Déjà vu

On a tous connu cette sensation. Un détail sur le chemin du travail, une phrase attrapée dans le métro, la couleur d’une robe d’une passagère. Elle nous renvoie à une scène déjà rencontrée par le passé, l’impression de rejouer une même pièce comme Bill Murray dans le film Un jour sans fin. C’est ce qu’éprouve exactement Nathy quand elle quitte sa maison de banlieue, son mari attentionné et son fils qui vit chez elle comme à l’hôtel, pour embarquer dans un vol pour Montréal. Car Nathy est hôtesse de l’air depuis près de 30 ans.

Mais en ce 12 septembre 2019, l’atmosphère est plus tendue… Non, excitante. Vingt ans plus tôt, c’est exactement le même vol qui lui avait fait vivre une expérience inoubliable : une passion avec un jeune musicien rock qui aurait pu être le plus grand amour de sa vie si elle n’avait décidé de retourner à son foyer. Simple coïncidence donc, cette destination. Mais lorsqu’elle retrouve dans l’appareil le même équipage, elle commence à douter. Au fur et à mesure, le déjà-vu s’amplifie. S’il va d’abord raviver chez Nathy un agréable plaisir coupable, ce sont aussi des faits beaucoup plus enfouis et graves qui vont se rappeler à elle en passant par le Canada, Los Angeles, Barcelone et Jakarta, autant de destinations constituant un récit fait d’allers-retours dans le temps comme autour du globe.

Les enfants n’ont pas tellement envie de savoir ce que cachent leurs parents. Du moins tant qu’ils sont vivants.

Vrai jukebox

A lire le C.V. de Michel Bussi, on ne s’étonnera guère de ce bilan carbone narratif. Géographe de formation, il s’est amusé à composer une intrigue cartographiée. ” Dans presque tous mes romans, je veux emmener les lecteurs dans des lieux où ils aimeraient se rendre. ” L’auteur de Nymphéas noirs nous guide donc dans les rues de la plus grande ville francophone d’Amérique du Nord, ou bien sur les boulevards de L.A., des cités que l’on découvrirait la musique à fond dans les oreilles. Ce roman déroule d’ailleurs sa propre bande-son, faite de tubes des Cure et d’Alain Bashung. Un vrai jukebox qui réveillera les souvenirs de Nathy comme ceux du lecteur. Notez qu’une chanson écrite par le romancier et composée et interprétée par Gauvain Sers s’ajoute à cette play-list ¬ on a connu plus rock…

Portrait de femme

Au-delà de ces deux passions (voyage et musique), Michel Bussi nous dresse le portrait d’une femme qui, passé la cinquantaine et jeune grand-mère, se voit imposer un bilan sur sa vie, sur les conséquences d’un choix qu’elle a posé 33 ans plus tôt. ” Nathy a essayé de refouler une névrose. Le temps qui passe lui permet de voir les conséquences. S’il est impossible d’anticiper ce qu’il adviendra, le roman, lui, le permet. ” Et c’est ce qui crée sa principale tension. Michel Bussi multiplie les fausses pistes et les rebondissements. On lui reconnaît ce talent de tricoteur, n’ayant pour but que d’embrouiller le lecteur, lui-même pris par le jeu des coïncidences.

Nouveau roman de ” l’auteur français le plus lu en 2018 “, J’ai dû rêver trop fort comporte tous les atouts du divertissement grand public : du mystère (limite fantastique), un personnage attachant, du suspense et du romantisme. Une oeuvre légère et plutôt lumineuse qui séduira sans conteste les fans mais pourrait toutefois décevoir les amateurs de thrillers sombres.

” J’ai dû rêver trop fort “, Michel Bussi, éditions Presses de la Cité, 480 pages, 21,90 euros.

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