“La ville a un besoin criant de petits logements”

Nathalie henry et maxime prévot © debby termonia

Le centre de Namur est actuellement un chantier à ciel ouvert. Les développements immobiliers s’y multiplient. De quoi lui redonner, à moyen terme, une certaine attractivité. Si la rénovation du bâti vieillissant de la corbeille reste est des principaux enjeux, la diversification de l’offre d’appartements neufs en est un autre. Objectif : répondre davantage à la demande.

Ce sont deux fins experts de la cause namuroise. Nathalie Henry, responsable de la Wallonie pour le développeur Besix Red, et Maxime Prévot (cdH), bourgmestre de Namur, connaissent les moindres recoins de la capitale wallonne. Rencontre.

MAXIME PRÉVOT. Quelqu’un m’a un jour dit que l’on mesure la dynamique d’une ville au nombre de grues qui s’y dressent. Ce n’est pas faux. Une nouvelle dynamique a été impulsée. Nous continuons d’avoir une population qui grandit légèrement (0,3 % par an) puisque nous approchons des 111.000 habitants. Mais si les chantiers destinés à créer du logement se multiplient, nous devons aussi faire face à deux facteurs négatifs.

Lesquels ?

M.P. On constate un exode partiel des jeunes ménages vers les communes voisines (Profondeville, Fernelmont, Mettet), où les prix de l’immobilier sont moins élevés. Nous ne parvenons pas à retenir les étudiants qui ont terminé leurs études et qui auraient souhaité s’installer dans le centre-ville. C’est un vrai problème. Il est donc nécessaire de diversifier l’offre de logements pour diminuer les prix et proposer une offre de meilleure qualité qui soit en adéquation avec les exigences en matière de performance énergétique. L’autre facteur négatif concerne la rénovation du bâti existant. Nous avons aujourd’hui énormément d’étages de commerces qui pourraient être transformés en logement. C’est capital pour redynamiser le centre.

L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps) prévoit une hausse de la population de 9.000 unités à Namur d’ici 2035. Les conditions sont-elles aujourd’hui réunies pour assurer cette hausse ?

NATHALIE HENRY. Il n’est pas plus difficile d’obtenir un permis à Namur qu’ailleurs. La Ville s’est heureusement dotée de services compétents, tout comme ceux du fonctionnaire délégué. Le problème, c’est que nous devons souvent faire face à de nombreux recours et à des oppositions qui engendrent retards et surcoûts.

M.P. Il y a une dizaine d’années, Namur était loin d’être exemplaire dans l’octroi rapide des permis. Cela a changé. J’ai souhaité pratiquer la politique de la main tendue vers ceux qui investissent. Car une ville ne peut se passer du privé pour se reconstruire.

Justement, êtes-vous actuellement dans une politique qui vise à cadenasser les projets ou à augmenter rapidement l’offre de logements ?

M.P. Nous continuons d’être exigeants sur le plan qualitatif mais nous souhaitons tordre le coup à l’idée que les promoteurs ne sont pas les bienvenus à Namur. Ils doivent être considérés comme des partenaires du développement de la ville. Mais ce n’est pas pour cela que nous avons un genou à terre quand nous les recevons ! Il est légitime qu’un opérateur privé cherche à effectuer une plus-value économique et financière dans le cadre de son projet. C’est normal. Mais notre rôle est de veiller à ce que cette plus-value économique se double d’une plus-value collective et sociétale.

Comment se porte le marché immobilier à Namur ?

N.H. Les grands logements de trois chambres, ardemment souhaités par la Ville, se vendent difficilement, il faut le reconnaître. Ils correspondent moins à la demande actuelle. Quand une famille cherche un logement, si elle a les moyens, elle s’oriente encore le plus souvent vers une maison plutôt qu’un appartement. Pourquoi ? Car les prix sont similaires. Ils ont heureusement arrêté de grimper à Namur, car ils étaient 7 à 10 % plus chers que dans les communes avoisinantes. Nous sommes proches des prix qui sont pratiqués en Brabant wallon. Autre problème : le prix du foncier est de plus en plus élevé. Ce qui impacte bien évidemment le prix de sortie d’un logement.

