L’absence de courage et le futur drame des “actifs échoués”

Amid Faljaoui

Ce début d’année est l’occasion de partager avec vous quelques réflexions. D’abord sur le climat: soyons clairs, le dernier sommet à Glasgow a été un échec. Les dirigeants politiques qui se sont réunis lors de cette Cop 26 ont décidé de prendre de nouveaux engagements… mais pour fin 2022 lors du prochain sommet en Egypte. La raison de cette procrastination? Les autorités de tous bords et de tous pays sont terrifiées à l’idée d’imposer la moindre contrainte ou le moindre coût supplémentaire à leurs citoyens et à leurs entreprises.

Avouons que l’actuelle flambée des prix n’arrange pas la prise de décision. Comment assumer d’augmenter les prix de l’énergie et de certains biens (la transition écologique a un prix que les partis écolos n’évoquent pas) alors que c’est déjà la valse des étiquettes? Personne parmi les politiques n’a envie de jouer aux apprentis sorciers avec un électorat au pouvoir d’achat déjà rogné. Résultat des courses, ces politiques refusent de prendre toute action douloureuse sur-le-champ. La fin de mois l’emporte sur la fin du monde, comme d’habitude.

Mais vous le savez comme moi, la vie se venge toujours des procrastinateurs. En effet, pour l’économiste français Jean-Pierre Petit, nous sommes aujourd’hui dans une atmosphère de réglementations diverses liées au climat, mais comme les décisions nécessaires pour éviter la catastrophe n’ont pas été prises, la réglementation cédera un jour le pas à… l’interdiction! C’est classique: les politiques tirent sur la corde mais, à un moment donné, la vérité apparaît toute nue.

Hop, comme par enchantement, nous verrons alors fleurir ici ou là des tas d’interdictions pour notre bien et celui de la planète. Et ces interdictions signifient que du jour au lendemain, nous allons assister à une destruction historique de capital, selon les mots de l’économiste Patrick Artus, puisque toutes les activités carbonées seront impactées et perdront une valeur de dingue. D’ailleurs, n’est-ce pas déjà le cas? Des multinationales comme Shell, BP ou TotalEnergies ont déjà déprécié à coup de dizaines de milliards des actifs qui ne vaudront bientôt plus rien. Les financiers parlent même “d’actifs échoués”.

C’est classique: les politiques tirent sur la corde mais, à un moment donné, la vérité apparaît toute nue.

L’expression est parlante: si l’Arabie saoudite est pressée à ce point de diversifier son économie, notamment dans le tourisme, c’est que le prince héritier Mohammed ben Salmane a compris que dans l’économie décarbonée de demain, les 80 ans de réserves pétrolières de sa compagnie nationale Saudi Aramco ne vaudront plus grand-chose.

Plus prosaïquement, prenez le cas d’une société de transport utilisant des dizaines de camions roulant au diesel pour son activité. Vu les interdictions touchant l’usage de ce carburant qui fleurissent partout, ces camions ne vaudront aussi bientôt plus grand-chose – dans la comptabilité, en tout cas – si le transporteur ne les renouvelle pas. De même, voyez ces logements qui ne seront pas adaptés aux nouvelles contraintes énergétiques et seront purement et simplement interdits de location. Là encore, leurs propriétaires devront composer avec des “actifs échoués” dans leur bilan ou patrimoine privé.

Bref, alors que la réglementation actuelle est encore gérable (il y a un calendrier nous permettant de nous adapter), en revanche, si nos politiques passent brutalement à l’interdiction, plus personne n’aura le temps de s’adapter. Autant le savoir et agir maintenant. A propos des politiques qui nous dirigent, Jean Peyrelevade, l’ancien patron du Crédit lyonnais aujourd’hui retraité, disait fort joliment que “nous n’avons pas besoin de visionnaires ni d’idéologues mais d’organisateurs du futur”. Si vous en connaissez, envoyez-moi un e-mail.

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