Mené par un agitateur d’extrême droite, le plus grand pays d’Amérique latine éprouve le plus grand mal à se redresser.
Après 10 ans gâchés par les scandales de corruption et par la récession, 2020 est annoncée comme l’année où le Brésil reprend pied. Le populiste d’extrême droite Jair Bolsonaro a emporté la présidence à la fin de 2018 en promettant de réformer l’économie et de changer la politique. Les avancées de sa première année de mandat ont cependant été ternies par des scandales impliquant des membres de sa famille et par son indifférence face à la destruction de l’Amazonie.
Le principal succès, la réforme du système brésilien des retraites, que tant de gouvernements n’avaient pas réussi à mener à bien et qui a été adoptée en octobre, contribuera à remettre en ordre les finances publiques et à attirer les investissements tant attendus. Pour autant, la vraie reprise de la croissance et une bouffée d’air frais pour les 12,6 millions de Brésiliens sans emploi nécessiteront encore d’autres réformes qui seront longuement débattues au Congrès. Une rationalisation de la fiscalité serait un pas immense. Des privatisations restaureraient la confiance et la trésorerie de l’Etat, mais nécessitent une approbation des parlementaires qui sera laborieuse à obtenir. Il faudra beaucoup de temps au Brésil pour se redresser.
Il a suffi que la justice ouvre une enquête sur Flávio, l’aîné des fils Bolsonaro, élu au Sénat et soupçonné de blanchiment, pour que le président oublie ses ambitions de lutte contre la corruption en politique. Un projet de loi comprenant des dizaines de mesures contre les malversations et le crime organisé, annoncé à grand bruit au début de 2019 par le ministre de la Justice Sérgio Moro, est pour ainsi dire tombé aux oubliettes. Parallèlement, Jair Bolsonaro a placé des proches – ou menacé de le faire – à la tête de la police fédérale, du fisc et de la brigade financière, jetant la suspicion sur l’indépendance de ces instances. Paulo Guedes, son ministre de l’Economie, apporte sa crédibilité et ses compétences techniques à un gouvernement globalement inexpérimenté et dysfonctionnel – son départ (choisi ou contraint) assombrirait encore le tableau.
Boycotts internationaux
Si le président brésilien persiste à mener l’Amazonie vers des modes de développement controversés et à refuser d’entendre les inquiétudes sur l’accélération de la déforestation, la communauté internationale lui tournera le dos. Encore limités, les boycotts de produits brésiliens pourraient s’étendre. L’Union européenne pourrait arguer de considérations environnementales pour rejeter un accord de libre-échange avec le Mercosur, composé du Brésil, de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay.
Si toute une frange de nouveaux élus en 2018 a juré d’oeuvrer à un Congrès plus réformiste et plus progressiste, le Brésil n’est pas près d’aller mieux. Au premier semestre 2019, environ 22.000 Brésiliens, dont de nombreux jeunes exerçant des professions libérales, avaient informé les autorités fiscales qu’ils s’expatriaient. C’est cinq fois plus qu’en 2011. En 2020, la frustration va grandir chez ceux qui n’ont pas les moyens, contrairement à ces derniers, d’aller voir ailleurs.