Les promoteurs privilégient toujours le produit classique, à savoir l’appartement deux chambres. Mais ce produit correspond-il encore toujours à la demande ?

N.H. Nous cherchons avant tout à développer aujourd’hui des projets qui favorisent une mixité typologique et sociale. Car il en faut pour tout le monde. Dès que le nouveau collège est entré en fonction, je l’ai sensibilisé pour que l’on favorise davantage la construction de petits logements. Ce qui n’était pas sa priorité auparavant, où les logements de trois chambres étaient favorisés. La demande est aujourd’hui principalement orientée vers les logements d’une ou deux chambre (s), pour des familles plus modestes.

Et avez-vous été entendue par le collège ?

N.H. Nous avons eu une oreille attentive… (sourire)

M.P. Il est vrai que nous avons longtemps assimilé les petits logements à des logements de piètre qualité. Pour qu’un projet soit de qualité, nous estimions qu’il devait être spacieux. Or, nous constatons qu’une part croissante de notre population éprouve des difficultés à se loger. Notamment à cause de la multiplication des couples séparés. Ce qui explique pourquoi, à population égale, le nombre de logements est en hausse. De notre côté, nous sommes en train d’assouplir notre position vis-à-vis des petits logements pour répondre à la demande en la matière.

Parmi les grands enjeux, la rénovation du bâti en centre-ville semble être bien plus lente qu’espérée…

N.H. Peu de villes ont connu de tels bouleversements ces dernières années. Que ce soit en matière d’offre culturelle (Maison de la culture, Abattoirs de Bomel, Grand Manège), d’espaces publics ou de de stationnement. Il reste beaucoup à faire en matière de propreté, de sécurité ou de dynamique du commerce, mais l’attractivité de la ville est indéniablement remontée. En tant que Namuroise, l’état du bâti existant me chagrine. La rénovation est indispensable. Les promoteurs développent du logement neuf mais il ne faut pas oublier ce volet.

Paul de Sauvage, CEO du promoteur Actibel, avait chiffré la rénovation du bâti de la corbeille à 1,3 milliard…

M.P. En effet, c’est gigantesque. Plusieurs leviers existent pour sensibiliser les propriétaires. Lors de chaque demande de permis d’urbanisme pour la rénovation d’un commerce, nous imposons d’aménager du logement aux étages et un accès séparé à la voirie. Il suffit de se balader dans Namur et de lever la tête pour se rendre compte que la plupart des étages sont à l’abandon. L’autre problématique, c’est la division de logements pour aménager des kots. Nous avons décidé d’y mettre un frein. Un moratoire a même été instauré dans certaines rues. Et quand nous acceptons une division, nous imposons que le rez et le 1er étage ne forment qu’une seule unité, avec trois chambres. Car le vrai défi est de favoriser le retour des familles dans le centre-ville. Enfin, l’adaptabilité et la modularité des logements sont deux autres éléments que nous favorisons. C’est capital pour l’évolution sociétale. D’autant que cela crée une plus-value pour le produit.

Quelles sont les pistes aujourd’hui pour développer du logement à des prix un peu plus abordables ?

M.P. Nous avons lancé il y a quatre ans le programme ” L’engagement logement “. Au lieu d’instaurer des charges d’urbanisme, nous offrons la possibilité aux promoteurs d’intégrer dans leur projet un certain nombre de logements conventionnés. Ils sont alors gérés par l’Agence immobilière sociale namuroise. Ce qui permet au propriétaire d’être exempté de précompte immobilier et d’avoir un loyer garanti. Et aussi de garantir la mixité et l’accessibilité financière de ces logements. Les résultats sont intéressants.

Concernant la construction de logements neufs, l’Union professionnelle du secteur immobilier évoque régulièrement la baisse de 21 à 6 % du taux de TVA de manière à proposer des logements à des prix plus abordables. Y croyez-vous ?

N.H. La baisse de la TVA serait l’impact le plus visible pour le candidat acquéreur. Mais cela dépend du gouvernement fédéral. Pour ” L’engagement logement “, Cobelba, la filiale namuroise de Besix Red, y a participé. Et cela s’est bien vendu. La démolition/reconstruction doit également être encouragée, d’autant que le particulier peut alors bénéficier d’un taux de 6 %. Il serait intéressant d’élargir cette faculté aux promoteurs.

