Boules de cristal

© RAPHAËL DEMARET

Economiquement fragilisée, la Cristallerie du Val Saint Lambert cherche un nouveau souffle. Depuis 2018, l’entrepreneur George Forrest et sa fille Rowena ont réveillé la belle endormie du Val. Avec des collections et un marketing renouvelés. Mais sans sacrifier son patrimoine et le savoir-faire manuel de ses artisans du cristal le plus pur, perpétué depuis deux siècles.

Boules de cristal

Réveiller le Val de cristal

Fondé en 1826, Val Saint Lambert a été une énorme ruche dont le miel s’appelait cristal. On y a tout taillé. Des pièces incroyables pour des tsars ou des maharadjas ont fait rayonner la Belgique dans le monde entier. Des services de verre et vases aux touches colorées ont élu domicile dans des milliers de foyers belges dont ils étaient les diamants du quotidien. Il y a 100 ans, la presti-gieuse cristallerie était à son apogée avec 5.000 personnes (dont 700 tailleurs et polisseurs) produisant oeuvres et objets du plus pur cristal au coeur du site sérésien, véritable village dans la ville. Mais après 1945, la cristallerie a progressivement perdu de son brillant, de sa puissance économique, chahutée par l’évolution des goûts et une concurrence internationale mécanisée et agressive. L’aura du Val couve toujours dans le coeur des Belges mais son étoile commerciale a pâli. Avec une succession de cinq repreneurs, les deux dernières décennies ont accentué le déclin. Mais le Val est toujours bien vivant : il relève actuellement la tête sous l’impulsion de l’entrepreneur George Forrest et de Rowena, sa fille styliste assumant la direction artistique. Sur le vaste site dépeuplé, une vingtaine d’employés et d’artisans, affichant souvent plusieurs décennies de maison restent les gardiens actifs et productifs du temple de cristal. Eric Delvaux, son chef designer, positive : ” La volonté est bien présente de renouveler l’offre, de revisiter d’anciennes collections et d’en créer de nouvelles plus contemporaines pour toucher un public plus jeune et redonner éclat et renommée à l’unique et mythique cristallerie belge. ” Presque bicentenaire, la cristallerie reste fidèle à un savoir-faire manuel inégalé mais est résolument tournée vers l’avenir. Pour connaître celui-ci, il suffit de souffler… la plus belle boule de cristal qui soit.

