plan d’aménagement du territoire de la Région flamande. ” C’est un bon exemple de renforcement de centre de village dans un endroit où le nombre de jonctions est élevé, dit-il. Disperser des projets de construction aux quatre coins du pays n’est pas envisageable. Cela diminuerait le nombre d’espaces verts et ne contribuerait nullement à animer les centres des villages. Nous sommes d’accord avec cette affirmation de l’architecte du gouvernement flamand. Densifier les plus petits villages protégerait cette ceinture verte et offrirait également plus d’opportunités pour garantir un niveau d’infrastructures suffisamment élevé. Une condition préalable à cela est, bien entendu, que le gouvernement investisse efficacement dans l’infrastructure de la région. Quand ce sera le cas, nous ne devrons pas tous nécessairement vivre en ville. ”

La Flandre-Occidentale, avec ses villes et villages de toutes tailles, est bien équipée. Mais tous les villages sont-ils admissibles au renforcement de leur centre ? Les projections démographiques flamandes freinent toutefois quelque peu l’enthousiasme envers la densification. Par exemple, dans un rapport récent, le service des statistiques note que la plupart des communes dont la croissance démographique est faible ou négative sont situées dans les provinces de Flandre-Occidentale et du Limbourg. A Lo-Reninge, Poperinge et Heuvelland, Statistiek Vlaanderen prévoit un déclin de la population entre 2018 et 2028.

Frédéric Rasier, partenaire du bureau d’études Maat-ontwerpers, estime que le renforcement des centres de village offre des opportunités pour les villages (de Flandre-Occidentale), mais met également en garde contre des paysages trop idylliques et des attentes irréalistes. ” Il y a de moins en moins de villages autonomes en Flandre, déplore-t-il. La plupart de nos villages étaient des villages agricoles. Les agriculteurs pouvaient organiser toute leur vie dans leurs villages, adaptés et structurés de façon à respecter le paysage et les activités agricoles. ” En raison de l’industrialisation et de la tertiarisation de notre économie, cette dynamique de proximité a largement disparu, affirme Frédéric Rasier. Et cela soulève des questions sur la façon dont nous devrions organiser la vie dans ces villages aujourd’hui. ” Les gens ne travaillent plus dans le village où ils vivent, poursuit l’expert. Les infrastructures disparaissent et d’autres besoins apparaissent. On ne peut pas toujours résoudre ce problème au sein de chaque village. Cela nécessite une approche dans un réseau de communes et de villes reliées entre elles. ”

OOSTKAMP. Le nouveau projet résidentiel Fabiolalaan, développé parMatexi, est situé non loin du centre  du village, un critère primordial pour les acquéreurs.
OOSTKAMP. Le nouveau projet résidentiel Fabiolalaan, développé parMatexi, est situé non loin du centre du village, un critère primordial pour les acquéreurs.© Debby Termonia

En 2017, Maat-ontwerpers a été chargé par le département Ruimte Vlaanderen (responsable de l’aménagement du territoire) de réaliser une étude sur le renforcement des villages. Le bureau a identifié quatre types de villages. Un premier type est le village périurbain : ” des villages de second rang par rapport aux grands ou petits centres-villes ” ; les communes de la périphérie de Bruges comme Jabbeke, Zedelgem et Oostkamp en sont quelques exemples. Le deuxième groupe est celui des villages de services : ” des centres où il existe un niveau minimum de soutien pour les infrastructures (…) et où l’accès aux infrastructures est garanti ” ; l’étude mentionne la région située entre Roulers et Courtrai, avec Moorslede et Lendelede comme exemples. Le village névralgique est le troisième type : il s’agit de villages ” ayant un taux de jonction élevé dans leur offre de transports en commun ” ; l’étude se réfère, entre autres, à la région frontalière entre Bruges et Gand. Enfin, il y a les villages paysagers : ” des centres dont la valeur et la qualité sont fortement influencées par le paysage environnant ” ; en Flandre-Occidentale, vous trouverez un certain nombre de ces villages, en particulier dans le Westhoek.