L’aménagement du quartier de la gare est essentiel. Le projet du promoteur gantois Baltisse sur le site dit de ” La courgette ” devrait terminer cette reconfiguration. Comment voyez-vous l’évolution de ce site ?

M.P. La revitalisation du quartier de la gare est une priorité. Soyons lucides : quand un touriste sort de la gare, il découvre une place dédiée à la voiture qui n’est pas du tout conviviale. En face de lui, il tombe sur une rue Godefroid étroite et peu ensoleillée. Sur la droite, l’ancienne poste est enfin en train d’être démolie par Iret pour laisser place à la construction d’un immeuble de bureau. Dans le prolongement, il y a le projet de Baltisse qui va développer un hôtel, un ensemble de kots et des bureaux et celui d’Artone qui concerne la construction du futur immeuble de Belfius. Paul de Sauvage (Actibel) reconstruit quant à lui un bâtiment résidentiel sur le site des anciens locaux du journal L’Avenir. Alors que la Ville a prévu de reverduriser le boulevard Mélot pour qu’il soit plus attractif. Enfin, à gauche, il y a le parc Léopold. Huitième merveille du monde pour certains, un lieu mal fréquenté et mal odorant pour la plupart des gens. Un projet est sur la table pour aménager un espace multifonctionnel à vocation commerciale (20.000 m2) qui serait ouvert sur la ville. Bref, il s’agit d’un processus de longue haleine pour lequel des dizaines de millions d’euros ont été dégagés par le public et le privé. J’espère que d’ici cinq ans, nous pourrons découvrir ce renouveau.

Un architecte a été désigné, en la personne de Jean-Paul Viguier pour le projet de centre commercial que souhaite développer Besix Red. Quand sortira-t-il de terre ?

N.H. Jean-Paul Viguier a travaillé sur la manière d’intégrer au mieux ce projet à la ville. Comme souhaité, il a intégré d’autres fonctions comme du logement, du bureau et des services. Des esquisses volumétriques ont été présentées à la Ville. Si elle estime que les recommandations ont été suivies, les architectes pourront passer au travail de conception. Mais nous souhaitons surtout continuer à élaborer ce projet en concertation avec les différentes instances concernées. Le dépôt de la demande de permis est en tout cas espéré pour début 2020.

On dénombre une soixantaine de commerces vides dans le centre-ville, ce qui témoigne des difficultés actuelles du secteur. Ce projet arrivera dans un contexte difficile….

M.P. Le projet développé au square Léopold doit permettre de redonner du souffle à la vitalité commerciale de Namur. Nous accusons une régression lente et constante de la fréquentation. Ce centre commercial, qui sera connecté au coeur de la ville, doit permettre de redynamiser tout le tissu commercial. Il offrira aussi des cellules beaucoup plus spacieuses. La moyenne actuelle est inférieure à 100 m2. Nous ne pouvons donc pas attirer de locomotives. J’espère que cette redistribution des cartes va aussi inciter les propriétaires de la rue du Fer et de la rue de l’Ange à revoir leurs loyers qui sont aujourd’hui exorbitants.

Si vous deviez conseiller un quartier où investir ?

N.H. Tout dépend des envies de chacun. Personnellement, je préconise le centre-ville, qui est en pleine redynamisation et reconstruction. Avec tous les projets qui s’y multiplient (dont ceux de Thomas & Piron et d’AG Real Estate aux Casernes, de Diversis dans l’ancienne immeuble Fortis rue des Carmes, Ndlr), il y aura d’ici deux à trois ans près de 500 logements supplémentaires sur le marché. C’est important. Pour les familles qui préfèrent une maison, il y a des possibilités à Salzinnes, Bouge, Belgrade, Jambes ou Erpent.

Propos recueillis par Xavier Attout

“La revitalisation du quartier de la gare est une priorité. Il s’agit d’un processus de longue haleine pour lequel des dizaines de millions d’euros ont été dégagés.” Maxime Prévot

“L’état du bâti existant me chagrine. La rénovation est indispensable. Les promoteurs développent du logement neuf mais il ne faut pas oublier ce volet.” Nathalie Henry

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