Boules de cristal
1 CUEILLIR AU FOUR Jean-Michel
1 CUEILLIR AU FOUR Jean-Michel ” cueille ” d’abord de sa canne en inox sa paraison (masse de verre en fusion) dans le creuset du four où bouillonne le cristal à 1.200 °C. Pour sa pièce du jour, qui sera couleur bleu cobalt, le maître verrier fixe à sa paraison une ” ballotte “, sorte de carotte de cristal colorée dans la masse qu’il fait fondre pour en garder une bille. Lovée au coeur de la nouvelle boule incandescente sortie du four, cette bille ¬ ici bleu cobalt ¬ diffusera au fur et à mesure et uniformément ses pigments à l’ensemble de l’objet.© RAPHAËL DEMARET
1 CUEILLIR AU FOUR Jean-Michel
1 CUEILLIR AU FOUR Jean-Michel ” cueille ” d’abord de sa canne en inox sa paraison (masse de verre en fusion) dans le creuset du four où bouillonne le cristal à 1.200 °C. Pour sa pièce du jour, qui sera couleur bleu cobalt, le maître verrier fixe à sa paraison une ” ballotte “, sorte de carotte de cristal colorée dans la masse qu’il fait fondre pour en garder une bille. Lovée au coeur de la nouvelle boule incandescente sortie du four, cette bille ¬ ici bleu cobalt ¬ diffusera au fur et à mesure et uniformément ses pigments à l’ensemble de l’objet.© RAPHAËL DEMARET
1 CUEILLIR AU FOUR Jean-Michel
1 CUEILLIR AU FOUR Jean-Michel ” cueille ” d’abord de sa canne en inox sa paraison (masse de verre en fusion) dans le creuset du four où bouillonne le cristal à 1.200 °C. Pour sa pièce du jour, qui sera couleur bleu cobalt, le maître verrier fixe à sa paraison une ” ballotte “, sorte de carotte de cristal colorée dans la masse qu’il fait fondre pour en garder une bille. Lovée au coeur de la nouvelle boule incandescente sortie du four, cette bille ¬ ici bleu cobalt ¬ diffusera au fur et à mesure et uniformément ses pigments à l’ensemble de l’objet.© RAPHAËL DEMARET
2 LE SOUFFLAGE Installé sur son banc, l'artisan souffle dans la canne pour obtenir un objet creux. Comme pour gonfler un ballon, le début est toujours plus difficile, après on dose. Il souffle et remet plusieurs fois la pièce au four. Le souffle, progressif, est proportionnel à l'aspect et au volume voulus pour la pièce.
2 LE SOUFFLAGE Installé sur son banc, l’artisan souffle dans la canne pour obtenir un objet creux. Comme pour gonfler un ballon, le début est toujours plus difficile, après on dose. Il souffle et remet plusieurs fois la pièce au four. Le souffle, progressif, est proportionnel à l’aspect et au volume voulus pour la pièce.© RAPHAËL DEMARET
3 LE MODELAGE Le souffle du verrier s'accompagne d'une action continue sur la masse en fusion en la maintenant en rotation. Ce mouvement, ainsi que la mailloche (sorte de paume en bois de poirier), permet à l'artisan de recentrer de façon ininterrompue la boule de cristal, de la garder bien homogène et dans l'axe. Ce travail de précision est d'autant plus délicat pour un objet coloré. La sphère doit rester dans un axe symétrique à la bille de couleur pour que celle-ci diffuse uniformément ses pigments lors du soufflage.
3 LE MODELAGE Le souffle du verrier s’accompagne d’une action continue sur la masse en fusion en la maintenant en rotation. Ce mouvement, ainsi que la mailloche (sorte de paume en bois de poirier), permet à l’artisan de recentrer de façon ininterrompue la boule de cristal, de la garder bien homogène et dans l’axe. Ce travail de précision est d’autant plus délicat pour un objet coloré. La sphère doit rester dans un axe symétrique à la bille de couleur pour que celle-ci diffuse uniformément ses pigments lors du soufflage.© RAPHAËL DEMARET
4 LE MOULAGE Bien homogène et calibrée, la sphère est une ultime fois soufflée dans un moule qui lui donne sa forme finale, parfaite en volume et épaisseur. La pièce démoulée, il reste à la désolidariser de la canne en traçant un sillon soumis à un petit choc thermo-métalli-que. En refroidissant, la pièce prend progressivement sa couleur définitive. Elle est mise en repos pendant 24 heures dans un four de recuisson. En effet, la pièce terminée est encore à 200-300 °C. Pour éviter tout choc thermique, son séjour en recuisson la stabilise à 400 °C avant de diminuer lentement la température.
