Karine Tuil au coeur du réacteur de la Justice

© PG

A Paris, une juge d’instruction antiterroriste fait son boulot avec sérieux et humanité. Mais, au milieu des faits, une question ne peut plus être éludée: et si sa tâche était impossible?

Le nouveau roman de Karine Tuil se déroule à Paris, dans les bureaux de l’instruction des affaires terroristes, “une aile ultrasécurisée du palais de justice”. L’écrivaine de L’invention de nos vies y ancre l’histoire à la première personne d’Alma Revel, juge d’instruction, femme juste, empreinte de l’importance de ses responsabilités, épouse d’écrivain et mère de trois enfants. Tout est fictif et à la fois ancré dans un contexte très réaliste: Alma Revel est coordinatrice de la cellule antiterroriste depuis quelques années quand une série d’attentats frappe la France. Dans le texte, elle prend le temps d’expliquer comment elle mène ses enquêtes, dans “l’ombre”, interrogeant familles de victimes, mis en examen et complices: “On ne porte pas l’accusation, on ne travaille pas sur la culpabilité – il y a des procureurs pour ça ; notre métier, ce sont les charges: on ne se fie qu’à des éléments objectifs car si on n’a rien, on alimente le fantasme de la poursuite politique”. Et peut-être que tout le propos du livre est là, dans cette objectivité à atteindre dont l’ambiguïté pourrait se résumer par cette phrase d’André Gide en exergue du roman: “Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent”. Car le quotidien de la juge, c’est notamment ce jeune Français, père de famille, enfermé à son retour de Syrie et dont il importe de se demander ce qu’on en fait: le laisser croupir en prison pour protéger la société de potentielles futures attaques ou lui donner une chance car, objectivement, on n’a pas grand-chose à lui reprocher? On sent la volonté de l’écrivaine de ne rien omettre des rôles des juges, de la difficulté de leur mission, de son impossibilité même car “l’homme n’est pas un bloc monolithique mais un être mouvant, opaque et d’une extrême ambiguïté”.

KARINE TUIL, “LA DÉCISION”, GALLIMARD, 304 PAGES, 20 EUROS.

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