Filiations incandescentes

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Dans un Belfast d’après les “troubles” mais toujours sous tension, Jan Carson fait peser sur deux pères la menace sous-jacente de leurs enfants.

Il aura fallu attendre l’European Prize of Literature en 2019 pour que l’auteure irlandaise Jan Carson trouve son chemin vers le lectorat francophone. Son premier roman paru en français, Les lanceurs de feu, prend corps à Belfast, longtemps déchirée entre loyalistes et nationalistes. Seize ans après la fin de ce qu’on appelle ” les troubles”, au coeur d’un été lacéré par des flammes plus hautes que les habituels brasiers annuels de la onzième nuit de juillet (célébration dans les quartiers protestants de la victoire de Guillaume III d’Orange sur le roi catholique Jacques II), deux pères vont être confrontés à des dilemmes terribles.

Sammy Agnew était tout sauf angélique dans sa jeunesse, terrorisant les catholiques avec sa bande de voyous. Conscient que la violence est un legs pesant, il pense que son fils est l’instigateur de cette nouvelle insurrection, après avoir reconnu ses gestes sur une vidéo. A quelques rues de là, Jonathan Murray est tétanisé par son bébé. Médecin peu sociable, sa vie a pris un tour étonnant. Séduit malgré lui par une femme aguicheuse et en manque d’océan, le voilà contraint d’accueillir une sirène dans sa baignoire puis de s’occuper seul de leur fille. Qui lui garantit qu’il ne faudra pas lui couper la langue pour éviter ses alarmes retorses? Enchaînés par le passé et terrifiés par l’avenir, ces deux pères se croiseront dans une salle d’attente, à la chicane des choix possibles…

Avec ses insertions fantastiques, son humour grinçant, sa façon d’aborder les stigmates, Les lanceurs de feu signe une découverte de voix. De celles qui font renaître les mythes à même le terreau des peurs contemporaines. A l’heure où le Brexit a bousculé les cartes pour l’Irlande du Nord, Jan Carson ne sera jamais de trop pour rendre compte des bourrasques politiques et des héritages complexes à endosser.

Jan Carson, Les lanceurs de feu, éditions Sabine Wespieser, 384 pages, 23 euros.

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