Damien Jacob: “Le besoin des marques en mètres carrés va continuer de diminuer”
Alors qu’Inditex (Zara, Massimo Dutti, etc.) va fermer nombre de ses plus petits magasins situés dans les villes moyennes, cet expert estime que ces cités devraient cesser d’encourager la construction de nouveaux centres commerciaux. Trois questions à Damein Jacob, géographe et fondateur du cabinet-conseil spécialisé en e-commerce Retis.
Pensez-vous que la réduction de la présence des grands groupes dans les villes moyennes soit un mouvement de fond ?
Tout à fait. La crise n’est qu’un accélérateur du phénomène, parfois même un prétexte pour faire passer plus facilement des restructurations. Mais nous observons ce mouvement depuis des années au Royaume-Uni, très en avance en matière d’e-commerce. Les métropoles se renfor- cent au niveau commercial car chaque marque veut y avoir un flagship store expérientiel, tandis que les villes moyennes accumulent les fermetures de commerces. La volonté des grands groupes qui investissent massivement dans le commerce en ligne est en fait de réduire la superficie de vente et d’aug- menter le chiffre d’affaires par mètre carré.
Les politiques publiques d’aménagement du territoire, dites-vous, ne semblent pas encore tenir compte de cette évolution. Des villes moyennes encouragent encore la construction de centres commerciaux…
Des promoteurs immobiliers fonctionnent encore selon un système daté qui consiste à acheter un terrain agricole en périphérie et à le revendre sous forme de centre commercial. Les pouvoirs publics éprouvent souvent des difficultés à bloquer ces projets et n’ont, la plupart du temps, pas le moindre argument à avancer. Certaines villes sont séduites par les promesses d’emplois sans même se rendre compte qu’il s’agira en fait d’un jeu de vases communicants et que d’autres emplois seront détruits ailleurs. Le pouvoir d’achat des Belges n’augmente pas de façon aussi rapide que le nombre de mètres carrés de superficie commerciale. Quand il se crée un centre commercial, c’est souvent au détriment d’autres centres commerciaux ou des centres-villes proches. Plus interpellant encore : étant donné que le besoin des marques en mètres carrés va continuer de diminuer dans les villes moyennes, on se retrouve face à une situation qui frôle le surréalisme. Des centres commerciaux sont tout simplement vides.
Que préconisez-vous comme réorientations ?
Puisque l’on aura, à l’avenir, besoin de moins d’espaces commerciaux qu’actuellement, il faudra réfléchir à de nouvelles activités dans ces espaces libérés. Ce que l’on remarque au Royaume-Uni, par exemple, c’est que des espaces qui étaient préalablement réservés aux commerces dans les villes moyennes ont été réaffectés au résidentiel. On constate par ailleurs beaucoup plus de marketing territorial de la part de certaines villes moyennes bien décidées à attirer les touristes. Je pense notamment à une ville allemande qui a astucieusement repensé son centre pour en faire un immense outlet en plein air. Aux Etats-Unis, enfin, l’activité commerciale est de plus en plus couplée à une activité de loisirs. On va, par exemple, créer des galeries commerciales à côté de parcs d’attractions.
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