4 LE MOULAGE Bien homogène et calibrée, la sphère est une ultime fois soufflée dans un moule qui lui donne sa forme finale, parfaite en volume et épaisseur. La pièce démoulée, il reste à la désolidariser de la canne en traçant un sillon soumis à un petit choc thermo-métalli-que. En refroidissant, la pièce prend progressivement sa couleur définitive. Elle est mise en repos pendant 24 heures dans un four de recuisson. En effet, la pièce terminée est encore à 200-300 °C. Pour éviter tout choc thermique, son séjour en recuisson la stabilise à 400 °C avant de diminuer lentement la température.© RAPHAËL DEMARET
5 LE SCIAGE ET LE COMPASSAGE Une fois la pièce refroidie, le maître verrier en scie la calotte, en
5 LE SCIAGE ET LE COMPASSAGE Une fois la pièce refroidie, le maître verrier en scie la calotte, en ” affête ” les bords supérieurs (les rend plats) et la ” compasse “, c’est-à-dire dessine sur sa surface, à main levée et avec un feutre spécial, les repères, lignes, quartiers du motif décoratif à suivre lors de la taille. Le vase du jour s’ornera des formes géométriques d’ ” Hommage à Mondrian “, la nouvelle collection initiée par Rowena Forrest.© RAPHAËL DEMARET
5 LE SCIAGE ET LE COMPASSAGE Une fois la pièce refroidie, le maître verrier en scie la calotte, en
5 LE SCIAGE ET LE COMPASSAGE Une fois la pièce refroidie, le maître verrier en scie la calotte, en ” affête ” les bords supérieurs (les rend plats) et la ” compasse “, c’est-à-dire dessine sur sa surface, à main levée et avec un feutre spécial, les repères, lignes, quartiers du motif décoratif à suivre lors de la taille. Le vase du jour s’ornera des formes géométriques d’ ” Hommage à Mondrian “, la nouvelle collection initiée par Rowena Forrest.© RAPHAËL DEMARET
6 LA TAILLE Son schéma tracé, le maître tailleur se place face à sa meule au disque en permanence humidifié pour éviter le chauffement du cristal. Les meules, garnies de diamants, sont de deux types : celles qui ébauchent et font le gros du travail, et celles réservées à la taille de précision des sillons et angles. Une trentaine de meules de différents grains, calibres et arêtes sont ainsi à la disposition du tailleur, selon le relief désiré.
6 LA TAILLE Son schéma tracé, le maître tailleur se place face à sa meule au disque en permanence humidifié pour éviter le chauffement du cristal. Les meules, garnies de diamants, sont de deux types : celles qui ébauchent et font le gros du travail, et celles réservées à la taille de précision des sillons et angles. Une trentaine de meules de différents grains, calibres et arêtes sont ainsi à la disposition du tailleur, selon le relief désiré.© RAPHAËL DEMARET
7 LE POLISSAGE Sur un tour doté d'une roue en feutre, le polisseur efface les repères du compassage et les éventuels défauts résiduels de surface. Ensuite, l'action conjuguée d'une roue en feutre plus délicate et d'une pâte douce argileuse va nettoyer la pièce et lui donner sa brillance. Enfin, un bain d'acide achèvera le lavage et révélera l'éclat, la netteté, la transparence et la pureté du cristal.
7 LE POLISSAGE Sur un tour doté d’une roue en feutre, le polisseur efface les repères du compassage et les éventuels défauts résiduels de surface. Ensuite, l’action conjuguée d’une roue en feutre plus délicate et d’une pâte douce argileuse va nettoyer la pièce et lui donner sa brillance. Enfin, un bain d’acide achèvera le lavage et révélera l’éclat, la netteté, la transparence et la pureté du cristal.© RAPHAËL DEMARET
8 LE RELEVAGE Gardienne du contrôle qualité, la releveuse examine toutes les pièces à l'oeil nu (ici, le même modèle que ci-dessus, mais en vert). D'abord au sortir de la phase à chaud pour déceler au plus tôt d'éventuels défauts. Ensuite, en fin de parcours, après la taille et le polissage. La releveuse peut rebuter les pièces ou les réexpédier au polisseur pour corrections. Toute pièce validée est déposée sur un plateau circulaire pour être estampillée du Val avec un pochoir générant une signature en transparence ou à l'envers.
8 LE RELEVAGE Gardienne du contrôle qualité, la releveuse examine toutes les pièces à l’oeil nu (ici, le même modèle que ci-dessus, mais en vert). D’abord au sortir de la phase à chaud pour déceler au plus tôt d’éventuels défauts. Ensuite, en fin de parcours, après la taille et le polissage. La releveuse peut rebuter les pièces ou les réexpédier au polisseur pour corrections. Toute pièce validée est déposée sur un plateau circulaire pour être estampillée du Val avec un pochoir générant une signature en transparence ou à l’envers.© RAPHAËL DEMARET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content