L’épargne citoyenne, l’oxygène des entreprises ?

Georges Hübner (HEC Liège) préconise la création d'un fonds alimenté par un vaste emprunt populaire. © BELGAIMAGE

Les citoyens disposent de 280 milliards d’euros d’épargne et les entreprises ont d’importants besoins de liquidités. Le gouvernement wallon va aider à faire le lien entre les deux, sur base volontaire évidemment.

“Des paramètres ont changé dans notre société. Le citoyen veut poser des gestes civiques, notamment pour soutenir l’économie. Il veut participer et son implication dépasse la recherche de rendements financiers. ” Le ministre wallon des Finances, Jean-Luc Crucke, estime que le moment est idéal pour inviter les Wallons à investir une partie de leur épargne dans des véhicules destinés à soutenir l’économie.

Il planche sur la constitution d’un fonds d’investissement. Celui-ci émettrait des obligations, accessibles aux citoyens comme aux entreprises. L’argent récolté serait ensuite investi en prêts, en prêts subordonnés ou en capital dans les entreprises wallonnes. ” Nous ne rééditerons pas les erreurs de la Caisse d’investissement de Wallonie (créée en 2009 en réponse à la crise financière), assure Jean-Luc Crucke. Il n’y aura pas un CA avec des mandats pour des hommes et des femmes politiques, mais de la participation, de la cogestion, à l’image de cet effort collectif de solidarité. ” Le rendement serait modeste (mais bien réel ! ), en se basant sur le fait que la motivation première des obligataires est ” la participation citoyenne ” à l’effort de redressement. Si la formule s’avère trop lourde, la Région pourrait opter pour un partenariat avec des plateformes de crowdfunding ou de crowdlending de type BeeBonds ou Look&Fin.

Jean-Luc Crucke songe aussi à un soutien aux commerces locaux, via un système de pré-achat de biens et services. Ceux-ci ne seraient fournis que trois mois après la levée du confinement, de manière à ce que les établissements puissent reconstituer leur trésorerie. Une belle idée mais le secteur horeca a été plus rapide avec l’opération www.HorecaComeback.be, basée sur le même principe. Il ne faudrait pas que les deux initiatives se marchent sur les pieds.

Des actions de préférence

L’Etat empruntant à des taux négatifs, l’idée d’une mobilisation de l’épargne citoyenne n’est pas prioritaire au niveau fédéral. Elle n’est pas exclue cependant, notamment autour d’une proposition du professeur de finance Georges Hübner (HEC Liège). Il préconise la création d’un Fonds fédéral solidaire de participation, alimenté par un vaste emprunt populaire. S’il capte ne serait-ce que 4% des 280 milliards d’euro logés dans les comptes d’épargne des Belges, ce fonds disposerait de plus de 10 milliards pour renforcer les fonds propres des entreprises belges.

Le Fonds serait ciblé sur les PME. ” Individuellement, aucune n’est sans doute véritablement ‘systémique’, au sens que sa faillite mettrait l’économie en danger, explique Georges Hübner. Mais prises ensemble, elles sont essentielles au bon fonctionnement économique et social de notre pays. Prenons l’exemple des fleuristes. C’est un marché aujourd’hui complètement mort et si nous ne faisons rien, dans un an, il n’y aura plus de fleuristes en Belgique. Nous ne pouvons pas imaginer avoir la même qualité de vie demain en Belgique si nous laissons mourir tout un tissu économique. Surtout que nous avons les moyens de sauver ces entreprises. ”

Pour éviter les réticences des PME, souvent familiales, envers l’ouverture de leur capital, Georges Hübner suggère le recours aux actions de préférence. Il s’agit d’actions sans droit de vote mais qui donnent droit à un dividende ” préférentiel “, avant le paiement d’éventuels dividendes ordinaires. L’entreprise peut ainsi consolider ses fonds propres sans ouvrir son capital social. L’épargnant peut, lui, tabler sur un rendement sûr : il n’investit pas directement dans les entreprises mais dans le fonds, via un emprunt obligataire qui rapporterait 2 à 3% par an. ” Ne sous-estimons pas l’effet psychologique, pointe le professeur Hübner. Des centaines de milliers de Belges qui participent à ce mécanisme, ce sont des centaines de milliers de Belges qui marquent leur confiance envers l’économie nationale. ”

Cet élément psychologique peut soutenir la consommation et la croissance, et donc les recettes fiscales et parafiscales. Georges Hübner est convaincu que l’Etat en sortirait aussi gagnant, sans compter le fait que les dividendes préférentiels feront augmenter les recettes du précompte mobilier.

Plus de détails sur ces propositions sur www.tendances.be

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