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Climat: “Le déni officiel australien”

Pendant que les abominables incendies ravageant l’Australie font la une de la presse internationale, le monde entier s’interroge : pourquoi ces nouvelles semblent-elles laisser indifférents les Australiens eux-mêmes, étant reléguées dans leurs propres journaux, loin dans les pages intérieures ?

Le Premier ministre, Scott Morrison, relativise : il a toujours fait chaud l’été dans son pays et les feux de brousse ont toujours accompagné la chaleur. Ce qu’il faut expliquer pour lui, c’est l’hystérie de la jeunesse sur cette histoire d’incendies. Deux facteurs jouent à son avis : l’impétuosité naturelle des jeunes, qui les pousse à l’exagération, et le fait que n’ayant pas encore vécu très longtemps, ils ignorent que les feux de brousse ont toujours existé en Australie.

Or, Scott Morrison ignore le facteur d’échelle : il n’y a pas encore eu, de mémoire d’homme, d’incendie pareil à celui en cours, où un milliard d’animaux sauvages sont déjà morts. Il ignore aussi la carte des températures où, si l’on peut voir des années exceptionnellement chaudes comme 1914, 1928, 1988, 1992 et 1998, elles se succèdent maintenant sans discontinuer depuis 2013.

Naïveté de la part du Premier ministre australien ? Ou mauvaise foi justifiée par la peur de pertes d’emplois dans le secteur charbonnier et de la production de gaz en Australie, grand pollueur et émetteur de gaz à effet de serre causant le réchauffement climatique ? M. James Murdoch, fils de Rupert Murdoch, magnat de la presse australienne, à la tête de 70% des journaux publiés là-bas, n’y va pas, lui, par quatre chemins : pour lui, News Corp., l’empire de presse de son père, ment délibérément.

De manière générale, les analyses ne manquent pas de mettre le doigt sur le comment et le pourquoi du déni en matière de réchauffement climatique, le plus souvent en termes de ” gauche ” et de ” droite “, laissant bien des aspects incompris.

Comme le plus souvent en matière d’êtres humains, une interprétation en types psychologiques a la capacité d’aller plus loin qu’en termes politiques. Contentons-nous de deux grands types : la personnalité rigide et la personnalité souple. La personnalité rigide interprète le monde comme noir ou blanc et est composée de deux camps farouchement opposés. Pour elle, comme au temps des dieux antiques, le monde ne bouge que parce que des volontés en décident. La personnalité souple voit de nombreuses nuances de gris entre le blanc et le noir et distingue un éventail d’opinions. Pour elle, il existe des entités collectives, comme les structures sociales ou les cycles naturels.

La personnalité rigide est fièrement attachée à l’argent et à la recherche du profit. Pour elle, le camp des bons est celui du monde des affaires, le camp des méchants, celui des individus qui s’en prennent à lui, l’Etat en particulier, et tous ceux préconisant que celui-ci intervienne davantage, ce qui est le cas des environnementalistes. Pourquoi semble-t-elle entretenir une hostilité de principe envers le point de vue scientifique ? Primo, parce que les scientifiques revendiquent la neutralité et qu’elle ne croit pas en la neutralité : à ses yeux, chacun poursuit son intérêt égoïste et celui qui affirme le contraire est un menteur. Secundo, parce que les scientifiques disent la même chose que les environnementalistes.

Or, le mouvement est inverse, bien entendu : ce sont les environnementalistes qui s’alignent sur le point de vue des scientifiques. Mais ce n’est pas ainsi que la personnalité rigide le voit : pour elle, les environnementalistes réclament une intervention plus importante de l’Etat (au détriment du monde des affaires) et les scientifiques affirment la même chose, ce qui veut dire que ceux-ci s’alignent sur les environnementalistes, les faisant appartenir du coup au camp des méchants, dont il convient non seulement d’ignorer l’avis, mais qu’il faut aussi combattre activement.

Qui serait responsable alors de ce qui se passe en ce moment en Australie ? Pas une entité abstraite comme le réchauffement climatique mais des individus mal intentionnés : des incendiaires, écologistes cherchant à faire croire à ce prétendu réchauffement, ou des gens à la solde de milliardaires chinois voulant voler leur continent aux Australiens, etc.

Une enquête scientifique a pu montrer que les lecteurs de la presse quotidienne australienne sont moins bien informés que les gens ne lisant pas du tout. Mais cela n’a d’importance bien sûr que si l’on attache du crédit aux propos de… ces gredins de scientifiques !

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