Le Libra n’est pas encore né qu’on évoque déjà sa mort

Amid Faljaoui Rédacteur en chef de Trends-Tendances

La marque Facebook n’est pas au mieux de sa forme ces jours-ci. Des doutes ? Gardez en tête deux faits importants. Le premier, c’est le classement des marques mondiales réalisé par Interbrand. Il vient d’être dévoilé la semaine dernière et Facebook a reculé pour la deuxième année de suite dans ce classement. Le réseau social mondial est aujourd’hui à la 14e place des marques les plus rentables, loin derrière Apple et Google qui continuent d’occuper les deux premières places.

Et la deuxième raison qui doit probablement aussi chagriner Mark Zuckerberg, le jeune fondateur de Facebook, c’est la défection de Visa et MasterCard de son projet de monnaie virtuelle. En juin dernier, Facebook avait annoncé la mise sur pied prochaine d’une nouvelle monnaie virtuelle : le Libra. Pour y arriver, Facebook avait réussi à convaincre 27 sociétés de renom à la rejoindre dans ce projet. Mais la défection récente de Visa et MasterCard et de cinq autres sociétés (dont PayPal et Booking) jette le doute sur la viabilité du Libra. Faute de mieux, j’utilise ici le terme de monnaie virtuelle car le projet reste encore flou à l’heure actuelle et même les spécialistes parlent ” d’objet financier non identifié “.

Pour Mark Zuckerberg, le Libra n’est pas une option, mais une question de survie à long terme.

En revanche, ce qui est certain, c’est que ce projet est rejeté par la plupart des gouvernements occidentaux et par toutes les banques centrales, sans oublier des institutions comme le FMI. Officiellement, si toutes ces belles âmes veulent réglementer le Libra, c’est pour protéger les consommateurs. Vous et moi donc. Je vous vois déjà esquisser un sourire. A raison. Ne serait-ce que parce que les mêmes gardiens de notre patrimoine ajoutent que c’est aussi pour éviter que cette monnaie ne serve à blanchir de l’argent ou à financer le terrorisme. Diantre ! Palsambleu ! En réalité, les lecteurs de Trends-Tendances savent que dès qu’on leur parle de terrorisme ou de lutte contre l’argent noir, c’est que cela cache souvent d’autres raisons moins avouables.

L’une d’elles, c’est que le pouvoir de battre monnaie appartient aux Etats. Au fil des siècles, ce pouvoir est devenu leur dernière forme de souveraineté et les Etats ne veulent pas l’abdiquer au profit d’une multinationale américaine. Surtout qu’avec ses 2,4 milliards d’utilisateurs/clients/consommateurs, Facebook peut réellement envisager de concurrencer les Etats. Pas aujourd’hui, mais demain ou après-demain quand le Libra sera devenu aussi naturel que respirer l’air.

L’autre raison qui inquiète les gouvernements, c’est que le Libra -s’il a du succès- pourrait provoquer une migration des clients vers un ou plusieurs réseaux mondiaux de cryptomonnaies stables. Bref, ” si les consommateurs et les entreprises réduisent leurs dépôts dans les banques commerciales au profit de portefeuilles virtuels, cela pourrait diminuer les sources de fonds stables pour les banques “, note Lael Brainard, membre de la Fed, la banque centrale américaine. En clair, le Libra est un danger pour l’existence même des banques commerciales.

Pas étonnant dès lors de voir Visa et MasterCard déserter ce projet. Après tout, Visa et MasterCard appartiennent à un consortium bancaire. Et donc, pas question de déshabiller Paul pour habiller Pierre. Mais attention : Facebook ne s’avoue pas encore vaincu. D’abord, le premier réseau social a les moyens financiers d’attendre des jours meilleurs. Ensuite, pour Mark Zuckerberg, le Libra n’est pas une option, mais une question de survie à long terme. Aujourd’hui, 98% du chiffre d’affaires de Facebook est généré par la publicité, une forte dépendance qui commence à déplaire à Wall Street. Le Libra sera donc là pour permettre à Facebook de se diversifier et de générer de nouvelles lignes de revenus. Le Libra vacille mais n’est pas encore mort.

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