Ecologistes, idées courtes et cheveux longs

Amid Faljaoui

La semaine dernière, le groupe Ecolo-Groen a déposé une proposition de résolution à la Chambre pour réclamer la pénalisation de l’écocide. Peu connu encore, l’écocide désigne les ravages faits par l’homme à son environnement. Le terme en lui-même est une manière forte et symbolique de mettre l’atteinte à la nature au même niveau que les crimes de sang. D’ailleurs le terme écocide rime avec infanticide ou parricide. L’idée des écologistes à l’origine de cette résolution part du principe qu’il faut donner une personnalité juridique à des éléments de la nature pour mieux lutter contre les catastrophes comme la marée noire de l’ Erika qui a vu 20.000 tonnes de fuel souiller la Bretagne en 1999 et tuer 150.000 oiseaux.

Ecologie et économie ne pourraient pas s’entendre? Rien n’est plus faux. A condition de quitter les rivages de l’écologie punitive et purement décroissante.

Bien entendu, rien à dire sur le fond du dossier, mais comme toujours, le diable se niche dans les détails. Et en l’occurrence dans la manière dont sera rédigé ce texte s’il passe la rampe du Parlement fin 2021 ou courant 2022. Ce crime d’écocide a l’air simple sur le papier mais en réalité, il peut aussi bien soulager la nature que devenir une machine à procès infinis. Olivier Babeau, un économiste français qui a consacré une chronique sur le sujet, s’interroge lui aussi. Et ses interrogations sont aussi valables pour la Belgique: lorsqu’un pays déboise massivement ses forêts pour étendre les terres agricoles et cultiver davantage, est-ce un écocide? De même, ajoute-t-il, qui empêcherait quelqu’un d’attaquer l’Etat ou la Région en expliquant que les éoliennes relèvent de l’écocide en raison de leur faible apport en électricité mais aussi par rapport aux atteintes diverses qu’elles portent à l’environnement? Allons encore plus loin, préconise Olivier Babeau: pourquoi la fermeture des centrales nucléaires nous obligeant à la réouverture d’usines à charbon ne serait-elle pas aussi considérée comme un écocide?

Pourquoi évoquer ces interrogations? Parce que dans la vie, comme le chantait Johnny Hallyday dans les années 1960, il faut se méfier des cheveux longs et des idées courtes. Pour les cheveux longs, j’ai des doutes mais pour les idées courtes, aucun. La preuve, d’autres écologistes en France, en Belgique et ailleurs veulent, par exemple, imposer qu’on mette derrière chaque publicité une phrase toute simple: “En avez-vous vraiment besoin? La surconsommation nuit à la planète”. Rédigée de la sorte, qui serait contre à première vue? On vote immédiatement. Oui, sauf que c’est quoi “avoir vraiment besoin” de quelque chose? A part boire, manger et dormir, qu’est-ce qui est vraiment essentiel? s’interroge Olivier Babeau. Aller à l’opéra, est-ce vraiment nécessaire? Aller au théâtre? N’est-ce pas plus simple de lire un bon livre chez soi, mais dans une pièce chauffée à 10 degrés pas plus car après tout, pourquoi chauffer cette pièce quand trois pulls suffisent?

L’économiste Olivier Babeau, qui est à l’origine de ces exemples, caricature à dessein, bien entendu. Mais la force de la caricature permet de faire comprendre que définir la surconsommation ou le superflu n’est pas aussi simple que cela en réalité. Posez la question autour de vous et vous constaterez que chacun a sa version du superflu. Et puis, le danger, c’est de voir des hommes et femmes politiques passer de l’incitation à l’interdiction. Bref, de passer de la culpabilisation à la mise sous tutelle par l’Etat. La crise sanitaire nous en a donné un avant-goût. Raison pour laquelle, l’écologie mal comprise peut conduire à un programme liberticide. Est-ce à dire qu’écologie et économie ne peuvent pas s’entendre? Rien n’est plus faux. A condition de quitter les rivages de l’écologie punitive et purement décroissante. Donc, à condition qu’on sorte des discours simplistes. Autrement dit, gardons les cheveux longs et fuyons les idées courtes.

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