Bigger than Pinocchio

Lucas Varela, "La dernière comédie de Paolo Pinocchio", Editions Tanibis, 200 pages, 25 euros. © pg

L’Argentin Lucas Varela fait de Pinocchio sa propre marionnette dans une fresque démoniaque à la fois baroque et ligne claire!

Il était une fois l’Eden, bâti littéralement sur le chaos, qu’un dragon déguisé en serpent va tenter de déchaîner. Le voilà qui souffle sur les braises des poissons, éternellement submergés et jaloux des oiseaux. La révolte couve et la colère de Dieu sera terrible! Quel rapport avec Pinocchio? Bien plus tard, dans la Venise de la Renaissance, le personnage n’est plus qu’un excellent voleur qui, sans le savoir, s’empare à la fois d’un diamant magique et du “sceau des muses”, caché sous son nez de bois. Un sceau, à la fois “clé de toute création” et porte d’entrée d’un univers encore plus original que dantesque, mêlant en vrac Cercle des enfers, récits bibliques, créatures de Jérôme Bosch, Divine Comédie, tragédie grecque, commedia dell’arte et même cauchemar contemporain! Une véritable cosmogonie baroque qui se joue des époques, des temporalités et des références, et qu’on pourrait donc craindre foutraque si elle n’était pas écrite et dessinée par Lucas Varela, maître d’une nouvelle ligne claire très contemporaine et qui adore faire de Pinocchio sa propre marionnette. La première fois, c’était en 2007, dans un recueil argentin d’histoires courtes Estupefacto, puis en 2011, dans Paolo Pinocchio, publié en français par le petit éditeur Tanibis, qui en a fait un de ses fidèles. Dix ans plus tard, Varela leur confie ainsi ce qui ressemble furieusement à son “grand oeuvre”, malgré une nouvelle dimension acquise ailleurs avec entre autres Le jour le plus long du futur (Delcourt) ou Le Labo sur scénario d’Hervé Bourhis (Dargaud). Il prouve avec cette Dernière comédie virevoltante, féroce et érudite qu’il fait désormais partie des grands auteurs contemporains, portés à la fois par un graphisme au sommet de sa grammaire et de sa lisibilité, un sens de la narration presque miraculeux tant les occasions étaient belles de s’y perdre, et un imaginaire aussi fertile qu’original.

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