L’IA pour connaître la véritable activité de chaque société

Les clients d'Inoopa? De gros acteurs, comme DHL, bpost, Voo, ING, Trip Advisor, etc. © BelgaImage

La précision des codes Nace qui déterminent le secteur d’activité des entreprises est souvent mise en cause par les spécialistes. A l’heure de l’explosion des données et du ciblage ultra-précis, la jeune firme belge Inoopa développe un algorithme permettant d’identifier beaucoup mieux l’activité de ces entreprises à des fins d’enrichissement de base de données, d’étude ou de prospection marketing.

Plus de 60% des codes Nace, ces codes qui catégorisent les entreprises en fonction de leur activité, ne sont pas précis ou carrément faux. En effet, lorsque les entrepreneurs lancent leur boîte, ils choisissent un nombre assez large de ces codes afin de couvrir la totalité de leur business actuel mais aussi d’anticiper les possibilités d’évolution ou de réorientation. Résultat, ” les entreprises affichent de multiples codes Nace, rappelle Pascal Flisch, business développeur chez Trends Business Information qui fournit des données financières sur les sociétés. Elles peuvent avoir plusieurs Nace pour leurs activités primaires et secondaires, de sorte qu’il est souvent difficile de savoir ce qu’elles font avec exactitude “. D’autant que, parfois, certaines boîtes ajoutent des codes pour tenir compte de leur évolution mais n’éliminent pas les précédents. Pire, la nomenclature date de 2008 et ne répond pas aux besoins modernes puisqu’elle ne tient pas compte de tous les nouveaux métiers, y compris dans le digital.

” Il s’agit d’une grosse problématique, insiste Pascal Flisch. Autant pour les acteurs comme nous qui délivrons des données sur les entreprises que pour les sociétés elles-mêmes lorsqu’elles veulent faire de la segmentation sectorielle. ” Comment cibler avec une certaine exactitude toutes les entreprises actives dans l’économie circulaire ou l’e-commerce par exemple ? Comment déterminer le type de cuisine d’un restaurant ?

Ce manque de précision et d’exactitude des codes Nace constitue le terrain de jeu de la start-up belge Inoopa, lancée en 2015. Cette jeune pousse du numérique développe aujourd’hui un outil permettant ” d’identifier correctement ce que fait une entreprise, détaille Jean-Pol Boone, fondateur et CEO d’Inoopa. En usant de l’intelligence artificielle, nous rassemblons un maximum d’informations sur les sociétés et pouvons ainsi dresser un profil d’activité beaucoup plus précis de chaque entreprise. ”

Données publiques et privées

Concrètement, Inoopa, se nourrit de données qu’elle puise auprès de multiples sources. Elle se sert dans les open data fournies par les universités, les SPF, etc., mais cherche également des informations dans les innombrables données publiques disponibles sur le Web : les sites des entreprises, les réseaux sociaux tels que LinkedIn, etc. Enfin, la jeune pousse achète des données auprès d’entreprises spécialisées comme Graydon ou Trends Business Information. Elle revendique ainsi pas moins de 200 sources sur le marché du Benelux, son terrain de chasse actuel.

En usant de l’intelligence artificielle, nous rassemblons un maximum d’informations et pouvons ainsi dresser un profil beaucoup plus précis de chaque entreprise.

Inoopa reconstitue alors, grâce au deep learning, une ” identité ” pour chaque société qu’elle analyse, usant d’un nuage de mots et d’une analyse sémantique réalisés grâce à toutes ces données pêchées et regroupées. ” Ce type d’outil répond à un vrai besoin du marché, analyse Pascal Flisch. Quelques entreprises s’engouffrent dans cette opportunité de marché et elles ont raison d’approfondir cette voie. Il se pourrait qu’il y ait une vraie compétition dans ce créneau. ”

Et c’est la qualité des résultats qui pourrait faire le tri. Le boss d’Inoopa revendique 93% de pertinence, un chiffre difficilement vérifiable mais qui ne devrait aller qu’en se bonifiant puisque les algorithmes s’améliorent au fur et à mesure qu’ils sont enrichis.

