Cocorico ! La Belge Caroline Lamarche a été récemment couronnée du Goncourt de la nouvelle pour son recueil Nous sommes à la lisière, où l’autrice brouille la frontière entre l’homme et l’animal. Les éditions Gallimard ont été doublement honorées puisque l’historique maison a vu le même jour l’une de ses nouvelles plumes mise en évidence, avec Court vêtue de Marie Gauthier, récipiendaire du Goncourt du premier roman. L’occasion pour nous de revenir sur ce court texte à l’écriture singulière sur un éveil des sens. A 14 ans, Félix devient l’apprenti d’un cantonnier de province. Au rythme monotone des chantiers et des fins de journée au bistro, alors que l’été s’annonce, l’adolescent est subjugué par la fille de sa maison d’accueil, Gilberte, dite Gil. Agée de quelques années de plus, la jeune épicière se donne aux hommes du bourg au gré de ses envies ou de leurs pulsions. Félix, lui, ne peut ” l’avoir “, même s’il en rêve. Tant la démarche que l’attitude de cette fugace figure attentionnée le touchent. Un geste, une odeur, une couleur, un toucher de peau, tout d’elle éveille en Félix un souffle inconnu et mystérieux. De sa voix de narratrice presque dictatoriale mais maîtresse de la description, Marie Gauthier tisse un récit hors du temps, hautement sensuel, par moments aussi pesant qu’une canicule, mais à d’autres aussi léger que peuvent l’être les premiers élans du coeur. Exempt de dialogues, son texte laisse place au fantasme et à l’inquiétude.
Marie Gauthier, ” Court vêtue “, éditions Gallimard, 112 pages, 12,50 euros.