Il faut des accords nucléaires

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Les Etats-Unis doivent impérativement relancer des systèmes de contrôle des armes nucléaires. C’est urgent.

On pourrait difficilement imaginer pires circonstances que celles de l’année 2020 pour conclure des accords de politique étrangère avec les Etats-Unis. La procédure de destitution contre Donald Trump empoisonne toute la diplomatie américaine, faisant apparaître des soupçons et un risque de fuite trop importants pour toute initiative d’envergure. Les relations des Etats-Unis avec leur nouveau rival, la Chine, sont empreintes d’une profonde méfiance. Celles qu’ils entretiennent avec leur rival traditionnel, la Russie, semblent particulièrement fragiles au plan du dialogue stratégique, si bien que jamais le risque de malentendu entre responsables officiels n’est apparu aussi élevé depuis la guerre froide. Partout dans le monde, les chefs d’Etat et de gouvernement se disent peut-être que la meilleure chose à faire est d’attendre 2021 et l’élection d’un président américain plus responsable que l’actuel occupant de la Maison Blanche.

Pour Donald Trump, la tentation devrait être grande d’imprimer sa marque à ce qu’il ne manquerait pas de qualifier de nouveaux accords améliorés.

Il est pourtant un domaine crucial, celui du contrôle des armes nucléaires, où il est urgent que les choses reprennent leur cours normal, et l’année 2020 pourrait en offrir l’occasion. L’urgence tient au fait que les dispositifs permettant de contrôler la prolifération des armes nucléaires ont été affaiblis au point d’être bientôt totalement inopérants. En 2002, les Etats-Unis se sont retirés du traité ABM sur la limitation des armes stratégiques signé en 1972. Donald Trump a ensuite rompu l’accord nucléaire conclu avec l’Iran (même si les partenaires européens continuent à le maintenir en vie). La Corée du Nord poursuit son programme nucléaire et ses tests de missiles pendant que Donald Trump se vante d’avoir résolu le problème avec sa tactique de rencontres au sommet et se désintéresse à présent de la question. La malhonnêteté de Moscou a de fait enterré le traité FNI, sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, qui interdisait toute une classe d’armes – l’accord a expiré en août 2019.

La fin du traité New Start ?

Si les Etats-Unis et la Russie ne se mettent pas d’accord sur une extension, le traité New Start de réduction des armes nucléaires stratégiques signé en 2010 prendra fin au début de l’année 2021. Ces deux pays possèdent toujours plus de 90% des armes nucléaires mondiales. Le traité New Start limite leur arsenal et définit les règles d’un strict régime d’inspection. En l’absence de règles limitantes, le monde pourrait s’engager dans une nouvelle course aux armes nucléaires.

Donald Trump a en horreur tout ce qui touche de près ou de loin son prédécesseur, Barack Obama, et le traité New Start ne fait pas exception. Comme à son habitude, Trump dit souhaiter un accord plus large, incluant la Chine, dont l’arsenal nucléaire encore modeste ne cesse de grandir. Pékin n’est nullement intéressé. Il n’est pas insensé de vouloir inclure la Chine dans un accord sur le contrôle des armes nucléaires, mais ce genre d’accord nécessite plusieurs années de négociation, c’est pourquoi cet argument en faveur d’un accord plus large s’apparente plutôt à une ruse pour laisser mourir le traité New Start existant. Jusqu’en septembre dernier, John Bolton était le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump et était ravi de se débarrasser de traités qui, selon lui, limitaient la liberté et la marge de manoeuvre des Etats-Unis. En juin, il déclarait qu’une extension du traité New Start était ” peu probable “. Tout cela inquiète fortement certains spécialistes et vieux briscards du contrôle des armes. ” Jamais depuis la crise des missiles de Cuba en 1962, le risque d’une confrontation russo-américaine impliquant l’usage d’armes nucléaires n’a été aussi élevé qu’aujourd’hui “, affirment l’ancien sénateur Sam Nunn, et l’ancien ministre de l’Energie Ernest Moniz, dans la revue Foreign Affairs. Avec la désagrégation des traités encadrant les armes nucléaires, la conférence d’examen du traité de non-prolifération (TNP) qui doit s’ouvrir en avril à New York promet d’être tendue. Les puissances nucléaires ne tiennent pas leurs engagements et ne font pas d’effort réel pour renoncer aux armes nucléaires. La fin du TNP incitera certainement d’autres Etats à croire qu’eux aussi devraient se doter de capacités nucléaires.

Deux occasions

En dépit de ce triste constat, 75 ans après les bombardements de Nagasaki et Hiroshima, l’année 2020 offrira également des occasions de sauver la diplomatie nucléaire. Des accords sont possibles dans au moins deux domaines, et John Bolton n’est plus à la Maison Blanche pour y faire obstacle.

Le premier serait avec l’Iran. Les efforts et la détermination du président français, Emmanuel Macron, pour organiser une rencontre, ou au moins une reprise du dialogue, entre Donald Trump et le président iranien Hassan Rohani montre qu’une révision de l’accord nucléaire est possible. Donald Trump a besoin de bonnes nouvelles à annoncer aux médias, et l’Iran a urgemment besoin d’un assouplissement des sanctions qui visent son économie. Le président Rohani a déjà indiqué qu’il considérait l’initiative française comme une base de négociation ” acceptable “. Aussi difficiles soient-elles en raison du gouffre qui sépare désormais Washington de Téhéran, ces négociations doivent être menées.

La seconde occasion concernerait le traité New Start avec la Russie. Les deux camps ont émis des réserves qui doivent être levées avant toute extension du traité, mais celles-ci n’ont rien d’insurmontable s’il existe une volonté politique. Il ne faut toutefois pas tarder à entamer de sérieuses négociations si l’on souhaite parvenir à un accord en temps utile.

Pour Donald Trump, qui s’imaginait en grand négociateur d’accord nucléaire bien avant de devenir président, la tentation devrait être grande d’imprimer sa marque à ce qu’il ne manquerait pas de qualifier de nouveaux accords améliorés -surtout au vu de ses problèmes judiciaires à domicile. De plus grandes menaces se profilent avec le développement des armes hypersoniques et de la cyberguerre. Raison de plus pour ne pas laisser les accords existants tomber en déshérence et pour relancer en 2020 les dispositifs de contrôle des armes.

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