Icônes à vendre

Eddy Merckx 1970 © Michel Le Tac

Le 30 septembre prochain à Bruxelles, ” Paris Match ” cédera sous le marteau 143 images issues de ses précieuses archives. Au programme : la Belgique, des stars et du glamour. Les clichés, en édition limitée et en grand format, sont estimés entre 1.500 et 2.500 euros.

Petite devinette : à quel titre de presse appartient le slogan ” Le poids des mots, le choc des photos ” ? A Paris-Match évidemment ! Cette accroche imaginée en 1978 a beau avoir été abandonnée par la rédaction il y a 10 ans, elle reste solidement ancrée dans la mémoire des plus de 40 ans. ” La photo était vraiment le fer de lance du magazine “, explique au bout du fil, Claude Azoulay, dit Zouzou. A 84 printemps, dont 43 ans passés derrière son Leica pour le compte de la publication au logo blanc sur fond rouge, il a réalisé des milliers de portraits. On ne les compte plus. Marilyn Monroe à New York, JFK à l’Elysée, une jeune comédienne de 17 ans nommée Isabelle Adjani, ou encore la princesse Paola au balcon de la Grand-Place de Bruxelles en 1959. La future reine de Belgique qui salue la foule est l’une des images que l’on pourra acquérir lors de la vente Paris Match : la passion du photojournalisme qui rassemble 143 tirages. Les enchères auront lieu le 30 septembre prochain chez Cornette de Saint Cyr, à Bruxelles.

Johnny Hallyday 1967
Johnny Hallyday 1967© Georges Beutter

Il s’agit de la troisième vacation organisée depuis 2016 par l’hebdomadaire français et la première qui se déroule chez nous. ” On reprend les thématiques de la première vente de Match qui s’était déroulée à Paris, c’est-à-dire la politique, la guerre, les sciences, le people, le sport, l’art et la culture, auxquelles on a ajouté une thématique belge qui montre comment le journal raconte, depuis sa création en 1949, ce qui se passe dans votre pays “, détaille Marc Brincourt, conseiller photo pour le groupe Lagardère et ex-rédacteur en chef photo de Paris Match durant trois décennies.

Salvador Dali 1971
Salvador Dali 1971© Patrice Habansjpg

Privilège de l’hôte oblige, la Belgique est donc très présente dans un catalogue où les people se taillent la part du lion. Jacques Brel en concert, Hergé au travail, Georges Simenon de retour à Liège, Eddy Merckx filant sur son vélo de course, Lio qui se déhanche avec un hula-hoop près de la place de l’Etoile ou encore l’inévitable Johnny Hallyday posant avec ses voitures rutilantes, ils sont tous là ! Mais notre pays n’est pas le seul concerné par ce Hall of Fame qui se concentre surtout sur les années 1960 et 1970. Alain Delon au temps de sa splendeur, Serge Gainsbourg avec ses Gitanes et ses Repetto blanches, Jack Nicholson et son sourire carnassier, le général de Gaulle, reconnaissable même de dos, etc. : le casting brille de mille feux. Détail amusant : neuf fois sur dix, les sujets sont cadrés à l’horizontale, pour se conformer à la fameuse ” double page “, marque de fabrique du magazine.

Jack Nicholson 1981
Jack Nicholson 1981© Michou Simon

Ni Vietnam ni Biafra

Les inconnus, eux, se comptent sur les doigts de la main. Tel celui du lot 64, magnifique portrait serré d’un mineur de fond, rescapé de la catastrophe du Bois du Cazier qui a causé la mort de 262 personnes en 1956, à Marcinelle. C’est l’une des rares photos du genre car les drames et conflits ont été volontairement écartés de la sélection. ” La plupart des acheteurs acquièrent ces photos pour les exposer chez eux. Accrocher une photo de la guerre du Vietnam ou du Biafra, ce n’est pas évident ” justifie Marc Brincourt.

La mise sur le marché de l’art de ces tirages limités (de 1 à 30 exemplaires), réalisés spécialement pour l’occasion, le plus souvent au format 53×80 cm, est une pratique récente pour le journal. ” Il y a cinq ans encore, on ne mettait pas les photographes en avant. Les ventes permettent de les faire connaître au grand public, de les faire sortir de l’ombre, même si la vraie star reste bien entendu Paris Match.”

Prix plancher

Mis à part l’un ou l’autre grand nom de l’objectif, comme Izis, la très grande majorité des images proposées est donc le fait de reporters qui n’ont pas (encore ?) de cote sur le marché. D’où les prix très accessibles. Les estimations s’échelonnent entre 1.500 et 2.500 euros quel que soit le lot. En 2016, les tirages proposés à la vente ont été cédés en moyenne pour 2.200 euros. La photo du président Chirac endormi dans le Concorde, partie pour 17.000 euros, reste une exception. La nostalgie d’une époque révolue, présentée sous son plus beau jour, est pourtant un argument attrayant. Une chose est sûre, l’âge d’or évoqué dans ses clichés concernait aussi ceux qui les prenaient. A sa grande époque, donc avant la crise de la presse, Paris Match n’hésitait pas à affréter une Caravelle équipée d’un labo photo pour couvrir l’élection de Paul VI à Rome. Au plus fort de son histoire, le journal employa 37 photographes salariés. Aujourd’hui, ils ne sont plus que deux. Mais ça, c’est une autre histoire.

De Gaulle 1967
De Gaulle 1967© Georges Ménager & Paul Slade

Icônes à vendre
© Jean-Claude Deutsch

Les volutes de von Karajan

S’il y a bien un cliché iconique de la vacation Paris Match, c’est bien celle que Jean-Claude Deutsch a réalisée en 1970 du chef d’orchestre Herbert von Karajan. La star de la musique classique dessine dans l’obscurité un entrelacs de volutes lumineuses du bout de sa baguette. ” Karajan n’était pas quelqu’un de facile à approcher, se rappelle le reporter aujourd’hui à la retraite. La première fois que je l’ai photographié, c’était en juillet 1967, pour un reportage dans sa propriété à Saint-Tropez. Les deux premiers jours, il ne m’a pas adressé la parole. J’étais très mal à l’aise. Alors je l’ai envoyé sur les roses… Et tout a été mieux à partir de ce moment-là ! Trois ans après, il me sollicite donc pour l’affiche d’une tournée au Japon. C’est moi qui ai cette idée de le faire poser en studio avec une baguette qui imprimerait les mouvements de sa main. ” Le maître de musique accepte mais son impatience est légendaire. La séance qui se déroule en studio dure à peine 15 minutes. ” C’était compliqué car il fallait éclairer, d’un côté, le visage et, de l’autre, la baguette sur laquelle j’avais fixé une ampoule qui était discrètement reliée à une batterie. ” Le résultat a été obtenu en superposant une pause lente pour obtenir le tracé du serpentin incandescent et une pause rapide pour fixer le visage du modèle. Deux images pour une photo de légende, c’est la moindre des choses.

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