Le promoteur immobilier bruxellois Eaglestone veut jouer dans la cour des grands
Une décennie de succès pour Eaglestone. Le promoteur et investisseur immobilier bruxellois entend toutefois encore accélérer la cadence et doubler la valeur du groupe d’ici 2024. Sa stratégie d’expansion à l’étranger sera son principal moteur de croissance.
Des chiffres à donner le tournis. Quand il quitte en 2012 son poste de CEO du conseiller en immobilier CBRE pour concrétiser son vieux rêve de développeur immobilier, Nicolas Orts est bien loin de se douter qu’une décennie plus tard, il serait à la tête d’un groupe engrangeant 400 millions de chiffres d’affaires et qu’il piloterait 83 projets en cours de développement (550.000 m2), pour une valeur d’exit de 1,5 milliard. Il faut dire que l’homme a flairé les bons coups. Et surtout, qu’il a su bien s’entourer.
L’affaire ne coulait pourtant pas de source. Quand il prend la direction d’Eaglestone, petite société de développement immobilier créée à l’origine pour faire fructifier les liquidités de la famille Robert (Therabel, active dans le pharma), il a entre les mains un portefeuille de projets de 50 millions d’euros. Et dans les poches, une petit part de l’actionnariat. “En 2013, nous avons lancé deux projets de reconversion au bord du canal, à Bruxelles, qui ont été de vraies réussites, se souvient Nicolas Orts. Cela a fait décoller la société. Nautilus et Atlantis, qui comprenaient au total 282 appartements, ont d’ailleurs été des développements précurseurs dans ce quartier. D’autres promoteurs sont arrivés par la suite.” Les projets vont alors s’enchaîner, que ce soit à Namur, Woluwe-Saint-Lambert (surtout), Ixelles, Waterloo ou dans le quartier européen. Toujours sur deux segments: bureau et résidentiel. En 2015, Eaglestone étend ses activités au Luxembourg, une machine à cash qui va dynamiser sa croissance. Un an plus tard, Nicolas Orts retrouve son vieux comparse Gaétan Clermont qui a lancé un volet investissement à côté de celui dédié au développement. De quoi faire entrer Eaglestone dans une autre dimension. “Cela nous a permis de prendre des positions intéressantes qui pouvaient, dans certains cas, être redéveloppées trois à quatre ans plus tard, relève Gaétan Clermont, aujourd’hui co-CEO. Cette combinaison mêlant développement et investissement au sein d’un même groupe est un levier de croissance indéniable. Nous avons évolué d’une petite société de promotion à une vraie machine industrielle.”
Un binôme inséparable
Un quart de siècle à se côtoyer, de près ou de loin. Nicolas Orts (54 ans) et Gaétan Clermont (50 ans) forment l’un des seuls binômes actifs dans les hautes sphères du monde immobilier belge. Leur longévité n’en est que plus étonnante. ” Et en plus, croyez-le ou non, on ne s’est jamais engueulés”, sourit Nicolas Orts.