” Ces types de villages sont très caricaturés, souligne Frédéric Rasier. Ils ne font que regrouper des caractéristiques communes, mais la réalité n’est jamais aussi manichéenne. Et il est primordial de prendre la dynamique de chaque village en compte. ” Selon Maat-Ontwerpers, les communes sont souvent axées sur la croissance, en partie pour des raisons financières. La question se pose de savoir s’il s’agit là de la bonne stratégie à adopter en tout temps et en tout lieu. Y-a-t-il une réelle pression sur le marché du logement ? Si oui, est-elle responsable de la densification ? Filip Buyse, également partenaire chez Maat-ontwerpers, souligne que la réflexion sur la densification des villages ne doit pas se réduire à la recherche d’habitants supplémentaires : ” Une stratégie de densification implique souvent plus d’habitants et donc le choix d’accroître le dynamisme. Toutefois, cela n’est pas toujours nécessaire ou souhaitable. Mais on peut aussi transformer un village par densification. En conservant le même nombre de ménages, mais en adaptant le cadre de vie à un nouveau contexte. Pensez aux lotissements où la population vieillit et où le nombre de ménages constitués de personnes isolées est croissant. Est-il logique, en tant que commune, de construire un nouveau lotissement, sachant que certaines des habitations de l’ancien lotissement deviendront éventuellement vacantes ? Il serait peut-être plus intéressant d’adapter l’offre existante à cette évolution démographique. En plus de renforcer les qualités existantes du village – sa structure, son identité, son paysage, etc. – l’ancien lotissement pourrait être restructuré ou même faire place à plus de verdure. ”

Filip Buyse donne aussi l’exemple de Heuvelland. Un village paysager typique avec une population en déclin. ” Le renforcement de son centre ne passera pas par la croissance démographique, explique-t-il. Il n’est pas non plus question d’organiser l’accès parfait par transports en commun. Et il ne sera certainement pas facile de maintenir le niveau des infrastructures à un niveau élevé. Une réorientation est donc nécessaire en tant que commune. La région attire déjà quelques touristes. C’est là-dessus qu’il faut se concentrer. ”

Manifestations de riverains et perte de valeur

S’il existe encore des possibilités de densification dans les villages périurbains et les villages de services, et dans une moindre mesure également dans les villages névralgiques, cela ne signifie pas que ces villages ont toujours besoin d’habitations supplémentaires. Les promoteurs et les constructeurs se heurtent souvent à de la résistance lorsqu’ils présentent leurs plans. Celle-ci vient à la fois des autorités communales et des résidents locaux, reconnaît Wouter Coucke. ” Le problème est qu’en Flandre, nous n’avons pas de règles objectives pour déterminer la densité souhaitée. De plus, une densité légèrement plus élevée est souvent associée à des problèmes. Si vous parlez d’une soixantaine d’habitations par hectare, les villageois s’imaginent plongés dans l’apocalypse de la banlieue parisienne. Le Groen Kwartier d’Anvers a une densité de 60 unités résidentielles par hectare. Et personne n’oserait le qualifier de quartier à problèmes. ”

La crainte de nombreux villageois est que la densification soit synonyme d’urbanisation. Frédéric Rasier constate à cet égard que de nombreux projets (de densification) dans les villages flamands tiennent également trop peu compte du contexte villageois. ” Si vous traversez les centres des communes flamandes en voiture, force est de constater que les paysages caractéristiques de la ville – comme ses immeubles et d’autres formes d’habitation compactes – sont littéralement reproduites dans les villages. Pour les urbanistes, il s’agit d’un nouveau défi à relever. Nous devrions être en mesure d’élaborer une typologie de logement plus rurale. Et je ne parle pas seulement de volume, mais aussi, par exemple, de l’organisation du rez-de-chaussée et des espaces extérieurs. ”

Filip Buyse ajoute qu’il y a encore de nombreux projets en cours de développement qui sont fortement axés sur eux-mêmes : ” Les gens du coin ont l’impression qu’ils ne vont rien y gagner. Ils ont le sentiment de vivre dans un cadre magnifique – ce qui est souvent une utopie étant donné que leur vue du paysage est souvent obstruée par une haie ou une clôture – et qui risque d’être gâché par un nouveau projet de construction. Les manifestations NIMBY ( not in my backyard) sont souvent motivées par la peur de voir chuter la valeur des logements existants. Si, en tant que développeur de projet, vous pouvez lier un renforcement du cadre de vie à votre projet, alors le résident local en verra également les bénéfices. Après tout, particulièrement dans les villages, la préservation de la valeur des habitations sera dans une large mesure déterminée par la qualité de l’environnement. “

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content