Fruit du pivot

A l’origine, la start-up poursuivait pourtant un autre objectif : déterminer si les entreprises analysées avaient un intérêt quelconque à se lancer dans l’e-commerce. L’idée de Jean-Pol Boone, qui avait d’abord cofondé et revendu un site internet de vente privée (Outlet-Avenue), était de permettre à toutes les PME d’obtenir un rapport automatisé sur son secteur afin de déterminer s’il était opportun de se lancer dans l’e-commerce. D’où le nom de la start-up, ” In ou pas ” (se lancer ou pas dans l’e-commerce) ?

Le rapport coûtait 100 euros. ” Mais le coût d’acquisition de nos clients était, lui, supérieur à 100 euros, se souvient Jean-Pol Boone. Et les PME qu’on ciblait n’étaient pas prêtes à dépenser plus. ” De plus, Inoopa était confrontée à la difficulté d’identifier correctement les concurrents de leurs clients… en raison de la problématique des codes Nace. Voilà pourquoi la jeune pousse décida un jour de ” pivoter ” et d’élargir son champ d’activité.

Désormais, Inoopa propose différentes solutions. Elle propose notamment de réaliser des rapports personnalisés sur des entreprises, par zone ou par secteur d’activité, et d’adapter ou d’enrichir des bases de données. Pour certains clients, il s’agit effectivement d’améliorer leur data base interne pour mieux profiler le marché. Pour d’autres, l’outil Inoopa est l’occasion d’effectuer des baromètres afin de mieux connaître des secteurs d’activité.

Inoopa propose aussi de détecter et de catégoriser les entreprises dès leur création, et ceci afin de leur proposer une collaboration. ” Un acteur comme DHL, par exemple, a fait appel à nous pour lui fournir des bases de données de boîtes d’e-commerce qu’il pourrait prospecter, détaille Jean-Pol Boone. Comme nous sommes à même de très bien définir les entreprises, nous avons pu facilement ne pas reprendre celles que DHL ne voulait pas approcher. Résultat : le taux de conversion a été nettement meilleur. ”

Autre exemple : celui des télécoms. L’un de ses clients, Voo, teste actuellement la solution Inoopa pour détecter les nouvelles sociétés, identifier leur secteur d’activité et leur adresser un envoi papier ou par e-mail afin de leur faire une offre telecom. ” Non seulement, on leur assure un meilleur ciblage, se réjouit le CEO d’Inoopa, mais on travaille en plus à J+1 après la création de la boîte alors que, jusqu’ici, Voo travaillait à J+35… “. Pour Voo, Inoopa intervient dans l’identification et la qualification des entreprises. Mais elle est également responsable du déclenchement du mailing. En effet, la start-up a réalisé qu’en marge de son activité core business de business intelligence, elle se devait de proposer aussi des services marketing.

L'IA pour connaître la véritable activité de chaque société
© PG

Modèle tapas

C’est que son business fonctionne en mode software as a service : les clients s’acquittent d’un abonnement mensuel pour faire usage de la solution Inoopa. L’abonnement ” prospection “, par exemple, démarre à 833 euros par mois. ” Un prix assez bas, admet Jean-Pol Boone, pour être en mesure de rapidement convaincre les clients. ” La start-up évolue dans le B to B et travaille en priorité avec de grosses sociétés comme bpost, ING, BNP Paribas Fortis, DHL ou, depuis peu,TripAdvisor. Des entreprises où les cycles de décision sont relativement longs. ” Du coup, on est en mode tapas, s’amuse l’entrepreneur. C’est-à-dire que l’on propose des prix assez bas pour des services qui peuvent être validés par des départements marketing sans que ceux-ci ne doivent remonter au sein du comité de direction. Mais lorsque ces départements sont séduits, ils demandent à augmenter leur nombre d’options ; ce qui, au final, représente de gros contrats annuels… ”

Jean-Pol Boone, fondateur d’Inoopa

Pour 2018, Inoopa, qui a déjà levé 450.000 euros auprès du fonds liégeois Noshaq (ex-Meusinvest), revendique un chiffre d’affaires d’environ 600.000 euros et emploie 12 personnes. Depuis peu, elle commence à prospecter le marché pour trouver de nouveaux investisseurs dans le cadre d’une serie A. Active pour l’instant essentiellement au Benelux, la start-up voudrait maintenant cibler de gros acteurs internationaux, en France notamment.

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