Leurs parcours respectifs sont en fait assez linéaires. Le premier sort de l’Ichec, l’autre de Solvay. Le premier fait un peu de développement chez Blaton, l’autre débute sa carrière à la banque Indosuez. Le duo se découvre chez le courtier DTZ. Avant de s’associer en 1999, pour ne plus vraiment se quitter. Ils relèvent le pari – un peu fou, croit-on alors dans le milieu – de relancer l’antenne belge de CB Richard Ellis. Amaury de Crombrugghe (aujourd’hui CIO chez AG Real Estate) complète le trio. Le succès est rapidement au rendez- vous et CBRE taille des croupières aux grands acteurs du secteur (JLL, Cushman & Wakefield, King Sturge, etc.). S’en suit une expansion au Luxembourg et en Suisse. En 2012, Gaétan Clermont rachète les parts de son associé, avant de se retirer à son tour en 2016. “On se connaît par coeur, lance ce dernier. En outre, nous sommes de bons amis. Si nous sommes différents, on partage la même vision et les mêmes ambitions. Toutes les grandes décisions sont prises à deux. Et puis, nous avons chacun notre domaine d’action, ce qui fait qu’on se croise finalement assez peu, ce qui n’est parfois pas plus mal… ( sourire)”
Londres et le Portugal dans le viseur
L’actionnariat se partage aujourd’hui entre trois acteurs: Treborasset (35%), la Compagnie Bois Sauvage (30%) et la paire Orts-Clermont (35%). Avec un groupe désormais actif dans trois pays suite au rachat en 2020 d’Interconstruction (France), un important développeur parisien implanté en Ile-de-France depuis 50 ans. Et son expansion européenne est loin d’être terminée. “Le succès d’Interconstruction nous pousse à poursuivre dans
cette voie, analyse Gaétan Clermont, qui déménagera d’ici peu avec ses équipes dans les étages supérieurs de l’IT Tower, avenue Louise. Notre expansion passera par le rachat de sociétés. Nous étudions des possibilités en Grande-Bretagne et au Portugal. L’objectif est vraiment de construire une stratégie européenne diversifiée.”
Il faut dire que l’arrivée d’Eaglestone sur le marché français a fait passer ses comptes et rapports annuels à une autre échelle puisque s’y concentrent désormais 60% de ses projets. Près de 1.000 appartements y sont vendus chaque année. “Et les perspectives de développement sont énormes, que ce soit sur le marché parisien ou dans le reste de la France, relève Nicolas Orts. Au Luxembourg, le dynamisme et l’attractivité ne sont plus à démontrer. On y développe 11 projets pour le moment. Tout le contraire de la Belgique, où les contraintes pour développer un projet sont de plus en plus nombreuses. Il faut constater que le message des promoteurs ne passe pas auprès des politiques.” Une stratégie qui gonfle en tout cas les ambitions. Eaglestone annonce vouloir doubler son Ebitda (53 millions) d’ici trois ans, et doubler également la valeur du groupe pour devenir une licorne (valorisation de plus d’un milliard). “Est-ce trop ambitieux, se demande Nicolas Orts. En trois ans, nous avons multiplié par 10 notre chiffre d’affaires. La croissance ne nous fait pas peur. Nous sommes soutenus par des actionnaires solides. L’arrivée de Bois Sauvage a été un tournant majeur, nous apportant une solidité financière et de nouvelles perspectives. Nous disposons de fonds importants pour investir. Tout est réuni pour continuer à développer des projets de qualité.”
Tendre vers la vente en bloc
Si Eaglestone veut poursuivre sur ses fondamentaux, il entend clairement aussi innover dans certains domaines. “La vente en bloc d’appartements à des investisseurs est clairement une stratégie que nous voulons accélérer, observe Gaétan Clermont. Le principe est très développé en France, où nous l’avons pratiqué pour notre écoquartier Courbevoie vendu à CDC Invest Immobilier et à La Française (393 unités). Il arrive en Belgique. J’y crois beaucoup. Je suis convaincu que ce type de vente deviendra d’ici peu plus intéressant financièrement que la vente à l’unité.”
Parmi les autres nouveautés, Eaglestone annonce avoir loué un bloc de 66 appartements de son projet Twin Falls (Woluwe-Saint-Lambert) à Colonies, spécialiste français du coliving – une transaction d’une telle ampleur sur ce segment est une première en Belgique. Le promoteur compte également s’intéresser à l’immobilier exploité. Il vient d’ailleurs de prendre une participation dans Smartflats, qui possède 150 appart-hôtels dans cinq villes belges. “Je suis vraiment convaincu que cet immobilier exploité sera à l’avenir générateur de valeur, relève Nicolas Orts. C’est un créneau que nous allons explorer et qui contribue à notre stratégie d’explorer de nouveaux marchés.”
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